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03/12/2018 | FRANCE | N°16MA04634

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2018, 16MA04634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Duc a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite du préfet du Var portant rejet de sa demande de prendre des mesures urgentes afin d'assurer la sécurité publique sur la route départementale 39.

Par un jugement n° 1401594 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme Duc.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2016, Mme Duc, représentée par Me D..., demande à la Cour :
>1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 9 juin 2016 ;

2°) d'annuler la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Duc a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite du préfet du Var portant rejet de sa demande de prendre des mesures urgentes afin d'assurer la sécurité publique sur la route départementale 39.

Par un jugement n° 1401594 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme Duc.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2016, Mme Duc, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 9 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet du Var portant rejet de sa demande de prendre des mesures urgentes afin d'assurer la sécurité publique sur la route départementale 39 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer la situation et de prendre les mesures utiles afin, d'une part, d'assurer une signalétique conforme sur la DR 39, aux abords des carraires n° 6, n° 1 et n° 22 et, d'autre part, de faire procéder à la pose d'une barrière amovible destinée à empêcher les animaux de sortir de la carraire et de mettre en péril la circulation routière.

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a considéré à tort, d'une part, que les panneaux de signalisation destinés à prévenir les automobilistes des risques induits par la traversée de bétail avaient été apposés, étant absente sur les carraires n° 1 et n° 22 et que ceux apposés sur la carraire n° 6 s'avèrent suffisants ;

- les carraires, objets du présent litige, relèvent de la qualification juridique de " petites carraires ", de sorte que le moyen tiré de l'irrégularité de leur utilisation en dehors des périodes de transhumance n'aurait pas dû prospérer devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2018, la commune de Gonfaron représentée par la SELARL LLC et Associés, agissant par Me B..., a présenté ses observations.

Mme Duc a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me C... de la SELARL LLC et Associés, représentant la commune de Gonfaron.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme Duc tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet du Var portant rejet de sa demande de prendre des mesures urgentes afin d'assurer la sécurité publique sur la route départementale 39. Mme Duc relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus préfectoral de faire installer des panneaux de signalisation sur la route départementale 39 :

2. Aux termes de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'Etat dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département prévu à l'article L. 3221-5 " ; qu'aux termes de l'article L. 3221-5 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département peut, dans le cas où il n'y aurait pas été pourvu par le président du conseil départemental, et après une mise en demeure restée sans résultat, exercer les attributions dévolues au président du conseil départemental en matière de police en vertu des dispositions de l'article L. 3221-4 ".

3. Il ressort, tout d'abord, des pièces du dossier que l'installation de panneaux de signalisation sur la route départementale 39 en cause relève du président du département du Var dès lors qu'elle se situe hors agglomération. Il ressort ensuite des pièces du dossier que Mme Duc avait sollicité l'installation de tels panneaux sur la route départementale 39 sans plus de précision. Or, il est constant que le président du département du Var a, sur demande du maire de la commune de Gonfaron, fait installer des panneaux de signalisation afin de prévenir les automobilistes des risques induits par les traversées de bétail. Si Mme Duc soutient en appel que deux carraires n'auraient pas fait l'objet d'une telle apposition de panneaux et que les deux panneaux apposés au niveau de la carraire n° 6 s'avèrent insuffisants, elle ne l'établit pas et l'examen des pièces du dossier ne le relève pas. Dans ces conditions, la demande de Mme Duc doit être regardée comme satisfaite par l'autorité de police compétente et le préfet n'était plus autorisé à faire usage des pouvoirs que lui confère l'article L. 3221-5 du code général des collectivités territoriales.

En ce qui concerne le refus préfectoral de poser une barrière pour empêcher les animaux de sortir de la carraire et de gêner la circulation routière :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ". Ces dispositions confient à l'autorité de police municipale le soin de prendre et de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles à l'ordre public et les dommages résultant de l'errance d'animaux sur le territoire de la commune. Aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat (...) ".

5. D'autre part, les carraires tant petites que grandes, initialement consacrées par le droit coutumier de Provence, sont des servitudes d'utilité publique destinées aux transhumances. Les petites carraires permettent de rejoindre un quartier à un autre afin d'accéder in fine à une grande carraire lors d'une transhumance. L'arrêt de règlement du parlement de Provence du 21 juillet 1783 indique qu'il s'agit de chemins " servant de passage aux troupeaux qui vont, en été, dépaître dans la haute Provence ". L'arrêté relatif au rétablissement des carraires pris par le préfet du Var le 15 octobre 1807 mentionne " qu'il est de l'intérêt public que les troupeaux transmigrant puissent se rendre dans les montagnes des Hautes et Basses-Alpes ". Il suit de là que les carraires et leur éventuel rétablissement ne peuvent être envisagés en dehors des nécessités liées à l'exercice effectif de la transhumance.

6. En l'espèce et contrairement à ce que soutient l'appelante, aucune pièce du dossier ne remet en cause le lien intrinsèque liant les carraires, petites ou grandes, à la transhumance. En revanche, il ressort du même dossier, et notamment des rapports de police du 21 septembre 2012, du 24 octobre 2012, du 7 janvier 2013, du 21 janvier 2013 et du 9 février 2013 ainsi que de sept mains courantes versées au dossier, que, malgré l'édiction par la commune de Gonfaron, le 12 juin 2012, d'un arrêté interdisant la divagation d'animaux, Mme Duc laisse ses chèvres se promener sans surveillance sur la route départementale 39 et sur la carraire. Alors que Mme Duc revendique un droit de mise en sécurité de la carraire pour y laisser paître ses chèvres en dehors des périodes de transhumance, son comportement se trouve à l'origine de troubles à l'ordre public qui rendent nécessaire l'intervention de la police. Il s'ensuit que les mesures prises par la commune de Gonfaron telles que l'édiction d'un arrêté interdisant la divagation d'animaux doivent être regardées comme suffisantes au regard des circonstances de l'espèce. Par suite, le refus du préfet de prendre les mesures demandées par la requérante n'est entaché ni d'illégalité, ni de détournement de pouvoir.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme Duc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme Duc ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

9. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante. La demande de la commune de Gonfaron fondée sur ces dispositions doit également être rejetée dès lors qu'elle n'est pas partie à l'instance qui opposait Mme Duc à l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme Duc est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Gonfaron formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Duc, à Me D... et au préfet du Var.

Copie en sera adressée à la commune de Gonfaron.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.

2

N° 16MA04634


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04634
Date de la décision : 03/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-01-02 Police. Police générale. Circulation et stationnement. Réglementation de la circulation. Signalisation sur les voies routières.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : GAZIELLO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-03;16ma04634 ?
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