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19/12/2018 | FRANCE | N°18MA03350

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 19 décembre 2018, 18MA03350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour dès la notification du jug

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour dès la notification du jugement à intervenir sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801462 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 24 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour, dès la notification de l'arrêt à intervenir, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me D... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée constitue une mesure discriminatoire entre les personnes cotisant au régime général de l'assurance-maladie ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 7 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entré pour la première fois en France en 2004 selon ses déclarations, M. A..., né le 5 avril 1962 et de nationalité marocaine, a demandé, le 5 octobre 2017, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 24 avril 2018, le préfet du Gard a rejeté cette demande et prescrit l'éloignement de l'intéressé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la rédaction de la décision attaquée, que M. A... ait présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Le moyen tiré de leur méconnaissance doit donc être en tout état de cause écarté. Par ailleurs, si M. A... produit un certificat médical faisant état des pathologies dont il est atteint, ce document ne fait pas état d'une quelconque impossibilité, pour lui, de recevoir des soins au Maroc. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet du Gard a commis, eu égard à son état de santé, une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

4. En deuxième lieu, selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a épousé en 2004 une ressortissante française dont il a divorcé en 2008 et qu'il a obtenu en 2010, du fait de ce mariage, la nationalité française. Celle-ci lui a été retirée par un jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 11 septembre 2013, dont il ne ressort toutefois pas de manière certaine des pièces du dossier qu'il aurait été immédiatement signifié à l'intéressé. M. A... a donc, il est vrai, développé au cours de ces années des liens sociaux en France et a notamment exercé une activité professionnelle pendant plusieurs années, sous couvert de documents d'identité français. Néanmoins, alors que M. A... ne justifie pas de liens familiaux ou affectifs intenses et stables en France, il ressort des pièces du dossier qu'il a épousé en 2006 une ressortissante marocaine, laquelle réside toujours dans le pays d'origine du requérant en compagnie de leurs deux enfants. M. A..., qui a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de quarante-deux ans au moins, y a encore effectué de nombreux voyages au cours des dernières années. Ses attaches privées et familiales demeurent....donc ancrées dans ce pays en dépit de l'exercice de son activité professionnelle en France Dans ces conditions, le préfet du Gard, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.

6. En dernier lieu, les décisions contestées, intervenues sur le fondement de la législation sur droit au séjour des étrangers en France, procèdent d'une législation indépendante de celle de la sécurité sociale. Le moyen tiré de ce que les mesures de refus de séjour et d'éloignement attaquées priveraient l'intéressé de la possibilité d'accéder à des soins remboursés en France et créeraient de ce fait une rupture d'égalité entre M. A... et les autres personnes cotisant au même régime d'assurance-maladie est donc en tout état de cause inopérant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :

7. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 3, il ne ressort pas des pièces produites par M. A... qu'il ne pourrait accéder à des soins adaptés à sa pathologie au Maroc. L'existence d'un risque assimilable à un traitement inhumain ou dégradant du fait de son état de santé n'est donc pas démontrée et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, par suite, être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018. Sa requête doit donc être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me D... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2018, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- M. C... Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2018.

4

N° 18MA03350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA03350
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : BERGAMINI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-19;18ma03350 ?
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