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08/01/2019 | FRANCE | N°17MA00467

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2019, 17MA00467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Porto-Vecchio à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle aurait subi.

Par un jugement n° 1500368 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Porto-Vecchio à lui verser une somme de 5 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er février 2017 et le 25 ja

nvier 2018, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Porto-Vecchio à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle aurait subi.

Par un jugement n° 1500368 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Porto-Vecchio à lui verser une somme de 5 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er février 2017 et le 25 janvier 2018, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Porto-Vecchio en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2°) de porter à la somme de 50 000 euros le montant de l'indemnité due en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle aurait subi avec intérêts à compter du 27 janvier 2015 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Porto-Vecchio de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* la responsabilité pour faute de la commune de Porto-Vecchio est engagée à raison des agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle a fait l'objet, illustrés par le déroulement anormal de sa carrière et un environnement de travail malsain ;

* le préjudice moral subi et les troubles subis dans ses conditions d'existence doivent être réparés à hauteur de 50 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 novembre 2017 et le 8 mars 2018, la commune de Porto-Vecchio, représentée par Me B... du cabinet Palmier - B... Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* les conclusions à fin d'injonction, qui sont nouvelles en appel, sont irrecevables ;

* les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

* les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

* les observations de Me D..., représentant Mme A...,

* et les observations de Me E... substituant Me B..., représentant la commune de Porto-Vecchio.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjointe administrative territoriale de 2ème classe de la commune de Porto-Vecchio, a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Porto-Vecchio à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle aurait subi au cours de sa carrière. Par un jugement du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bastia a estimé que si l'existence de ce harcèlement n'était pas établie, la commune de Porto-Vecchio avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en laissant Mme A... affectée de l'année 2000 à la fin de l'année 2007 à son poste des archives alors qu'elle avait signalé dès décembre 2004 les problèmes que lui posait l'insalubrité des locaux concernés. Il a en conséquence condamné la commune de Porto-Vecchio à verser à l'intéressée une somme de 5 000 euros. Mme A... demande à la Cour de réformer ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnité due par la commune à cette somme de 5 000 euros.

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

3. En premier lieu, Mme A..., qui avait été recrutée en 1993 par la commune de Porto-Vecchio en qualité d'agent non titulaire puis sur un contrat emploi solidarité, et qui occupait alors des fonctions d'agent d'accueil et de secrétariat, a été titularisée au grade d'agent administratif territorial à compter du 1er décembre 2001 et affectée au service des archives. Elle expose qu'elle avait néanmoins quitté son poste précédent trois mois avant cette nouvelle affectation, la privant ainsi du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) liée à l'exercice de fonctions d'accueil. Elle a été affectée en 2007, à temps partiel puis à temps plein, à la direction de l'animation, de la culture et de la communication puis, en 2013, au service communication en vue de l'élaboration d'une revue de presse quotidienne, en 2014 au service de la réglementation et de la police municipale et rurale, où elle a occupé avec un autre agent des fonctions d'accueil. Il ressort des pièces du dossier, d'une part que si, postérieurement à sa titularisation, Mme A... a été promue à l'ancienneté maximale aux 5ème et 6ème échelons du grade d'adjoint administratif de 1ère classe en 2010 et en 2013, elle avait bénéficié d'un avancement à l'ancienneté minimale lorsqu'elle était titulaire du grade d'agent administratif territorial et, après intégration en 2005 et en 2007, de ceux d'agent administratif qualifié et d'adjoint administratif de 2ème classe. Elle a été promue au grade supérieur d'adjoint administratif de 1ère classe à compter du 1er janvier 2008 à la suite de sa réussite à l'examen professionnel en vue duquel elle avait suivi une préparation prise en charge par son employeur. D'autre part, un changement de fonctions consécutif à une titularisation ne revêt aucun caractère anormal, son affectation dans un autre service que celui des archives ayant été prononcée en réponse à sa réclamation relative à l'insalubrité du local de stockage des archives ;

d'autre part, sa mutation au sein du service de la réglementation, qui nécessitait un renfort et qui lui a permis de percevoir à nouveau la NBI, résulte d'une réorganisation du service communication, lequel avait été temporairement renforcé en 2013 dans le cadre de l'organisation d'un important événement sportif. Par ailleurs, alors même que les fonctions occupées par Mme A... au service des archives étaient celles de responsable, elle a mentionné dans sa fiche de notation 2005 qu'elles ne correspondaient pas à son grade. Il n'apparaît pas que les postes qu'elle a occupés successivement depuis sa titularisation aient comporté de moins en moins de responsabilités, les attributions dévolues relevant d'ailleurs des cadres d'emplois dont elle faisait partie. Ces éléments de fait, y compris le partage de son poste de travail à partir de la fin de l'année 2016, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.

4. En second lieu, Mme A..., qui fait valoir qu'elle exerçait ses fonctions au service des archives entre 2002 et 2007 dans des locaux insalubres en raison de leur caractère exigu, sombre et humide et de la présence de nuisibles, produit des photographies en ce sens. Si elle a alerté son employeur dès 2004 et que le médecin de prévention a confirmé ses dires ultérieurement, ce n'est qu'en 2007 qu'elle a été affectée, à temps partiel, dans un autre service. Elle a alors disposé d'un bureau tourné vers un mur. Alors que les postes de travail des autres agents du service communication ont été transférés en 2014 dans des locaux rénovés, elle est demeurée dans les anciens locaux avant d'être mutée au service de la réglementation et de la police municipale et rurale. Elle s'est heurtée d'emblée dans ce dernier service à des difficultés relationnelles de la part de l'agent chargée comme elle de l'accueil du public. Après une période de congé de maladie et de travail à mi-temps thérapeutique, elle a dû exercer ses fonctions sur un poste de travail partagé avec d'autres agents. Il y a lieu de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à partir de ces éléments de fait.

5. Les faits énoncés au point 4 ne peuvent cependant être appréciés sans tenir compte du comportement de l'intéressée et de l'intérêt du service. La commune de Porto-Vecchio démontre que le bureau occupé par Mme A... au service des archives, aussi peu confortable qu'il ait été, se trouvait dans un bâtiment accueillant les services techniques et notamment le secrétariat de ce service. Le service des archives y a été maintenu après son départ. L'intéressée n'était pas amenée à travailler en permanence dans l'annexe aménagée dans un bâtiment préfabriqué. La disposition de son bureau à la direction de l'animation, de la culture et de la communication s'expliquait par la forme de ce meuble nécessitant de l'accoler à un mur pour éviter la chute du matériel informatique qu'il supportait, Mme A... ne devant d'ailleurs l'utiliser qu'environ une heure par jour. Ainsi qu'il a été relevé au point 3, elle n'a pas été maintenue au service de la communication dont le renfort en personnel n'était plus nécessaire en 2014. Dès qu'elle en a été informée, l'administration a mis fin aux désagréments subis par la requérante, provoqués par l'exécution de travaux dans le local où elle travaillait, en l'autorisant temporairement à rester chez elle. Il ressort des témoignages et des pièces de procédure produites en défense que Mme A... a provoqué l'altercation avec sa collègue dont elle fait état au service de la réglementation et de la police municipale et rurale et que, de façon générale, son comportement quérulent est à l'origine des difficultés relationnelles rencontrées au sein de l'administration communale. Enfin, l'administration a diligenté en 2016 une étude de l'ergonomie de son poste de travail qui préconise certaines mesures mais ne conclut pas à une inadaptation particulière aux fonctions. Par suite, les faits ci-dessus allégués par Mme A... ne peuvent être regardés comme caractérisant un harcèlement moral.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Porto-Vecchio en réparation du préjudice qu'elle a subi. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Porto-Vecchio, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Porto-Vecchio présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Porto-Vecchio présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Porto-Vecchio.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, où siégeaient :

* M. Gonzales, président,

* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

* M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2019.

Le rapporteur,

signé

P. d'IZARN de VILLEFORTLe président,

signé

S. GONZALES

Le greffier,

signé

C. LAUDIGEOIS

La République mande et ordonne au préfet de la Corse-du-Sud en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 17MA00467 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00467
Date de la décision : 08/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DEBARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-08;17ma00467 ?
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