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20/12/2018 | FRANCE | N°18MA04016-18MA04023

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 18MA04016-18MA04023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 2 juillet 2018 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, prononcé son transfert aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile et, d'autre part, décidé de l'assigner à résidence pour une durée de vingt-cinq jours.

Par un jugement n° 1805193 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
r>I. Par une requête, enregistrée le 24 août 2018, sous le n° 18MA04016, M. A..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 2 juillet 2018 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, prononcé son transfert aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile et, d'autre part, décidé de l'assigner à résidence pour une durée de vingt-cinq jours.

Par un jugement n° 1805193 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 24 août 2018, sous le n° 18MA04016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler les arrêtés en litige ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet a méconnu son pouvoir discrétionnaire d'examen de sa demande d'asile ;

- la décision a été prise en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme, de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 dès lors que le système d'asile en Italie est caractérisé par une défaillance systémique et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 24 août 2018, sous le n° 18MA04023, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du 5 juillet 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement comporterait, pour elle, des conséquences difficilement réparables ;

- ses moyens d'annulation énoncés dans la requête sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par l'appelant n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans chaque affaire par une décision du 26 octobre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement européen (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique les rapports de M. Haïli.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 18MA04016 et n° 18MA04023, présentées pour M. A..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. M. A..., né le 29 novembre 1994 à Delta State (Nigéria), de nationalité nigériane, a fait l'objet de deux arrêtés du 2 juillet 2018 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes en tant qu'autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Le requérant interjette appel du jugement n° 1805193 du 5 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité de l'arrêté de remise aux autorités italiennes :

3. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, de ce que cette décision est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article 17 du même règlement, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui desquels il ne fait valoir, devant la Cour, aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'analyse portée par le premier juge, doivent être écartés par adoption des motifs par lesquels ce dernier les a, à bon droit, écartés aux points 4, 5, 7 et 9 de sa décision.

4. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 3 du règlement UE n° 604-2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable (...) ".

5. Il résulte des stipulations précitées que la présomption selon laquelle un État membre respecte les obligations découlant de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est renversée lorsqu'il existe de sérieuses raisons de croire qu'il existe, dans " l'État membre responsable " de la demande d'asile au sens du règlement précité, des " défaillances systémiques" de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile impliquant pour ces derniers un risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.

6. En l'espèce, le requérant soutient que sa remise aux autorités italiennes lui fait courir le risque que sa demande d'asile ne soit pas examinée correctement, dès lors qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant. Les conditions d'accueil des demandeurs d'asile et de traitements de leurs demandes ne seraient pas assurées, compte tenu de l'afflux de demandeurs d'asile en Italie et de la politique des autorités italiennes très souvent condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme à ce titre.

7. L'Italie est un État membre de l'Union européenne partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. S'il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, les éléments d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités italiennes ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers l'Italie est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile.

8. Par suite, M. A... n'établit par aucun élément probant que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans le respect de l'ensemble des garanties attachées au droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la décision de remise aux autorités italiennes aurait été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

9. Le requérant n'articule aucun moyen à l'encontre de cet arrêté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'appelant ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

12. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

13. Les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une quelconque somme à l'avocat de M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

14. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 18MA04023 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer, ni sur les conclusions accessoires présentées dans cette instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 1804016 de M. A... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA04023.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, où siégeaient :

- Mme Mosser, présidente,

- Mme Paix, présidente assesseure,

- M. Haïli premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2018.

6

N°18MA04016, 18MA04023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA04016-18MA04023
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : MEZOUAR ; MEZOUAR ; MEZOUAR

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-20;18ma04016.18ma04023 ?
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