Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... C...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenus et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009.
Par un jugement n° 1402591 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2017, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2016 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- certains chefs de redressements ne sont pas suffisamment motivés ;
- les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- l'interlocuteur départemental n'a pas examiné le mémoire qui lui a été remis le 22 août 2012 ;
- les redressements sur factures fictives sont infondés ;
- les pertes sur créances irrécouvrables de 10 915 euros sont justifiées ;
- le passif injustifié de 49 159,26 euros au 1er janvier 2007 est justifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de M. et Mme C...
Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par lettre du 13 novembre 2018, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen de l'inconstitutionnalité de la majoration prévue par l'article 158-7-2 du code général des impôts en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 du 10 février 2017.
Par un mémoire du 21 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé un dégrèvement d'une somme globale de 24 515 euros (7 801 euros au titre de 2007, 7 787 euros au titre de 2008 et 8 927 euros au titre de 2009), des redressements réclamés à M. et Mme C... au titre des prélèvements sociaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est associé et, au cours des années en litige, était cogérant avec son neveu de la SARL la Fare Contrôle Auto. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, contrôle étendu au 30 septembre 2010 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Des redressements ont été notifiés à la SARL La Fare Contrôle Auto, et à M. C..., en sa qualité de gérant à la suite de ce contrôle. Par ailleurs, M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2008 et 2009. M. et Mme C... demandent à la Cour d'annuler le jugement du 16 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande de décharge des impositions qui leur ont été réclamées au titre des années 2007 à 2009.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre prévoit que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations.
3. M. et Mme C... ont fait l'objet de deux propositions de rectification, l'une, du 17 décembre 2010 concernant les revenus de l'année 2007, et l'autre, du 1er septembre 2011, relative aux revenus des années 2008 et 2009. Les redressements sur revenus de capitaux mobiliers, seuls en litige dans la présente instance, ont été notifiés suivant la procédure contradictoire de redressement. S'agissant des revenus distribués, imposés sur le fondement de l'article 109-1-1 du code général des impôts au titre de l'année 2007, la proposition de rectification adressée à M. et Mme C... cite les dispositions applicables, la participation de M. C... dans la SARL La Fare Contrôle Auto, les redressements assignés à la société, et la distribution en résultant. Cette proposition ne comporte pas les motifs qui ont conduit à la rectification des résultats sociaux de la société Fare Contrôle Auto et qui sont à l'origine des revenus distribués. La proposition de rectification adressée à la société n'était pas jointe à celle adressée aux époux. Et le détail de calcul de chaque chef de redressement assigné à la société, puis imposé en application du 1° de l'article 109-1 entre les mains des contribuables, n'est pas précisé dans la proposition de rectification adressée au époux. Dans ces conditions, M. C... n'étant pas gérant de droit de la société et les redressements assignés à celle-ci l'ayant été à une adresse différente de celle de résidence de M. et Mme C..., les contribuables sont fondés à soutenir qu'ils n'ont pu disposer de l'ensemble des informations auxquelles ils avaient droit, en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, pour leur permettre d'être éclairés et de prendre utilement position. M. et Mme C... sont, par suite, fondés à demander la réduction en base des revenus distribués qui leur ont été assignés au titre de l'année 2007 sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. S'agissant des années 2008 et 2009, la proposition de rectification du 1er septembre 2011, outre les dispositions applicables, les explications factuelles et la liste des dépenses redressées dans la société, est accompagnée, en annexe, de la copie de la proposition de rectification adressée à la société. Le moyen doit être écarté pour les années 2008 et 2009.
4. En deuxième lieu, l'article L. 64 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. ".
5. L'administration fiscale n'a pas écarté une situation juridique comme fictive, mais a relevé que la taxe sur la valeur ajoutée déduite par la SARL La Fare Contrôle Auto relativement aux dépenses du fournisseur Publi Com Distribution n'était pas déductible car fondée sur des factures ne reposant pas sur une prestation réellement effectuée. Le vérificateur a, en conséquence, a écarté les documents produits par la société contribuable. En cela, le vérificateur ne s'est pas placé, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit. Le moyen tiré par M. et Mme C... de la violation des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
6. En troisième lieu, M. et Mme C... ont sollicité, le 30 juillet 2012, la saisine de l'interlocuteur départemental. Toutefois, ils ne se sont pas présentés au rendez-vous que celui-ci avait fixé le 30 octobre 2012. Ils indiquent avoir été induits en erreur par une lettre adressée le 17 octobre 2012 par l'interlocuteur à la SARL dans laquelle celui-ci énonçait que, compte tenu des courriers adressés par la société contribuable, il considérait qu'elle se désistait de sa demande. Toutefois, ces courriers ne les concernaient pas directement. Par ailleurs, dans sa correspondance du 27 décembre 2012 adressée à l'interlocuteur, M. C... mentionne à nouveau qu'il ne sollicite aucun entretien, mais demande que soient examinés certains éléments écrits produits le 22 août 2012, demande à laquelle l'autorité administrative n'avait pas à faire droit. M. et Mme C..., qui n'ont pas souhaité rencontrer l'interlocuteur départemental, ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient été privés d'une garantie.
Sur le bien-fondé des impositions :
7. L'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
8. À l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL La Fare Contrôle Auto, l'administration fiscale a considéré que M. C..., associé majoritaire, qui exerçait les fonctions de gérant de fait de la société, détenait seul la signature bancaire de la société, et décidait des placements financiers pour la société, devait être considéré comme le maître de l'affaire. M. et Mme C... ne contestent pas la position de maître de l'affaire de M. C.... Dans ces conditions, celui-ci est présumé avoir appréhendé les distributions litigieuses.
9. M. et Mme C... contestent, en revanche, le montant des distributions qui ont été retenues à la suite des redressements assignés à la SARL La Fare Contrôle Auto. Il résulte de la proposition de rectification du 1er septembre 2011, adressée à la SARL La Fare Contrôle Auto, qui était jointe au document adressé aux contribuables, que la facture du 14 avril 2008 d'un montant TTC de 15 500 euros a été réglée, à hauteur de 9 500 euros, à des tiers identifiés par l'administration fiscale. Il en est de même pour la facture du 28 janvier 2009 d'un montant de 4 000 euros qui a été payée par chèque à un tiers. Toutefois, ces factures n'ont pas été comprises dans les redressements notifiés en qualité de revenus de capitaux mobiliers à M. et Mme C.... Pour le surplus, les contribuables n'établissent pas leurs allégations en ce qui concerne les factures qui n'auraient pas été payées, ou auraient été cédées à la banque de crédit agricole.
10. En ce qui concerne la somme de 10 915 euros comptabilisée comme créance irrécouvrable au titre de l'année 2009 par la SARL La Fare Contrôle Auto, M. et Mme C... reprennent l'argumentation de la société indiquant qu'il s'agit de créances anciennes et de faibles montants. Mais pas davantage que la société ils ne justifient des diligences accomplies par celle-ci pour identifier les clients n'ayant pas acquitté leur facture de contrôle technique et récupérer les sommes dues. Ils n'établissent d'ailleurs pas que les discordances observées seraient dues à des impayés. C'est par suite, à bon droit que la charge n'a pas été admise tant au niveau de l'impôt sur les sociétés que de la taxe sur la valeur ajoutée, et qu'elle a été, en conséquence, considérée comme des revenus distribués entre leurs mains.
11. M. C... conteste encore l'imposition d'une somme de 1 553 euros correspondant à des loyers de crédit-bail en soutenant que les factures correspondant à l'acquisition des biens ensuite vendus à l'organisme de crédit-bail, ont été réglées à des tiers. Toutefois, il n'est pas établi que la société La Fare Contrôle Auto ait disposé de ces biens, ni, par suite, que ces loyers pouvaient être comptabilisés en charge. Par suite, M. C..., en sa qualité de maître de l'affaire, est ainsi réputé avoir appréhendé ces sommes.
Sur les rappels de contributions sociales :
12. Aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / (...) 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice (...) ". Aux termes du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France (...) sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) :/ (...) c) Des revenus de capitaux mobiliers (...) ".
13. Pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition.
14. Dans sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions précitées du code de la sécurité sociale conformes à la Constitution, sous réserve qu'elles ne puissent être interprétées comme permettant l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par les dispositions précitées du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes.
15. M. et Mme C... ont été imposés au titre des années 2007, 2008 et 2009 aux contributions sociales à raison des sommes perçues de la SARL La Fare Contrôle Auto, qualifiées de revenus distribués sur le fondement du 2° de l'article 109 du code général des impôts en ce qui concerne l'année 2007 et sur le fondement du 1° et du 2° de ce même article en ce qui concerne les années 2008 et 2009. Pour déterminer le montant de ces impositions, l'administration a appliqué, à tort, le coefficient de 1,25 prévu par les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts à la base imposable aux contributions sociales. Il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge des impositions ayant résulté de la majoration de 25 % de la base imposable aux contributions sociales au titre des années 2007 à 2009.
16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme C... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande de réduction en base des revenus distribués qui leur ont été assignés au titre de l'année 2007 sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, et de réduction des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2009, à hauteur de l'application à la base de ces impositions de la majoration de 1,25 prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts.
17. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme C... au titre des frais liés au litige.
D É C I D E :
Article 1er : M. et Mme C... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et correspondant à l'imposition de revenus distribués sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts ainsi que des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2007 à 2009, à concurrence de la fraction correspondant à la majoration de 25 % prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
N°17MA00340 7