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11/12/2018 | FRANCE | N°18MA00030

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 18MA00030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite née le 24 septembre 2015 du silence gardé par le maire de la commune de Marignane sur sa demande indemnitaire et de condamner cette commune à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 1508990 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :r>
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2018, Mme D..., représentée par Me B..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite née le 24 septembre 2015 du silence gardé par le maire de la commune de Marignane sur sa demande indemnitaire et de condamner cette commune à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 1508990 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2018, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2017 ;

2°) de condamner la commune de Marignane à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marignane la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'avait pas été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2018, la commune de Marignane, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

- à titre subsidiaire, la demande de première instance était irrecevable dès lors que, d'une part, elle ne comportait pas de conclusions aux fins d'annulation d'une décision et, d'autre part, elle était dénuée d'objet dans la mesure où une décision expresse s'était substituée à la décision implicite.

Un mémoire enregistré le 15 novembre 2018 et présenté pour la commune de Marignane n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 16 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tahiri,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant MeE..., représentant la commune de Marignane.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née en 1973 et adjointe administrative territoriale de 2ème classe employée en tant que responsable du service vie scolaire au sein du service de la vie des écoles de la commune de Marignane depuis 2009, a demandé à cette collectivité publique, par courrier du 24 juillet 2015, l'indemnisation des préjudices subis à la suite de faits de harcèlement moral dont elle s'estimait victime. S'étant vu opposer un refus implicite né du silence gardé par l'administration pendant deux mois, Mme D... a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision rejetant implicitement sa réclamation formulée par la lettre du 24 juillet 2015 et, en second lieu, à la condamnation de la commune de Marignane à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de divers agissements de sa hiérarchie, caractérisant selon elle un harcèlement moral. Mme D... fait appel du jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".

3. D'une part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence de tels agissements. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au regard de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte de l'ensemble des faits qui lui sont soumis.

4. Selon Mme D..., le harcèlement moral qu'elle aurait subi depuis septembre 2014 serait imputable à la directrice générale adjointe des services ainsi qu'à la directrice de l'éducation et serait avéré par le fait qu'elle a été victime de propos vexatoires et destinataire de nombreux messages téléphoniques pendant ses arrêts de travail pour maladie, qu'elle a été privée de ses outils de travail et a subi une dégradation de ses conditions de travail. Elle fait valoir en outre qu'elle a été placée, en raison de ces faits, en congé pour maladie du 3 septembre au 6 octobre 2014, du 9 au 12 janvier 2015 ainsi que depuis le 16 février 2015.

5. Mme D... soutient que, lors de sa reprise de travail le 6 octobre 2014, son bureau a été vidé et qu'elle ne disposait plus des moyens d'exercer ses fonctions. Toutefois, la commune de Marignane fait valoir, sans être utilement contredite, que ce changement de bureau résultait d'une mesure de réorganisation justifiée par l'intérêt du service. Elle indique que l'intéressée occupait un bureau provisoire, utilisé à la suite de problèmes sanitaires présentés par les locaux qu'elle occupait précédemment, et qu'il a été décidé de rassembler toute la direction de l'éducation au rez-de-chaussée de l'hôtel de ville afin de centraliser le personnel dédié à

cette activité. La commune de Marignane précise également, sans être contredite, que Mme D... a été tenue informée de cette réorganisation pendant son congé de maladie et que les locaux comprenant le bureau provisoire qu'elle occupait précédemment n'étaient pas adaptés à une activité de bureau et ont été réaménagés en maison de gardien. Dès lors, les agissements susmentionnés n'apparaissent pas constitutifs de harcèlement moral envers la requérante.

6. Mme D... fait également valoir qu'elle a été privée de la secrétaire qui l'assistait précédemment. Toutefois la commune de Marignane fait valoir, à nouveau sans être utilement contredite, que l'ensemble des postes de secrétaires dévolus aux différents responsables de services ont été mutualisés au service de la direction de l'éducation.

7. Mme D... soutient qu'elle effectuait seule la remise des bulletins de salaire et des tickets restaurant aux agents de la commune et verse plusieurs attestations mentionnant l'étonnement des agents de la voir désormais accompagnée de la police municipale afin d'effectuer cette mission. Toutefois elle verse également des échanges de courriels du 26 novembre 2014 dont il ressort que cette mesure fait suite à une demande de la directrice de l'éducation, motivée par des considérations de sécurité, s'agissant du transport de tickets restaurant d'une valeur totale de 12 000 euros à distribuer à 120 agents répartis sur la commune.

8. Mme D... fait également valoir qu'elle a été victime de pressions et remarques blessantes de la part de la directrice générale adjointe des services et de la directrice de l'éducation. Elle verse deux attestations d'agents mentionnant leur présence lors de la commission des menus du 13 octobre 2014 et qui indiquent avoir entendu la directrice générale adjointe des services reprocher à Mme D..., sur un ton agressif, la présence d'un trop grand nombre de personnes et l'avoir mise en garde pour que cela ne se reproduise plus. Elle verse également une attestation du 30 mars 2015 émanant d'un autre agent qui indique que, le 9 janvier 2015, lors de la présentation des voeux du maire à la population, Mme D..., pâle et attristée, lui avait expliqué avoir été convoquée par la directrice générale adjointe des services, en présence de la directrice de l'éducation, et s'être vue reprocher son incompétence et son absence de niveau pour occuper ses fonctions. Toutefois ces circonstances ponctuelles, pour regrettables qu'elles soient, ne sont pas de nature à constituer des faits susceptibles de faire présumer l'existence de harcèlement moral à l'encontre de Mme D.... Enfin, si elle justifie avoir fait un malaise sur son lieu de travail le 16 février 2015 et indique que cela fait suite à des pressions et des reproches injustifiés de la part de la directrice de l'éducation, elle ne verse, en dehors du courrier qu'elle a établi le 25 février 2015 à destination du maire de Marignane, aucune pièce de nature à corroborer le fait qu'elle aurait été victime d'agissements excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il en va de même des nombreux messages téléphoniques dont elle allègue avoir été destinataire de la part de la directrice générale adjointe des services pendant son premier arrêt de travail et dont elle ne précise ni la teneur, ni le ton, ni la fréquence.

9. Enfin, la circonstance que l'appelante a connu une dégradation de son état de santé qui a été reconnue imputable au service et donc liée à ses difficultés professionnelles n'emporte pas que ces difficultés professionnelles seraient dues à une situation de harcèlement alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme D... aurait fait l'objet d'une mise à l'écart, d'une privation de ses moyens de travail, d'un dénigrement répété par ses supérieurs hiérarchiques ou de tout autre agissement revêtant cette nature.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marignane tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...et à la commune de Marignane.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.

N° 18MA00030 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00030
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL ERGASIA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-11;18ma00030 ?
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