La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2018 | FRANCE | N°17MA04542

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 17MA04542


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre.

Par un jugement nos 1607459, 1610064, 1703184 du 25 septembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2017 et un mémoire enregistré le 25 octobre 2

018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre.

Par un jugement nos 1607459, 1610064, 1703184 du 25 septembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2017 et un mémoire enregistré le 25 octobre 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre ;

2°) d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la société Orange, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de le réintégrer dans son emploi et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* la procédure suivie est irrégulière, certaines propositions de sanction moins sévères n'ayant pas été mises au vote en méconnaissance de l'article 8 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

* la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

* la décision de révocation est entachée d'erreur d'appréciation.

Par des mémoires, enregistrés le 28 mai 2018, le 11 octobre 2018 et le 8 novembre 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 23 août 2018, la société Orange, représentée par Me D..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions à fin d'injonction et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 novembre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

* la loi n° 83-634 du 23 juillet 1983 ;

* la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de Mme Tahiri,

* les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

* les observations de MeE..., représentant M. B...,

* et les observations de Me D..., représentant la société Orange.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., assistant social d'entreprise au sein de la direction Orange Sud-Est, relève appel du jugement du 25 septembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une telle mesure et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité des fautes.

3. Pour prononcer la révocation de M. B..., le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a retenu que celui-ci avait commis des manquements graves à l'honorabilité dont tout fonctionnaire doit faire preuve dans le cadre de ses fonctions ainsi qu'aux principes éthiques attachés à la fonction d'assistant de service social tirés de ses agissements à l'égard de Mme F... pour obtenir des faveurs sexuelles alors qu'il était placé vis-à-vis d'elle dans une position privilégiée dans la mesure où elle dépendait de lui pour l'obtention d'une aide financière, de deux autres fautes à connotation sexuelle dont l'une a été sanctionnée par un blâme en 2012 pour avoir tenté d'embrasser une collègue en accompagnement social dans son bureau et eu égard à la nécessité de réorganiser le service de santé au travail à plusieurs reprises en raison des problèmes provoqués par l'attitude de M. B... envers ses collègues féminins.

4. Si M. B... conteste la matérialité de tous les faits qui lui sont reprochés, il a toutefois admis, s'agissant des premiers faits, dans un courriel du 9 mars 2015 avoir commis une faute déontologique en ayant eu une relation sexuelle en décembre 2010 avec Mme F..., à son domicile, après avoir établi avec elle un dossier concernant la situation personnelle de cette dernière. Ces faits sont corroborés par le certificat médical établi le 11 avril 2015 par le Dr A..., médecin psychiatre de Mme F..., retraçant un entretien réalisé le 9 décembre 2010 avec cette dernière dans lequel elle rapportait " avoir été victime d'une problématique avec un prénommé Robert assistant social de France Télécom dont elle dit : il a voulu me sauter dessus ". Il ressort des pièces du dossier que Mme F... était alors en situation de vulnérabilité, se trouvant en attente de reprise d'activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, après avoir été placée en congé de longue maladie du 17 août 2009 au 16 novembre 2010 pour un état dépressif, et alors qu'elle connaissait des difficultés financières l'ayant conduite à solliciter à cette époque auprès de son employeur le bénéfice d'une aide financière afin de régler sa taxe d'habitation. M. B... était chargé, dans le cadre de ses fonctions d'assistant social d'entreprise, non seulement de participer à l'instruction de cette demande d'aide financière mais aussi d'accompagner Mme F... en vue de sa reprise d'activité. Dès lors, l'exactitude matérielle de ces premiers faits apparaît comme établie. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, un tel fait présente un caractère fautif, alors même qu'il s'agirait d'une relation sexuelle consentie, eu égard à la nature de ses fonctions et à la situation de vulnérabilité de Mme F..., laquelle persistait quand bien même l'intéressée aurait effectivement obtenu le bénéfice de l'aide financière qu'elle sollicitait quelques jours avant cette relation.

5. En revanche, les pièces versées par la société Orange et le ministre de l'économie et des finances ne permettent pas d'établir les deux autres fautes à connotation sexuelle qui auraient été commises par M. B..., tenant au fait d'avoir tenté d'embrasser une collègue en accompagnement social dans son bureau ainsi qu'à la nécessité de réorganiser le service de santé au travail à plusieurs reprises en raison des problèmes provoqués par l'attitude de M. B... à l'égard de ses collègues féminins. L'appelant verse par ailleurs plusieurs attestations de collègues, y compris féminins, faisant état d'un comportement irréprochable à leur égard. Dans ces conditions, la réalité des manquements précédemment évoqués ne peut être regardée comme établie par les pièces du dossier. Si la société Orange et le ministre de l'économie et de finances font également valoir que le blâme infligé en 2012 à M. B... sanctionnait en réalité des propos discourtois tenus par l'intéressé à l'une de ses collègues, en tout état de cause, compte tenu de ce seul antécédent disciplinaire, des faits commis à l'égard de Mme F... en 2010 et de l'ancienneté de M. B... ainsi que de sa manière de servir, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même sanction de révocation, sanction disciplinaire la plus sévère sur l'échelle des sanctions et qui aurait d'ailleurs revêtu un caractère disproportionné, s'il s'était fondé sur les seuls griefs établis à l'encontre de l'intéressé.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2016 qui prononce sa révocation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt qui annule l'arrêté du 4 janvier 2016, eu égard à ses motifs, implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'économie et des finances et à la société Orange de réintégrer avec effet rétroactif M. B... et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Orange demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 septembre 2017 et l'arrêté du 4 janvier 2016 prononçant la révocation de M. B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie et des finances et à la société Orange de réintégrer avec effet rétroactif M. B... et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La société Orange versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'économie et des finances et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, où siégeaient :

* M. Gonzales, président,

* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

* Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 décembre 2018.

N° 17MA04542 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04542
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions. Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : AVERSANO

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-11;17ma04542 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award