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11/12/2018 | FRANCE | N°18MA00656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 18MA00656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500165 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, M. C... et Mme E..., représentés par la SEL

ARL Cabinet Sollberger, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500165 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, M. C... et Mme E..., représentés par la SELARL Cabinet Sollberger, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 14 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- dès lors qu'ils sont membres d'une association agréée, le délai de reprise est limité à deux ans en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, ce qui entraîne la décharge de la cotisation supplémentaire au titre de l'année 2008 ;

- ils remplissent les conditions pour bénéficier du régime d'exonération de l'impôt sur le revenu prévu par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts en cas de création d'activité en zone franche urbaine ;

- dès lors qu'ils n'ont pas disposé d'immobilisations corporelles au sens du 1° de l'article 1467 du code général des impôts hors de la zone franche urbaine, ils doivent être réputés avoir exercé l'ensemble de leur activité dans une telle zone, en application de l'article 49 M de l'annexe III au même code ;

- ils peuvent bénéficier du régime d'exonération en application de la doctrine administrative publiée sous la référence 4 A-8-04 ;

- en application de cette doctrine, ils peuvent également bénéficier du régime d'exonération en se prévalant des critères plus favorables de la doctrine administrative antérieure ;

- la réponse ministérielle du 16 mars 2010, qui ajoute à la loi et méconnaît le principe de l'égalité devant les charges publiques, ne peut leur être opposée ;

- par les dégrèvements dont ont bénéficié d'autres médecins, l'administration a formellement admis l'application du régime d'exonération à une situation de fait semblable à celle qui est à l'origine des cotisations supplémentaires contestées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... et Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a acquis, en mai 2007, 104 parts de la société civile de moyens Urgence 06-SOS Médecins et exerce une activité de médecin au sein de cette structure dont les services administratifs sont implantés dans une zone franche urbaine. Mme E..., qui exerce également la profession de médecin, opère des remplacements, notamment de M. C... avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité le 1er août 2008. Ils ont fait, tous les deux, l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 à l'issue de laquelle le vérificateur a estimé que seules les recettes correspondant aux visites de patients résidant en zone franche urbaine pouvaient bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts. M. C... et Mme E... font appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis pendant la période d'imposition commune, postérieure au 1er août 2008.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la prescription du droit de reprise :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable au présent litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration, pour les revenus imposables selon un régime réel dans les catégories des (...) bénéfices non commerciaux (...) s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts (...) ".

3. M. C... et Mme E... ne produisent aucun élément de nature à établir que l'organisme de gestion agréé auquel ils adhéraient aurait envoyé à l'administration fiscale, qui le conteste, le compte rendu de sa mission de contrôle des déclarations qu'ils ont réalisées. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le délai de reprise ne s'exercerait que jusqu'à la fin de deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due et que l'impôt au titre de l'année 2008 serait donc prescrit.

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au présent litige : " I. - Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 (....), ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones (...) / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que les locaux de la société civile de moyens situés en zone franche urbaine ne comprennent pas de cabinet médical et sont utilisés pour l'exercice de fonctions administratives, la société employant directement le personnel nécessaire. Son standard téléphonique transmet les coordonnées des patients qui ont appelé à M. C..., ou à Mme E... en cas de remplacement, et ceux-ci se déplacent alors à leur domicile pour la visite médicale. Les requérants ne disposent d'aucun cabinet en zone franche urbaine. Ainsi, pour l'application des dispositions précédemment citées du code général des impôts, nonobstant la détention de parts de la société civile de moyens par M. C..., ils ne peuvent être regardés comme exerçant eux-mêmes une activité implantée dans une telle zone.

6. En deuxième lieu, à supposer même que l'activité médicale non sédentaire des requérants soit considérée comme implantée en zone franche urbaine, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils réaliseraient au moins 25 % de leur chiffre d'affaires grâce aux visites médicales au domicile de patients résidant dans une telle zone ou qu'à raison des parts de la société civile de moyens que M. C... détient, ils y emploieraient au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent.

7. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article 49 M de l'annexe III du code général des impôts, alors en vigueur : " Pour l'application du sixième alinéa du II de l'article 44 octies ou du sixième alinéa du II de l'article 44 octies A du code général des impôts, le contribuable est réputé avoir exercé l'ensemble de son activité dans les zones franches urbaines s'il n'a pas disposé, en dehors de ces zones et au cours de l'année ou de l'exercice considéré, d'immobilisations corporelles au sens du 1° de l'article 1467 du code général des impôts ". Ces dispositions ont pour seul objet de déterminer les modalités de calcul de l'exonération à laquelle peut prétendre un contribuable remplissant les conditions fixées par l'article 44 octies A du code général des impôts. Les requérants ne pouvant bénéficier du dispositif prévu par ces dernières dispositions pour les motifs mentionnés aux points 5 et 6, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 49 M ne peut qu'être écarté.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Ces dispositions permettent aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, à la condition que les intéressées entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations.

9. Les énonciations de la doctrine administrative référencée 4 A-8-04 publiée au bulletin officiel des impôts le 6 octobre 2004 sont relatives à l'application de l'article 44 octies du code général des impôts et non à celle de l'article 44 octies A. Par suite, M. C... et Mme E... ne sont pas fondés à s'en prévaloir.

10. En deuxième lieu, dès lors que M. C... et Mme E... n'entrent pas dans les prévisions de cette doctrine, ils ne sont pas fondés à se prévaloir des mentions de son point n° 24 prévoyant que les entreprises implantées en zone franche urbaine avant la date de publication de l'instruction peuvent invoquer la doctrine antérieure si elle leur est plus favorable que les critères légaux. Par suite, le moyen tiré de la doctrine administrative contenue dans l'instruction publiée sous la référence 4 A-4-98, dans la documentation de base publiée sous la référence 4 A-2141 ou dans la réponse ministérielle du 19 mars 2003 ne peut qu'être écarté.

11. En troisième lieu, M. C... et Mme E..., qui ne remplissent pas les conditions de l'article 44 octies A du code général des impôts, ne peuvent bénéficier sur le fondement de la loi fiscale d'exonération au titre de l'activité exercée en zone franche urbaine correspondant aux visites domiciliaires chez les patients y habitant. Le vérificateur a cependant fait application de la doctrine administrative contenue dans la réponse ministérielle faite à M. B... et publiée le 16 mars 2010 afin de leur accorder une exonération au prorata des recettes réalisées dans la zone franche urbaine. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette réponse ajouterait des conditions nouvelles, que l'administration leur aurait opposées, restreignant la possibilité de bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts.

12. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Peuvent se prévaloir de ces dispositions les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.

13. M. C... et Mme E... soutiennent que d'autres médecins détenant des parts de la même société civile de moyens implantée en zone franche urbaine auraient bénéficié de dégrèvements. Cependant, et en tout état de cause, ils ne produisent aucun élément précis, notamment aucun document, relatif à ces décisions de l'administration fiscale. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'ils pourraient se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait dans laquelle ils se trouvent.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à M. C... et Mme E... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... et de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, où siégeaient :

- M. Barthez, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 décembre 2018.

2

N° 18MA00656

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00656
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-01-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Personnes et activités imposables. Exonération de certaines entreprises nouvelles (art. 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : CABINET SOLLBERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-11;18ma00656 ?
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