Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Tahiti Plage a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.
Par un jugement n° 1401109 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 novembre 2016, et le 11 juillet 2017, la SARL Tahiti Plage, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 octobre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
Elle soutient que :
- la reconstitution des recettes est radicalement viciée dans son principe ;
- l'administration a fondé sa reconstitution sur des secteurs déterminés en fonction du taux de taxe sur la valeur ajoutée et non sur une approche " matières ", répercutant ainsi sur la reconstitution du secteur de la restauration celui relatif à la location de matelas ;
- elle a pris en compte une partie très faible du chiffre d'affaires pour reconstituer par déduction la totalité du chiffre d'affaires ;
- l'administration s'est fondée sur les recettes réalisées pendant la période allant du 11 août 2012 au 17 septembre 2012 dont elle a extrapolé les montants pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'ensemble de la période vérifiée alors qu'il est établi que lesdites recettes réalisées en 2012 ne peuvent être représentatives de l'ensemble de la période compte tenu de l'absence de concurrence durant ladite saison.
- s'agissant des tickets RAZ journaliers, malgré certaines omissions, les recettes reportées respectent strictement la ventilation selon les taux figurant sur les tickets RAZ ;
- à titre subsidiaire, s'agissant de la reconstitution des recettes tirées de la vente de boissons alcoolisées, elle conteste l'application d'un prix médian de 4 euros non étayé pour la ventilation des ventes de bières ;
- sur le taux des offerts, des pertes et de la consommation du personnel, il y a lieu d'appliquer uniformément le taux de 20 % retenu par l'administration uniquement pour les pertes et prélèvements de bière pression.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête de la société n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 21 novembre 2018, Me C...B..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Tahiti Plage, désigné par jugement du 21 septembre 2018 du tribunal de commerce de Tarascon, représenté par MeA..., déclare reprendre l'instance engagée par la SARL Tahiti Plage.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- les conclusions de M. Ouillon , rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant MeB..., mandataire judiciaire de la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Tahiti Plage relève appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.
2. La SARL Tahiti Plage, qui exerce une activité saisonnière, d'avril à septembre, de bar-restaurant sur place, de location de matelas, de ventes de produits à emporter sur la plage Ouest de la capitainerie aux Saintes-Maries de la Mer (13460), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que la comptabilité de la société n'était pas probante et devait être écartée. L'administration fiscale a donc procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires taxable et du résultat imposable sur la période concernée et a par suite notifié à la société contribuable des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée suivant la procédure contradictoire par proposition de rectification du 20 décembre 2012, confirmées par réponse aux observations du contribuable en date du 2 avril 2013.
3. La société requérante ne conteste pas le caractère non probant de la comptabilité, écarté par le vérificateur, compte tenu du constat de l'absence d'enregistrement des commandes sur la caisse, l'absence de comptabilisation des achats de boissons et l'existence d'achats occultes, et l'absence de présentation de justificatif de recettes pour l'activité de ventes à emporter, des locations de matelas, des consommations lors de soirées, des consommations en dehors des repas sur table ou accompagnées de matelas pour les trois exercices vérifiés.
Sur la charge de la preuve :
4. En l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve du bien-fondé des rectifications et des impositions en résultant notifiées selon la procédure contradictoire incombe à l'administration fiscale, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
Sur la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires :
5. En l'absence de tout justificatif probant permettant d'appréhender la répartition précise et réelle du chiffre d'affaires par activités, et au sein de chaque activité, entre les différents produits proposés à la vente, l'administration fiscale a fait conserver à la société les recettes sur la période du 11 août au 17 septembre 2012 et les tickets RAZ pour apprécier les ventes réalisées et les quantités et la nature des produits vendus au regard des cartes présentées par l'établissement et également afin de déterminer un taux d'occupation de matelas, fixé à 78,46 % sur 95 matelas en moyenne de la période contrôlée, en tenant compte des variations météorologiques. Le vérificateur a par suite reconstitué le chiffre d'affaires sur la période concernée réalisé par l'établissement à partir du produit réalisé des ventes de boissons alcoolisées et de la location des matelas, puis à partir de ce chiffre d'affaires ainsi déterminé, le service a reconstitué le chiffre d'affaires total en appliquant pour chacune des années vérifiées la proportion entre le chiffre d'affaires à 19,6 % et le chiffre d'affaires total, établie à partir de l'analyse des tickets RAZ.
6. Si la SARL Tahiti Plage conteste l'utilisation d'une méthode de reconstitution fondée sur des secteurs déterminés en fonction du taux de taxe sur la valeur ajoutée et non sur une approche " matières ", l'administration fiscale relève sans être sérieusement contestée qu'en l'absence d'identification et d'une répartition précise des produits vendus, il ne pouvait être procédé à une reconstitution du chiffres d'affaires sur les achats revendus par un dépouillement et une saisie exhaustive des factures d'achats. Par ailleurs, la société requérante critique la prise en compte d'une partie très faible du chiffre d'affaires issu des deux secteurs boissons alcoolisés et matelas pour reconstituer par déduction la totalité du chiffre d'affaires. Toutefois, outre que les secteurs reconstitués représentant respectivement 36,60 %, 26,72 % et 28 % du chiffre d'affaires en 2009, 2010 et 2011 sont significatifs de son activité, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'à partir des recettes reconstituées, les coefficients de marge brute en résultant seraient irréalistes, notamment en matière de restauration traditionnelle, au demeurant sans apporter de justification précise.
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de location de matelas :
7. La société requérante soutient que la reconstitution dont s'agit serait viciée dans son principe dès lors que les recettes réalisées pendant la période allant du 11 août 2012 au 17 septembre 2012 extrapolées par le service pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'ensemble de la période vérifiée ne sont aucunement représentatives de son activité, compte tenu de l'absence de concurrence sur le secteur géographique concerné à compter de juin 2011.
8. Il est établi par la société requérante et, au demeurant, non contesté par l'administration fiscale que lors de la saison 2009, la plage Ouest dans le secteur de la capitainerie avenue Aubanel aux Saintes-Maries de la Mer comptait trois établissements d'activité de restaurant avec plage privée dont l'établissement de la société, puis que, lors de la saison 2010, il ne demeurait plus que deux établissements concessionnaires de l'exploitation de cette plage, et qu'à compter de juin 2011, l'établissement vérifié est devenu l'unique exploitant concessionnaire de ce front de mer. Dans ces conditions, l'ensemble des valeurs ainsi relevées par le service durant la période du 11 août 2012 au 17 septembre 2012, correspondant à la mise en place de boitiers de prise de commande et de conservation des recettes et des tickets RAZ, ne peuvent être regardées comme représentatives des conditions d'exploitation de l'établissement sur les années antérieures et comme rendant possible une comparaison avec la période vérifiée, eu égard à l'état antérieur du contexte concurrentiel direct de l'exploitation de ce front de mer de nature à influer de façon déterminante sur l'activité de la société, et caractérisant par suite une modification importante des conditions d'exploitation de l'établissement à l'été 2012 par rapport aux années vérifiées 2009, 2010 et 2011.
9. Or, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale s'est fondée exclusivement sur cet échantillon qui ne reflète pas suffisamment l'activité de l'établissement sur l'ensemble des années vérifiées pour déterminer le taux d'occupation mensuel des matelas auquel il a appliqué la tarification en vigueur pendant la période du 11 août au 17 septembre 2012, puis pour en tirer le montant des recettes réalisées au titre de cette activité au cours de la période vérifiée.
Ces insuffisances sérieuses de méthode tenant à l'extrapolation à rebours desdites valeurs non représentatives ne suffisent pas cependant à remettre en cause dans son principe la méthode utilisée par l'administration fiscale pour déterminer le chiffre d'affaires global de l'activité de ladite société, ni à la caractériser comme excessivement sommaire, dès lors que le chiffre d'affaires reconstitué toutes taxes comprises (TTC) à 19,6 % procède également de la reconstitution du chiffre d'affaires " Alcool " dont la pertinence est exposé aux points n° 10 à 12 du présent arrêt. En revanche, ces insuffisances de méthode, qui ont nécessairement induit des chiffres d'affaires indûment majorés du secteur " location de matelas " pour les exercices 2009, 2010 et 2011, justifient de réduire les bases imposables à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée assignées à la société requérante, à concurrence de la réfaction ex aequo et bono du chiffre d'affaires reconstitué " location de matelas ", d'un taux de 20 % pour l'exercice 2009, de 10 % pour l'exercice 2010 et de 5 % pour l'exercice 2011 et par suite à concurrence de son incidence sur le montant du chiffre d'affaires global TTC reconstitué. Par conséquent, l'administration fiscale ne peut être regardée à concurrence de ces pourcentages comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la réalité des bases d'imposition retenues ainsi que des pénalités réclamées à ce titre.
En ce qui concerne la reconstitution des recettes tirées de la vente de boissons alcoolisées :
10. Pour la reconstitution du chiffre d'affaires " Alcool ", le vérificateur a procédé au dépouillement exhaustif des factures d'achats de boissons d'alcool des différents fournisseurs produites à l'appui de la comptabilité et a pris en compte les achats non comptabilisés reconnus par le gérant dans les proportions selon ses dires. Il a déterminé, par suite, pour chaque produit revendu, les quantités achetées au titre de chacune des années vérifiées, en l'absence de stock à la fin de la saison. Le service a retenu les doses figurant sur les cartes produites et admis au titre des pertes offerts et prélèvements des salariés et du gérant, en déduction des achats revendus, au taux de 20 % pour la bière à la pression et de 5 % pour les autres alcools. Concernant la bière à la pression, l'administration a extrait le volume de bière vendu " tické " du volume de bière total acheté afin de déterminer le volume de bière vendu " non tické ". Sur ce dernier, le service ne pouvant fixer dans quelle proportion il a été vendu au prix journée, 3 euros, ou au prix soirée 5 euros, a retenu un prix médian de 4 euros.
11. La société requérante ne remet pas sérieusement en cause ce terme de reconstitution en se bornant à soutenir que l'administration fiscale n'établit pas en quoi ce prix lui serait plus favorable que la prise en compte des conditions réelles. Par ailleurs, la société requérante réclame un alignement du taux de 5 % de pertes, offerts et prélèvements sur celui de 20 % retenu par le service pour la bière pression. Cependant, elle se borne à faire référence aux habitudes du personnel et aux pratiques de l'établissement sans apporter d'éléments précis liés à ses circonstances particulières d'exploitation, alors d'une part que la société avait indiqué elle-même dans sa réponse à la proposition de rectification un taux fluctuant de 15 % sur les boissons autres que la bière, contre 20 % retenu finalement par l'administration fiscale et d'autre part que les coefficients retenus par l'administration ont été déterminés afin de tenir compte de la réalité économique sur la base des données d'exploitation et des constatations et informations recueillies lors de la vérification. Enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale a intégré dans le taux des offerts, prélèvements et pertes la préparation des solides avec alcool.
12. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, l'administration fiscale doit donc être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du bien-fondé du surplus des redressements.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Tahiti Plage est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé de réduire le résultat imposable qui lui a été assigné au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 en matière d'impôt sur les sociétés ainsi que le montant du chiffre d'affaires ayant servi de base à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par elle au titre des périodes correspondantes à hauteur des sommes indiquées au point 9 du présent arrêt.
D E C I D E :
Article 1er : Les bases imposables à l'impôt sur les sociétés assignées à la SARL Tahiti Plage au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, ainsi que le montant du chiffre d'affaires retenu pour la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par la SARL Tahiti Plage et mise à la charge de cette dernière au titre de la période couvrant ces mêmes exercices, sont réduites dans les conditions exposées au point 9 du présent arrêt.
Article 2 : La SARL Tahiti Plage, prise en la personne de son liquidateur judiciaire est déchargée, en droits et pénalités, de la différence entre le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et le montant résultant de l'application de l'article 1 ci-dessus.
Article 3 : La SARL Tahiti Plage, prise en la personne de son liquidateur judiciaire est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 à hauteur de la réduction en base résultant de l'application de l'article 1er du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Tahiti Plage est rejeté.
Article 5 : Le jugement n° 1401109 du 19 octobre 2016 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me B...en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Tahiti Plage, et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 décembre 2018.
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N° 16MA04356