Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1701267 en date du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2017, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 27 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 25 janvier 2017 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les dispositions de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour, dès lors qu'il justifie de près de dix années de résidence habituelle sur le territoire français.
S'agissant de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est entachée par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- le pays de renvoi n'est pas fixé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant turc d'origine kurde, né le 18 avril 1988, relève appel du jugement du 27 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2017, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Il ressort des pièces du dossier, que M. A..., ressortissant turc né en 1988 qui se prévaut de son appartenance à la minorité kurde, est entré en France le 12 juin 2007 et a vu sa demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 juin 2008 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 décembre 2008. Par ailleurs sa demande de réexamen de sa situation a également été rejetée par une décision de l'OFPRA du 22 avril 2010 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 décembre 2010. Si le requérant fait valoir qu'il réside habituellement sur le sol national depuis 2007 et vit depuis 2014 avec son épouse et leurs jumelles nées en 2015, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'intéressé a fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière le 22 janvier 2009 et que, d'autre part, son épouse est également en situation irrégulière en France. Dans ces conditions, eu égard à la durée de son séjour sur le sol français et en l'absence de toute circonstance mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'emmener sa famille avec lui, alors par ailleurs que M. A... n'allègue pas ne plus avoir d'attaches en Turquie, la décision de refus contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
5. Si M. A... se prévaut de sa résidence continue en France depuis 2007, de la présence de son épouse, de ses enfants, de parents et de ce qu'il serait titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi de façadier à temps partiel au sein d'une société dont il est également associé, ces circonstances, au regard de ce qui a été dit au point 3, ne sont pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code précité. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Par ailleurs, l'article L. 313-14 de ce code dispose : " (...) / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
7. M. A... qui est entré en France le 12 juin 2007 ne justifie pas d'une résidence habituelle de dix années à la date de l'arrêté contesté et le préfet des Alpes-Maritimes n'était dès lors pas tenu de consulter la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 précité. Il s'ensuit que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire national :
8. Il résulte de ce qui précède que la décision rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. A... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cette dernière décision invoquée par la voie de l'exception doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français est dispensée d'une motivation spécifique en cas de refus de titre de séjour. Dans ce cas, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir ledit refus d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, une motivation en fait particulière. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée portant refus de titre de séjour vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant d'assortir ledit refus d'une obligation de quitter le territoire et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation familiale au regard de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible (...) ".
13. La décision en litige mentionne, dans son article 3, que " (...) M. B... A...a l'obligation de quitter le territoire français pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) ". Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter ces conclusions.
Sur les frais liés au litige :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ".
16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : la requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
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N° 17MA04287
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