Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler une décision du 23 février 2016 par laquelle la directrice générale de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur a exercé le droit de préemption sur les parcelles cadastrées section AD n°128, 129, 130, 131, 132, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146 et 147 situées chemin du Font de Currault, Lieu-dit Les Bréguières, à Mougins.
Par un jugement n°1601862 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Nice a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 22 septembre 2018, l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce que, contrairement à ce qui a été jugé, la décision de préemption attaquée n'a pas été tardive et a revêtu un caractère exécutoire dans le délai de deux mois imparti à l'administration car la déclaration d'intention d'aliéner du 31 décembre 2015 ne constitue pas un complément d'information de la première, mais bien le dépôt d'une nouvelle déclaration, qui a fait courir un nouveau délai de deux mois.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 juin et 25 octobre 2018, M. D..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
2°) de mettre à la charge de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que le moyen soulevé par l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur n'est pas fondé en ce que, comme il l'a soulevé dans ses requêtes de première instance, la décision de préemption est intervenue tardivement et son caractère exécutoire à sa date d'intervention n'est pas prouvé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., représentant M.D....
Une note en délibéré présentée par M. D...a été enregistrée le 9 janvier 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...est propriétaire des parcelles cadastrées section AD n°128, 129, 130, 131, 132, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, et 147 situées chemin du Font de Currault, Lieu-dit Les Bréguières à Mougins. Le 24 septembre 2015, il a adressé une déclaration d'intention d'aliéner ces parcelles, situées dans le périmètre de la zone d'aménagement différé (ZAD) des Bréguières, à la commune de Mougins. Le 23 février 2016, la directrice générale de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur a exercé le droit de préemption sur ces parcelles. Le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande d'annulation de cette décision de M.D.... L'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur relève appel de ce jugement.
Sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. (...) Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. ". Aux termes du II de l'article R. 213-7 du même code : " II.- Il est suspendu, en application de l'article L. 213-2, à compter de la réception par le propriétaire de la demande unique formée par le titulaire du droit de préemption en vue d'obtenir la communication de l'un ou de plusieurs des documents suivants : (...) 7° Sous réserve qu'ils soient mentionnés dans la déclaration prévue à l'article L. 213-2 : -la convention ou le bail constitutif de droits réels et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ; -la convention ou le bail constitutif de droits personnels et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que le titulaire du droit de préemption dispose pour exercer ce droit d'un délai de deux mois, qui court à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner. Ce délai, qui constitue une garantie pour le propriétaire, ne peut être prorogé par une demande de précisions complémentaires que si la déclaration initiale est incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation. Dans ce cas, le délai de deux mois, au-delà duquel le silence de l'administration vaut renonciation au droit de préemption, court à compter de la réception par l'administration d'une déclaration complétée ou rectifiée.
4. Il ressort des pièces du dossier que la première déclaration d'intention d'aliéner du 28 septembre 2015 ne précise ni la désignation ni la consistance du bien objet de la vente. Elle ne mentionne notamment pas la superficie du bien objet de la vente et ses références cadastrales. M. D...soutient que les références cadastrales figuraient dans un extrait joint à ladite demande. Toutefois, cette demande indique " voir note en annexe ". Cette mention, au singulier, n'est pas suffisamment précise pour établir qu'un extrait cadastral était joint dès lors qu'elle peut renvoyer également, et uniquement, à la liste des locataires concernés. Par ailleurs, M. D...n'a pas répondu à la demande de la commune du 27 novembre 2015 de communication de la désignation des parcelles alors qu'il affirme que cette communication avait déjà été faite. Les attestations en sens contraires du notaire de M. D...du 4 juin 2018 et du directeur des services de la commune de Mougins du 22 novembre 2016, ne permettent pas davantage de trancher la question avec certitude. Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'extrait cadastral était joint à la déclaration initiale d'aliéner. M. D...a transmis une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner que la commune de Mougins a réceptionnée le 31 décembre 2015. Cette déclaration d'intention d'aliéner précise de nombreux points que l'administration tenait pour incertains. Elle mentionne, entres autres, le numéro et le nom de la voie, le lieudit ou la boite postale du bien objet de la vente, sa superficie, mais aussi ses références cadastrales en faisant apparaître pour la première fois la mention des parcelles section AD n°143-144-145-146-147. Dans ces conditions, le délai dont disposait le titulaire du droit de préemption n'a pas commencé à courir à compter de la réception de la déclaration d'aliéner du 28 septembre 2015 qui était incomplète et entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, mais à compter de la réception de la déclaration d'aliéner le 31 décembre 2015.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. Le notaire la transmet aux titulaires de droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage, aux personnes bénéficiaires de servitudes, aux fermiers et aux locataires mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...) ".
6. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles précitées du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise, mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption.
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision de préemption de l'établissement publique foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur a été prise le 23 février 2016. Cette décision a été reçue au secrétariat général pour les affaires régionales, autorité administrative de tutelle près la préfecture de région Provence-Alpes-Côte d'Azur le 24 février 2016 et elle a été notifiée à M.D..., par voie d'huissier de justice, le 26 février 2016. Par suite, l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nice, sa décision de préemption, qui n'avait pas à faire l'objet d'un affichage en mairie pour devenir exécutoire, a revêtu un tel caractère dans le délai de deux mois imparti à l'administration, courant à compter du 31 décembre 2015.
8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le caractère prétendument tardif et non exécutoire de la décision de préemption pour annuler la décision de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur du 23 février 2016.
9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Nice et devant la Cour.
Sur la légalité de la décision de préemption de l'établissement public foncier
Provence-Alpes-Côte d'Azur du 23 février 2016 :
10. En premier lieu, les 6 et 11 décembre 2013, la commune de Mougins et l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur ont conclu une convention d'intervention foncière sur le site des Bréguières. Un arrêté du 31 juillet 2015 du préfet des Alpes-Maritimes, portant création d'une zone d'aménagement différé dans le quartier des Bréguières sur la commune de Mougins, désigne l'établissement public foncier Provence- Alpes-Côte d'Azur comme titulaire du droit de préemption sur cette zone pour une période de six ans renouvelable. Mme B...F..., directrice générale de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, a été habilitée à exercer les " droits de préemption dont l'établissement est titulaire ou délégataire ", en particulier " de plein droit " dans le cadre de " toutes les conventions en cours ou ultérieurement conclues " par une délibération du conseil d'administration du 15 juin 2015. Cette délibération a par ailleurs été approuvée par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur le 22 juin 2015. En conséquence, Mme F...était compétente pour signer la décision attaquée.
11. En second lieu, aux termes du II de l'article R. 321-19 du code de l'urbanisme : " II.- Toutefois, les délibérations du conseil d'administration ou du bureau et les décisions du directeur général relatives à l'exercice du droit de préemption ou de priorité sont exécutoires de plein droit dès leur transmission au préfet compétent si l'exercice par l'établissement du droit de préemption ou de priorité est prévu dans une convention mentionnée aux articles L. 321-1 et L. 321-14, qu'il a préalablement approuvée. Lorsque l'exercice par l'établissement du droit de préemption ou de priorité n'est pas prévu par une de ces conventions, l'absence de rejet ou d'approbation expresse des délibérations ou décisions susmentionnées dans le délai de dix jours après réception vaut approbation tacite. ". Aux termes du dernier aliéna de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme : " (...) L'action des établissements publics fonciers pour le compte de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou d'un autre établissement public s'inscrit dans le cadre de conventions. ".
12. La commune de Mougins et l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur ont conclu une convention d'intervention foncière sur le site des Bréguières les 6 et 11 décembre 2013. Cette convention a été approuvée par une délibération du conseil d'administration de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur lors de sa séance du 28 novembre 2013, laquelle a été expressément approuvée le 29 novembre 2013 par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il ressort des pièces du dossier que les terrains préemptés figurent dans la zone d'intervention de l'établissement public foncier. Ainsi, aucune approbation préalable du préfet n'était requise en l'espèce.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une collectivité exerce dans une zone d'aménagement différé le droit de préemption dont elle est titulaire à des fins de constitution de réserves foncières en se référant aux motivations générales de l'acte qui crée cette zone, elle n'a pas à justifier de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement à la date de sa décision. Toutefois, la collectivité ne peut légalement exercer ce droit si la préemption est dépourvue d'utilité pour atteindre les objectifs en vue desquels la zone a été créée.
14. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la création de la ZAD des Bréguières a pour objectif de faciliter la mutation urbaine d'un secteur à fort potentiel du fait de la proximité du technopôle de Sophia Antipolis, des liaisons routières et du projet d'implantation d'une gare associée à la ligne nouvelle ferroviaire. Cette ZAD doit ainsi permettre, par anticipation foncière, la réalisation de plusieurs opérations d'aménagement et de multiples interventions urbaines pour mettre en oeuvre des projets urbains, une politique de l'habitat, le développement d'activités économiques et d'équipements publics. Dès lors, au regard de l'objectif général de développement et d'aménagement de la zone des Bréguières, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, motivée par la réalisation future du nouveau pôle multimodal, est dépourvue d'utilité pour atteindre les objectifs précités. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté. Si le conseil municipal de la commune de Mougins a voté une motion d'opposition au projet, d'ailleurs postérieure à la décision attaquée, il n'en résulte pas pour autant que le projet aurait été abandonné, ni qu'il serait devenu impossible à réaliser, dès lors notamment qu'il disposait en outre du soutien de la chambre de commerce et d'industrie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il ne résulte pas davantage du dossier que l'établissement public foncier aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
15. Il s'ensuit que l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, a annulé sa décision de préemption du 23 février 2016.
Sur les frais liés au litige :
16. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. D...ne peuvent qu'être rejetées, l'établissement public foncier n'ayant pas la qualité de partie perdante à la présente instance. Il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 000 euros, à verser à l'établissement public foncier.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n°1601862 du 16 mars 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de M. D...sont rejetées.
Article 3 : M. D...versera une somme de 2 000 (deux milles) euros à l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur et à M. C...D....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et à la commune de Mougins.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 janvier 2019.
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N° 17MA01738