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20/12/2018 | FRANCE | N°17MA00748

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 17MA00748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 mai 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1603924 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février 2017 et le 9 avril 201

8, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 novembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 mai 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1603924 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février 2017 et le 9 avril 2018, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2016 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre demandé, ou à défaut de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Ruffel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré du caractère incomplet de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- la décision de refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il a commis une erreur de droit en lui opposant l'absence d'un visa de long séjour pour refuser de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- il a commis une autre erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre sur le fondement du 7) du même article, alors que la demande de titre n'était pas présentée sur ce fondement ;

- il s'est cru à tort en situation de compétence liée pour refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire au motif qu'il était en situation irrégulière lors de la demande de titre ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord précité et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet aurait dû lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour suite à l'abrogation de son précédent arrêté de refus ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet s'est également cru à tort en situation de compétence liée pour lui accorder un délai de départ volontaire de trente jours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2018, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Ruffel, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 mai 2016, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour à M.B..., l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement 8 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

2. Le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant prévoit que : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

3. M.B..., ressortissant algérien né en 1981, est entré en France le 10 mai 2015 sous couvert d'un visa de court séjour en compagnie de son épouse, également ressortissante algérienne, et de leur fille Lina, née le 29 juillet 2011, atteinte d'un trouble du spectre autistique diagnostiqué en Algérie en décembre 2014 et confirmé en février 2015. L'enfant est atteinte d'un retard massif du langage avec des difficultés communicationnelles et des troubles psychomoteurs. Elle présente un taux de handicap compris entre 50 et 80 %. Elle n'a pu bénéficier dans son pays d'origine que d'une stimulation de deux heures par mois par un auxiliaire spécialisé, insuffisante pour améliorer son état. Suite à son arrivée en France, l'enfant a été prise en charge au sein du service d'accompagnement des enfants autistes de l'association Autiste et Ecolier 34 et bénéficie d'une rééducation orthophonique bihebdomadaire et d'une séance par semaine avec une psychomotricienne et une psychologue. Elle est partiellement scolarisée en maternelle avec l'appui d'une assistante de vie scolaire. Les parents et l'enfant participent à un protocole de recherche coordonné par le Centre de Ressources Autisme Languedoc-Roussillon portant sur l'évolution d'une cohorte d'enfants et d'adolescents présentant des troubles du spectre autistique, dépendant du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, d'une durée de dix ans. L'enfant présente un âge où la réalisation des soins appropriés a une incidence décisive sur son développement futur. Des progrès significatifs ont été relevés depuis le début de la prise en charge en France. Bien que la prise en charge des personnes atteintes de troubles du syndrome autistique, adultes et enfants, se développe progressivement en Algérie, son pays d'origine, l'enfant ne peut être raisonnablement regardée comme susceptible d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié en raison du faible nombre et de la saturation des structures existantes, documentés par les pièces du dossier. Compte tenu de l'incidence de l'irrégularité du séjour de son père sur sa situation et des conséquences particulièrement préjudiciables de la rupture de prise en charge qu'entraînerait l'exécution d'une mesure d'éloignement sur son développement, le préfet de l'Hérault n'a pas,

dans les circonstances de l'espèce, tenu suffisamment compte de l'intérêt supérieur de l'enfant Lina. Il a ainsi méconnu le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant cité ci-dessus.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

5. Il n'est dès lors pas nécessaire pour la cour de se prononcer sur les autres moyens invoqués par l'appelant à l'encontre de l'arrêté du 12 mai 2016 et du jugement du 8 novembre 2016.

6. L'annulation de l'arrêté du 12 mai 2016 implique nécessairement, compte tenu des motifs qui précèdent, la délivrance à M. B... d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Me Ruffel, avocat de M.B..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 8 novembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 12 mai 2016 du préfet de l'Hérault sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Ruffel la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2018.

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N° 17MA00748

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00748
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-20;17ma00748 ?
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