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21/12/2018 | FRANCE | N°18MA02386-18MA02387

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2018, 18MA02386-18MA02387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel le préfet du Gard a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1703176 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2018 sous le n° 18MA02386, M. A... C..., représenté par Me B.

.., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel le préfet du Gard a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1703176 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2018 sous le n° 18MA02386, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... C...ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2018 sous le n° 18MA02387, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de Nîmes sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens énoncés dans sa requête au fond, visés ci-dessus, présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... C...ne sont pas fondés.

M. A... C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans chaque dossier par décisions du 26 mars 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Carotenuto a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. M. A... C..., ressortissant comorien, demande à la Cour, par sa requête enregistrée sous le n° 18MA02386, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 décembre 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel le préfet du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... C...demande le sursis à exécution du même jugement par sa requête enregistrée sous le n° 18MA02387.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3, les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à Mayotte, à l'exception des titres délivrés en application des dispositions des articles L. 121-3, L. 313-4-1, L. 313-8, du 6° de l'article L. 313-10, de l'article L. 313-13 et du chapitre IV du titre Ier du livre III, n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte. / Les ressortissants de pays figurant sur la liste, annexée au règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par le représentant de l'Etat à Mayotte après avis du représentant de l'Etat dans le département où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de Mayotte et des considérations d'ordre public ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C...a vécu de 2002, soit à compter de l'âge de dix-sept ans, à 2015, à Mayotte et a bénéficié, à cet effet, depuis 2009, de titres de séjour délivrés par la préfecture de Mayotte régulièrement renouvelés, dont le dernier était valable du 30 septembre 2014 au 29 septembre 2015. Il est entré, le 22 janvier 2015, à l'âge de vingt-neuf ans, sur le territoire métropolitain de la France sous couvert d'un visa de court séjour et a rejoint Mme D..., également de nationalité comorienne, qu'il avait épousée religieusement, à Mayotte, le 1er janvier 2007, et qui elle-même était entrée sur le territoire métropolitain en septembre 2014 et s'est vue délivrer une carte de résident, en qualité de mère d'une enfant française prénommée Naïla, née, à Mayotte, le 2 décembre 2003, d'un père de nationalité française. De l'union entre M. A... C...et Mme D..., sont nés quatre enfants, deux à Mayotte, les 19 mai 2008 et 21 février 2011, et deux à Nîmes, les 18 novembre 2014 et 10 mars 2016.

6. D'une part, le requérant ne peut se prévaloir de l'ancienneté et de la régularité de son séjour sur le territoire français dès lors que la validité des titres de séjour délivrés en application des dispositions précitées de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est limitée au territoire de Mayotte. D'autre part, il ne justifie pas la réalité de sa vie commune, sur le territoire métropolitain, avec sa compagne et leurs quatre enfants et il est, par ailleurs, père d'un autre enfant, Fazali, né à Mayotte le 17 avril 2014 qui y réside toujours. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a elle-même vécu pendant plus de dix ans, avec sa fille aînée, à Mayotte, séparée du père biologique de cette dernière qui vit en France métropolitaine, et que les deux attestations établies par celui-ci datées des 3 et 9 novembre 2017 ne permettent pas, à elles seules, d'établir l'effectivité de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille ou la réalité de leurs relations affectives. Dans ces conditions, le préfet du Gard n'a pas, en refusant de délivrer à M. A... C...un titre de séjour valable sur le territoire métropolitain de la France, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'a pas davantage, alors même que l'intéressé occupe un emploi en qualité de " plongeur " depuis le mois de juillet 2017, commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En revanche, en l'obligeant, dans ces conditions, à quitter le territoire français, laquelle obligation lui interdit nécessairement de rejoindre le département de Mayotte, et en prévoyant qu'à l'expiration d'un délai de trente jours, il pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité, soit, en l'espèce, les Comores, pays que l'intéressé a quitté depuis l'âge de dix-sept ans, " ou, avec son accord, de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ", formule qui ne saurait viser le département de Mayotte, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2017 en tant que, par cet arrêté, le préfet du Gard l'a obligé à quitter le territoire français, sans excepter le département de Mayotte, et a prévu qu'il pourra être reconduit d'office à destination des Comores.

9. Les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui accorder un titre de séjour ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

10. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... C...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

11. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement n° 1703176 du tribunal administratif de Nîmes sont donc devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Gard du 21 juillet 2017 est annulé en tant qu'il oblige M. A... C...à quitter le territoire français, sans excepter le département de Mayotte, et a prévu qu'il pourra être reconduit d'office à destination des Comores.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18MA02386 est rejeté.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 décembre 2017 présentées dans la requête n° 18MA02387.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.

6

N° 18MA02386, 18MA02387

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02386-18MA02387
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : DEBUREAU ; DEBUREAU ; DEBUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-21;18ma02386.18ma02387 ?
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