Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 1er juillet 2016 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 27 novembre 2015 de la directrice du centre pénitentiaire de Borgo refusant de lui attribuer un logement par nécessité absolue du service ou de prendre en charge financièrement son loyer. Il a également demandé la condamnation de l'État à lui verser la somme de 47 400 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1600997 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 1er juillet 2016 et condamné l'État à verser à M. A... la somme de 30 448 euros en réparation du préjudice résultant pour lui du refus d'attribution d'un logement pour nécessité absolue du service.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 23 mai 2018, le ministre de la justice conclut :
1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 mars 2018 ;
2°) au rejet de la demande de M. A....
Il fait valoir que :
* l'absence de logement vacant pouvait légalement fonder la décision en litige ;
* le principe d'égalité n'a pas été méconnu, M. A... ne se trouvant pas dans la même situation que ses collègues ayant bénéficié d'un logement dès lors qu'à la date de sa demande aucun logement n'était vacant ;
* les préjudices allégués ne sont pas établis.
Par un mémoire, enregistré le 1er août 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 mars 2018 en tant qu'il a limité à la somme de 30 448 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'État en réparation du préjudice qu'il a subi ;
3°) de porter à la somme de 51 435,98 euros le montant de l'indemnité due au titre de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2016 et capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de l'État les dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
* la compétence du signataire de la décision du 1er juillet 2016 n'est pas établie ;
* cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
* elle est également entachée d'un vice de procédure ;
* elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
* elle méconnaît le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires ;
* elle est entachée d'abus de pouvoir.
Par lettre du 27 novembre 2018, la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir serait susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du fait que le tribunal s'est fondé sur un moyen inopérant dès lors que le principe d'égalité ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision refusant à M. A... le bénéfice d'un logement de fonction dans la mesure où il ne remplit ni les conditions de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques, faute d'obligation de disponibilité totale, étant uniquement soumis à des astreintes selon une fréquence d'environ une fois par mois, ni les conditions de l'article R. 2124-68 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'arrêté du 30 décembre 2015 fixant les listes de fonctions des services de l'État du ministère de la justice pouvant ouvrir droit à l'attribution d'une convention d'occupation précaire avec astreinte, aucun poste d'officier en détention n'étant recensé pour le centre pénitentiaire de Borgo s'agissant des concessions avec astreinte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
* le code général de la propriété des personnes publiques ;
* l'arrêté du 30 décembre 2015 fixant les listes de fonctions des services de l'État du ministère de la justice prévues aux articles R. 2124-65 et R. 2124-68 du code général de la propriété des personnes publiques pouvant ouvrir droit à l'attribution d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou d'une convention d'occupation précaire avec astreinte ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de Mme Tahiri,
* les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
* et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une lettre du 26 octobre 2015, M. A..., fonctionnaire titulaire du grade de lieutenant pénitentiaire affecté depuis le 2 septembre 2014 au centre pénitentiaire de Borgo, a sollicité le bénéfice d'un logement pour nécessité absolue de service ou, à défaut, une indemnité compensatrice en se prévalant de ce qu'il devait effectuer des astreintes. Cette demande a été rejetée par une décision du 27 novembre 2015 du directeur du centre pénitentiaire de Borgo puis, sur recours hiérarchique formé par M. A..., par une décision du 1er juillet 2016 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille. M. A... a saisi le tribunal administratif de Bastia aux fins d'obtenir, dans le dernier état de ses écritures, l'annulation de la décision du 1er juillet 2016 susmentionnée et la condamnation de l'État à lui verser la somme de
47 400 euros en réparation de ses préjudices. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel ce tribunal a annulé la décision du 1er juillet 2016 et condamné l'État à verser à M. A... la somme de 30 448 euros. M. A... demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il a limité son préjudice indemnisable à la somme de 30 448 euros.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 1er juillet 2016 :
2. Aux termes de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques : " Une concession de logement peut être accordée par nécessité absolue de service lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate. / Des arrêtés conjoints du ministre chargé du domaine et des ministres intéressés fixent la liste des fonctions qui peuvent ouvrir droit à l'attribution d'une concession de logement par nécessité absolue de service. ". L'article R. 2124-68 du même code dispose que : " Lorsqu'un agent est tenu d'accomplir un service d'astreinte mais qu'il ne remplit pas les conditions ouvrant droit à la concession d'un logement par nécessité absolue de service, une convention d'occupation précaire avec astreinte peut lui être accordée.
Elle est accordée par priorité dans des immeubles appartenant à l'État. / Une redevance est mise à la charge du bénéficiaire de cette convention. Elle est égale à 50% de la valeur locative réelle des locaux occupés. / Des arrêtés conjoints du ministre chargé du domaine et des ministres intéressés fixent la liste des fonctions comportant un service d'astreinte qui peuvent ouvrir droit à l'attribution d'une convention d'occupation précaire. ". La liste des emplois comportant un service d'astreinte pouvant ouvrir droit à l'attribution d'une convention d'occupation précaire est fixée par l'arrêté du 30 décembre 2015 susvisé, applicable à la date de la décision attaquée.
3. Pour annuler la décision en litige, le tribunal a estimé qu'elle méconnaissait le principe d'égalité entre fonctionnaires. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne remplit pas les conditions de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques faute de supporter, du fait de ses fonctions, une obligation de disponibilité totale, étant uniquement soumis à des astreintes selon une fréquence d'environ une fois par mois. Il ne remplit pas davantage les conditions de l'article R. 2124-68 du code général de la propriété des personnes publiques, l'arrêté du 30 décembre 2015 pris en application de ces dispositions ne mentionnant pas le centre pénitentiaire de Borgo au nombre des établissements pour lesquels les officiers en détention supportant un service d'astreinte peuvent bénéficier d'une convention d'occupation précaire. Par suite, dès lors que M. A... ne remplit pas les conditions légales lui ouvrant droit au bénéfice de l'avantage demandé, il ne saurait arguer d'une méconnaissance du principe d'égalité entre fonctionnaires en se référant au sort différent réservé à d'autres agents du centre pénitentiaire de Borgo. Dès lors, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce moyen inopérant pour annuler la décision querellée.
4. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens de M. A... à l'appui de ses conclusions aux fin d'annulation de la décision du juillet 2016.
5. La décision en litige est motivée par la circonstance qu'aucun des trois logements éligibles à la conclusion d'une concession de logement pour nécessité absolue de service pour le centre pénitentiaire de Borgo n'était disponible à la date de la demande de M. A.... Toutefois, l'absence de logement vacant ne saurait justifier légalement un refus d'attribution de concession de logement par nécessité absolue de service, un tel motif ne figurant pas au nombre de ceux prévus par les dispositions susmentionnées de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques. Dès lors, la décision du 1er juillet 2016 est entachée d'erreur de droit et doit, pour ce motif, être annulée sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de M. A....
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 1er juillet 2016.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
7. Toute illégalité fautive est, comme telle, et quelle qu'en soit la nature, susceptible d'engager la responsabilité de l'administration dès lors qu'elle présente un lien de causalité suffisamment direct et certain avec les préjudices subis.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A... ne remplit pas les conditions légales ouvrant droit au bénéfice d'une concession de logement pour nécessité absolue de service ou d'une convention d'occupation précaire. Dans ces conditions, les préjudices allégués, tenant aux frais de logement et de transport subis depuis mars 2014, ne présentent pas un lien de causalité direct avec l'illégalité fautive retenue au point 5 ni avec les autres illégalités reprochées par M. A... tenant à l'incompétence du signataire de cette décision, à son caractère insuffisamment motivé, à l'illégalité de la circulaire du 30 juillet 2013, à la méconnaissance du principe d'égalité, à l'existence d'une erreur d'appréciation et d'un abus de pouvoir.
9. Par suite, le ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a condamné l'État à verser à M. A... la somme de 30 448 euros en réparation de ses préjudices. Les conclusions incidentes de M. A... tendant à ce que le montant de cette indemnité soit portée à 51 435,98 euros ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. D'une part, aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance d'appel. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... ne peuvent donc qu'être rejetées.
11. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à M. A... la charge des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 mars 2018 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de la justice, les conclusions incidentes de M. A... et celles qu'il a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, où siégeaient :
* M. Gonzales, président,
* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
* Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 janvier 2019.
N° 18MA02357 2