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27/11/2018 | FRANCE | N°18MA00566

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2018, 18MA00566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 11 août 2017 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par jugement n° 1702728 du 2 octobre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 11 août 2017 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par jugement n° 1702728 du 2 octobre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 août 2017 du préfet du Gard ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard, dans l'attente du réexamen de sa situation, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 8 jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me B...en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

* sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est entachée d'une erreur de fait substantielle ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* sur la décision fixant le pays de destination :

- le préfet s'est cru à tort lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile, entachée d'une erreur de fait, fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 décembre 2017.

La présidente de la Cour a désigné Mme Simon en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., de nationalité albanaise, déclare être entré le 1er juillet 2016 en France avec son épouse et ses trois enfants. Il a déposé le 26 juillet 2016 une demande d'asile à la préfecture du Gard. L'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par décision du 18 novembre 2016, confirmée le 4 juillet 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Par décision en litige du 11 août 2017, le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Il relève appel du jugement du 2 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2017.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Marseille par M. C.... Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de la décision en litige par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, si la décision litigieuse mentionne par erreur que le requérant a vécu au moins 44 ans dans son pays d'origine alors qu'il aurait vécu plusieurs années en Grèce, en Allemagne et en Angleterre, cette erreur de fait entachant les liens qu'il a gardés avec l'Albanie n'a pas eu de conséquence, contrairement à ce que soutient le requérant, sur l'appréciation que le préfet a porté sur la mesure d'éloignement en litige, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet s'est fondé, pour prendre cette mesure, sur l'entrée très récente de M. C...en France et sur le fait que ce dernier ne justifiait pas être bien intégré sur le territoire national. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé, eu égard à cette erreur, à un examen particulier de sa demande.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient par ailleurs au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. M. C...déclare être entré en juillet 2016 en France avec son épouse et ses trois enfants mineurs. Il ressort des pièces du dossier que sa femme de même nationalité fait l'objet d'une mesure d'éloignement datée du même jour. La scolarisation de ses deux enfants ainés, nés en 2003 et 2004, dans un collège et du troisième en classe de maternelle ne fait pas obstacle à ce que la famille se reconstitue dans son pays d'origine et que les enfants poursuivent leur scolarité en Albanie. Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale. Le requérant n'est pas dépourvu d'attache en Albanie où il a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de 20 ans. Dans ces conditions, et alors même que le requérant ferait des efforts d'intégration en France en suivant des cours de français, M. C...n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que la mesure d'éloignement en litige ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Le requérant, entré depuis seulement un an en France à la date de la décision en litige, ne peut être regardé comme résidant habituellement en France au sens du 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, le requérant n'établit pas ni même n'allègue que la dépression dont il se dit être atteint pourrait avoir, en cas d'absence de prise en charge médicale, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que le préfet n'avait pas méconnu l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à l'encontre du requérant la mesure d'éloignement en litige.

En ce qui concerne le pays de destination :

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

8. Le requérant, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par décision de l'OFPRA confirmée par la CNDA, qui a estimé ses déclarations peu crédibles concernant ses craintes de persécutions de la part de rançonneurs, qui l'auraient enlevé puis séquestré en Albanie, sans qu'il ne paie cette rançon et sans qu'il puisse obtenir la protection des autorités de ce pays, n'apporte aucun élément nouveau de nature à établir devant le juge ses allégations. Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'État qui serait déposé par M. C...à l'encontre de cette décision de la CNDA n'a pas d'effet suspensif. La légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, le préfet a pu à bon droit estimer qu'il n'existait pas, à la date de la décision en litige, des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé se trouverait exposé à un risque réel pour sa personne en cas de retour en Albanie. Par suite, en désignant l'Albanie ou tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet du Gard, qui ne s'est pas cru à tort lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à MeB....

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, où siégeaient :

- Mme Simon, président-assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.

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N° 18MA00566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00566
Date de la décision : 27/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-27;18ma00566 ?
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