Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Nouméa d'annuler le titre de perception émis à son encontre par le service exécutant de la solde unique du ministère de la défense le 14 mars 2013 pour un montant de 30 096 euros correspondant à un trop-perçu d'accessoires de solde pour la période de juillet à décembre 2011, et deux titres émis le 6 mars 2014 et le 31 mars 2014 correspondant au recouvrement d'avances de solde versées au cours de la période de juin à septembre 2011, de prononcer la restitution de la somme de 11 328,18 euros prélevée sur son compte et le remboursement des frais bancaires de saisie d'un montant de 88,91 euros et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice moral subi.
Par une ordonnance du 8 septembre 2014, le président du tribunal administratif de Nouméa a transmis la demande de Mme C... au tribunal administratif de Toulon.
Par un jugement n° 1403401 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de Mme C... tendant à l'annulation du titre de perception émis le 6 mars 2014 pour un montant de 2 197 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2017, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 novembre 2016 ;
2°) d'annuler ces titres de perception du 14 mars 2013, du 6 mars 2014 et du 31 mars 2014 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 11 328,18 euros au titre du montant prélevé sur son compte, de 88,91 euros au titre des frais bancaires de saisie et de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi, avec intérêts à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) subsidiairement de prononcer un dégrèvement partiel des sommes mises à sa charge et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 88,91 euros au titre des frais bancaires de saisie et de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 400 000 XPF en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les bases de la liquidation des créances mises à sa charge ne lui ont pas été indiquées ;
- ces créances sont prescrites par application de la prescription biennale prévue à l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ;
- l'existence des créances et notamment la réalité du versement d'avances de soldes n'est pas établie ;
- les dysfonctionnements de la procédure de recouvrement et le retard avec lequel elle a été mise en oeuvre constituent une faute qui engage la responsabilité de l'Etat à son égard.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2018, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête comporte des conclusions indemnitaires nouvelles en appel ;
- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la défense ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...C..., infirmière du service de santé des armées jusqu'à sa radiation des cadres le 1er septembre 2011, puis engagée dans la réserve opérationnelle à compter du 2 décembre suivant, a demandé en première instance l'annulation du titre de perception émis à son encontre par le service exécutant de la solde unique du ministère de la défense le 14 mars 2013 pour un montant de 30 096 euros et des deux titres émis le 6 mars 2014 et le 31 mars 2014 correspondant au recouvrement d'avances de solde versées au cours de la période de juin à septembre 2011, la restitution de la somme de 11 328,18 euros prélevée sur son compte à la suite d'un avis à tiers détenteur et le remboursement des frais bancaires de saisie d'un montant de 88,91 euros et la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice moral subi. Elle relève appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 6 mars 2014 et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur les conclusions dirigées contre le titre de perception émis le 6 mars 2014 :
2. Par une décision du 22 octobre 2014, postérieure à l'introduction de la demande de Mme C..., l'administration a annulé le titre de perception émis le 6 mars 2014 pour un montant de 2 197 euros. Dès lors, les conclusions dirigées contre ce titre étaient devenues sans objet à la date du jugement attaqué. Il n'y avait donc pas lieu d'y statuer, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, ce que la requérante ne conteste d'ailleurs pas.
Sur les conclusions dirigées contre les titres de perception émis le 14 mars 2013 et le 31 mars 2014 :
En ce qui concerne la régularité de ces titres :
3. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquide faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". L'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance.
4. Il résulte de l'instruction que le titre de perception émis le 14 mars 2013 mentionne qu'il correspond à un trop-perçu au titre d'accessoires de solde pour la période du 1er juillet au 30 août 2011, de solde et accessoires pour les périodes du 1er octobre au 31 octobre 2011 et du 1er décembre au 31 décembre 2011. Le titre de perception émis le 31 mars 2014 indique qu'il correspond à un trop versé au titre de la solde pour les périodes du 1er juin au 30 juin 2012, du 1er juillet au 31 juillet 2012 et du 1er septembre au 30 septembre 2012. Ces mentions ne permettent au débiteur de connaître les bases et éléments de calcul sur lesquels l'administration s'est fondée pour déterminer le montant des créances litigieuses. Si ces deux titres de perception se réfèrent à un état de calcul qui aurait été notifié le 21 novembre 2012 pour le premier et le 12 novembre 2013 pour le second, aucun élément n'a été produit en défense de nature à démontrer la réalité de ces notifications à la requérante, qui conteste expressément ce point. La communication à Mme C..., en annexe d'un courrier du 10 juin 2014, d'une copie de l'état de calcul de la somme réclamée par le titre de perception émis le 14 mars 2013 ne saurait rétablir la régularité de ce dernier. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que les titres de perception émis à son encontre le 14 mars 2013 et le 31 mars 2014 sont irréguliers en ce qu'ils n'indiquent pas les bases de la liquidation, ainsi que le prescrivent les dispositions précitées de l'alinéa 2 de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012.
En ce qui concerne l'existence des créances :
S'agissant de l'application des règles de prescription :
5. Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Aux termes de l'article 2222 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008 : " (...) En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. ". L'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, dispose que : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".
6. En premier lieu, il résulte du motif énoncé au point 4 que les éléments de rémunération dont la répétition fait l'objet du titre de perception émis le 14 mars 2013 portent sur l'année 2011 et il n'est pas contesté que leur versement est intervenu avant que les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, issues de la loi du 28 décembre 2011, ne soient entrées en vigueur le 30 décembre 2011. A cette date, la prescription quinquennale, qui s'appliquait à toutes les actions relatives aux rémunérations des agents publics, qu'il s'agisse d'une action en paiement ou d'une action en restitution de ce paiement, n'était pas acquise et ne l'était pas davantage au début du mois de décembre 2013, époque à laquelle la requérante a reconnu avoir reçu notification de ce titre de perception, avant de demander des explications au service exécutant de la solde unique du ministère de la défense par une lettre reçue par ce service le 9 décembre 2013.
7. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 4, le titre de perception émis le 31 mars 2014 correspond à un trop versé au titre de la solde pour les périodes du 1er juin au 30 juin 2012, du 1er juillet au 31 juillet 2012 et du 1er septembre au 30 septembre 2012. Cette créance entre donc dans le champ d'application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000. Mme C... a reconnu dans son courrier daté du 20 mai 2014 adressé à la commission des recours des militaires qu'elle avait reçu notification de ce titre de perception le 13 mai précédent. A cette date la prescription biennale de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 n'était pas acquise.
8. En troisième lieu, la circonstance que la notification à la requérante des titres de perception litigieux n'aurait pas été précédée ou accompagnée par celle des états de calcul mentionnés au point 4 est sans incidence sur l'application des règles de prescription.
S'agissant du bien-fondé des créances :
9. Il ressort des états de calcul afférents à la créance de 30 096 euros sur laquelle porte le titre de perception émis le 14 mars 2013 et des explications apportées en première instance par l'administration que cette créance inclut notamment la somme de 4 437,10 euros correspondant à quatre versements en numéraire d'avances de solde qui auraient été effectués le 16 novembre 2010, le 1er décembre 2010, le 1er janvier 2011 et le 1er mars 2011 alors que Mme C... se trouvait en mission de renfort temporaire à Djibouti. Si l'administration a fait valoir qu'aucune régularisation ultérieure n'est intervenue, la réalité de ces versements en numéraire, qui est contestée par la requérante, ne résulte pas de l'instruction. Ainsi, Mme C... ne contestant pas par ailleurs utilement le caractère exigible des autres sommes mises à sa charge par le titre de perception émis le 14 mars 2013, celui-ci est fondé à hauteur de 25 658, 90 euros seulement.
10. Le ministre, qui n'a communiqué ni au cours de la procédure de recouvrement de la créance de 2 197 euros ayant fait l'objet du titre de perception émis le 31 mars 2014, ni dans le cadre du présent litige l'état de calcul de cette somme, s'est borné à indiquer dans son mémoire devant le tribunal administratif que cette somme correspond à des avances de solde versées le 20 juin 2012, le 20 juillet 2012 et le 19 septembre 2012 pour les montants respectifs de 740,08 euros, 653,40 euros et 803,32 euros. Il ne justifie cependant pas la réalité du versement de ces avances alors que Mme C... conteste expressément ce point. Le titre de perception émis le 31 mars 2014 ne peut en conséquence être regardé comme fondé.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. Mme C... a droit, en dépit de la faculté dont elle disposait de demander un étalement du paiement de la créance mise à sa charge, au remboursement de la somme de 88,91 euros au titre des frais bancaires de saisie résultant de l'émission irrégulière du titre de perception du 14 mars 2013.
12. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de l'ordonnance médicale produite en première instance, que l'irrégularité de la procédure de recouvrement des créances contestées ait été à l'origine d'un préjudice moral pour Mme C....
13. Il ressort des dispositions de l'article 1231-7 du code civil que, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution. Dans ces conditions, la demande de Mme C... tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date du présent arrêt, des intérêts au taux légal sur la somme que l'Etat a été condamné à lui verser, est dépourvue de tout objet et doit donc être rejetée.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Mme C... doit être regardée comme demandant à la Cour d'enjoindre à l'Etat de lui restituer la somme de 11 328 euros saisie sur son compte pour assurer le recouvrement de la somme de 30 096 euros mise à sa charge par le titre de perception émis le 14 mars 2013. De telles conclusions ne constituent pas des conclusions indemnitaires qui seraient nouvelles en appel. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 9 que ce titre est entaché d'une irrégularité en la forme mais n'est fondé qu'à hauteur de la somme de 25 658, 90 euros. La créance de l'Etat n'étant ainsi justifiée dans son principe et dans son montant qu'à hauteur de ce dernier montant, la restitution à Mme C... de la somme de 11 328 euros doit être subordonnée à la condition que la ministre des armées n'ait pas émis, dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un nouveau titre d'un montant de 25 658, 90 euros dans des conditions régulières.
Sur les frais liés au litige :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : Les titres de perception émis le 14 mars 2013 et le 31 mars 2014 sont annulés.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme C... la somme de 88,91 euros.
Article 4 : Il est enjoint à l'Etat de restituer à Mme C... la somme de 11 328 euros perçue sur le fondement du titre de perception du 14 mars 2013 annulé, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, si l'Etat n'a pas émis avant l'expiration de ce délai un nouveau titre de perception dans des conditions régulières.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse C...et à la ministre des armées.
Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques du Var.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 janvier 2019.
N° 17MA00732 3