Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1405609 du 8 janvier 2016, le tribunal administratif de Montpellier, statuant sur la demande présentée par M. F...D...et M. A...E..., a enjoint à la société Enedis de procéder dans un délai de quatre mois à l'enlèvement du pylône électrique situé sur la propriété de M. D...sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1700875 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Enedis à verser la somme de 3 600 euros à M. D...et à M. E...et celle de 32 400 euros à l'Etat au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte. Il a en outre porté à 200 euros par jour de retard l'astreinte prononcée à l'encontre de la société Enedis si elle ne justifiait pas avoir procédé à l'exécution du jugement dans le délai d'un mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juillet 2017 et 31 août 2018, la société Enedis, représentée par SCP Levy Balzarini Sagnes Serre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 mai 2017 ;
2°) de supprimer ou à titre subsidiaire de modérer l'astreinte prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de M. D...et de M. E...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle avait interjeté appel du jugement du janvier 2016 et présenté à l'appui de celui-ci une demande de sursis à exécution ;
- les travaux à entreprendre étaient d'une certaine complexité et d'un coût élevé ;
- leur financement par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) justifiait particulièrement de les différer ;
- il doit être tenu compte de sa bonne foi et de sa bonne volonté manifeste.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 13 septembre 2017 et le 20 septembre 2018, M. D...et M.E..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par la société Enedis ;
2°) de liquider l'astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard prononcée par le jugement attaqué pour la période comprise entre le 5 et le 12 juin 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la répartition du produit de l'astreinte entre eux-mêmes et le budget de l'Etat est inéquitable ;
- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- l'astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard doit être liquidée pour la période comprise entre le 5 et le 12 juin 2017 ;
- les moyens soulevés par la société Enedis ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant MeB..., représentant M. D...et M.E....
Considérant ce qui suit :
Sur liquidation définitive de l'astreinte :
1. Aux termes de l'article L. 911-6 du code de justice administrative, " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts ". L'article L. 911-7 du même code prévoit ensuite qu' " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".
2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a liquidé à titre provisoire à la somme de 36 000 euros l'astreinte qu'il avait prononcée par un jugement du 8 janvier 2016 enjoignant à la société Enedis de procéder dans un délai de quatre mois à l'enlèvement du pylône électrique situé sur la propriété de M. D...et a condamné cette société à verser la somme de 3 600 euros à M. D... et à M. E... et celle de 32 400 euros à l'Etat.
3. La société Enedis justifie en appel avoir exécuté le jugement du 8 janvier 2016 en produisant un constat d'huissier du 12 juin 2017 constatant l'achèvement des travaux de dépose du pylône électrique sur la propriété de M.D.... Il y a lieu en conséquence de procéder à la liquidation définitive de l'astreinte et de réformer sur ce point le jugement attaqué.
4. En premier lieu, l'appel interjeté par la société Enedis à l'encontre le jugement du 8 janvier 2016 et la demande de sursis à exécution dont elle a assorti celui-ci, rejetés par un arrêt de la cour en date du 16 février 2017, sont sans incidence sur le point de départ du délai, le jugement étant resté exécutoire de plein droit en application de l'article L. 11 du code de justice administrative. En outre, en s'abstenant volontairement d'exécuter le jugement du fait de l'exercice de voies de recours, la société Enedis a fait un choix qui ne constitue pas un motif légitime pour modérer ou supprimer l'astreinte provisoire prononcée par le jugement du 8 janvier 2016.
5. En deuxième lieu, les conditions alléguées de prise en compte des travaux en question au titre des coûts supportés par les gestionnaires de réseaux pour calculer les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE) sont étrangères au retard mis à exécuter la chose jugée.
6. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux, dont le coût a été évalué par la société Enedis à 28 205 euros TTC pour une solution aérienne et à 41 062 euros TTC pour une solution souterraine, aient présenté, au regard des compétences et des ressources de la société Enedis, entreprise publique gestionnaire de réseaux de distribution d'électricité, une difficulté particulière justifiant un tel retard. Ils ont d'ailleurs été réalisés sans difficulté dans le mois suivant celui du jugement attaqué.
7. Enfin, la société Enedis n'a effectivement fait réaliser les travaux, d'ampleur limitée, qu'après que le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement attaqué, a procédé à une liquidation provisoire de l'astreinte et a porté celle-ci à 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du 5 mai 2017. Contrairement à ce qu'elle affirme, la société Enedis ne justifie donc pas de diligences particulières accomplies en vue de procéder à l'exécution de la chose jugée.
8. Il suit de là qu'il y a lieu de conserver l'astreinte de 100 euros par jour de retard initialement fixée par le jugement du 8 janvier 2016 pour la période comprise entre le 9 mai 2016 et le 5 juin 2017 et celle de 200 euros par jour de retard prononcée par le jugement attaqué pour la période comprise entre le 6 et le 11 juin 2017, l'achèvement des travaux ayant été constaté le 12 juin. L'astreinte doit ainsi être définitivement liquidée à la somme de 40 300 euros.
9. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 911-8 du code de justice administrative et d'affecter les 4/5èmes du montant ci-dessus au budget de l'Etat.
Sur les frais liés au litige :
10. Le tribunal administratif a omis de se prononcer sur les conclusions présentées par M. D... et M. E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu d'annuler son jugement sur ce point, de statuer sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de mettre à la charge de la société Enedis la somme globale de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ont exposés M. D...et M. E...tant en première instance qu'en appel.
11. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Enedis sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Enedis est rejetée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 mai 2017 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions présentées par M. D...et M. E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les sommes que la société Enedis a été condamnée par le jugement du 4 mai 2017 à verser à M. D...et à M. E...d'une part et au budget de l'Etat d'autre part sont respectivement portées à 8 060 et 32 240 euros.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 mai 2017 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 5 : La société Enedis versera à M. D...et à M. E...la somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enedis, à M. F... D...et à M. A... E....
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'action et des comptes publics et au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article R. 921-7 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- MmeG..., première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 novembre 2018.
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N° 17MA02838