Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé sa mutation d'office à compter du 1er janvier 2015.
Par un jugement n° 1500459 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2017, et un mémoire, enregistré le 3 octobre 2017, Mme B...A..., représentée par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de ses différents préjudices avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ont été méconnues, la minute du jugement attaqué n'ayant pas été signée par les magistrats de première instance ;
- la décision contestée est illégale dès lors que des pièces manquaient à son dossier administratif ;
- cette décision se fonde sur un courrier du recteur d'académie du 19 mars 2014 et sur le rapport d'inspection générale du mois de juin 2014 qui sont à charge et peu sérieux, et auxquels elle a apporté des réponses qui n'ont pas été prises en compte ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- cette décision constitue en réalité une sanction disciplinaire déguisée dès lors qu'elle a des incidences sur le déroulement de sa carrière et des conséquences financières importantes ;
- elle a été victime d'agissements de son supérieur direct qui sont constitutifs d'un harcèlement moral et avait sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
- son administration a méconnu les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 en ne prenant aucune mesure de protection appropriée ;
- elle est fondée à se prévaloir des dispositions de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ;
- elle est fondée également à demander une indemnisation en réparation de son préjudice moral à hauteur de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la décision attaquée est justifiée par l'intérêt du service ;
- les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 n'ont pas été méconnues.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2000-78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
- le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Slimani,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A...a été affectée au lycée général et technologique du Rempart à Marseille en qualité de proviseure adjointe stagiaire à compter du 28 novembre 2011, puis en qualité de titulaire à compter du 1er septembre 2012 ; que, par arrêté du 23 décembre 2014, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé sa mutation, dans l'intérêt du service, au poste de principale adjointe du collège le Lubéron à Cadenet dans le Vaucluse à compter du 1er janvier 2015 ; que l'intéressée relève appel du jugement rendu le 24 mars 2017 par le tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " (...) la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; que si Mme A...se prévaut de l'absence de signature de l'ampliation du jugement qui lui a été notifiée par le tribunal administratif de Nîmes, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, faute de comporter les signatures prévues par le code de justice administrative, manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant, en premier lieu, qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de la personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier préalablement à cette mesure ;
4. Considérant que si Mme A...soutient que son dossier administratif était incomplet car il ne contenait pas les courriers adressés par son avocat et par elle-même au recteur de l'académie d'Aix-Marseille et à l'inspecteur d'académie en réponse aux griefs formulés par le proviseur du lycée du Rempart et relatifs aux conditions dans lesquelles son inspection s'est tenue, d'une part, aucune disposition législative ou réglementaire, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, ne prévoit que de tels courriers devaient nécessairement figurer au dossier administratif ; qu'en tout état de cause, il est constant que l'intéressée avait la possibilité de faire état de ces documents devant la commission de discipline ; que, dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la procédure contradictoire aurait été méconnue ; que, d'autre part, la seule circonstance que ces courriers n'auraient pas été joints à son dossier administratif, n'est pas de nature à établir que l'administration n'aurait pas tenu compte de ces éléments dans le cadre de l'appréciation qu'elle a portée avant de prendre sa décision ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les allégations de la requérante sur la supposée partialité de l'inspecteur, auquel il appartenait d'ailleurs de prendre connaissance des dires des différentes parties au conflit, sur les documents produits par le proviseur et sur l'inexacte matérialité des faits ne sont pas établies en l'espèce ; qu'au contraire, le courrier du 19 mars 2014 du recteur de l'académie indique sans aucune ambiguïté que la manière de servir de l'intéressée est problématique et relève des lacunes professionnelles et des relations dégradées au sein de l'équipe de direction du lycée du Rempart ; que le rapport de l'inspection générale du mois de juin 2014 mentionne que la situation ne peut plus demeurer en l'état pour le bon fonctionnement de l'établissement ; que ce rapport circonstancié, dont l'impartialité et la méthodologie ne sont pas sérieusement mis en doute par l'intéressée, met en lumière des dysfonctionnements nombreux comme un défaut de collaboration avec son supérieur hiérarchique, l'absence de maîtrise des outils bureautiques, un défaut de conception des emplois du temps et un comportement inadapté de MmeA... ; qu'il conclut à l'impossibilité de maintenir cette dernière au sein de l'équipe de direction du lycée du Rempart et à la nécessité de la muter dans l'intérêt du service ; que, par suite, alors même que l'intéressée a bénéficié de bonnes notations lorsqu'elle était conseiller d'orientation psychologue entre 2001 et 2010, le moyen tiré de la partialité de l'inspecteur doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'une mutation dans l'intérêt du service ne constitue une sanction déguisée que s'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier ; que, d'autre part, aux termes de l'article 2 du décret du 11 décembre 2001 : " Les personnels de direction participent à l'encadrement du système éducatif et aux actions d'éducation. A ce titre, ils occupent principalement, en qualité de chef d'établissement ou de chef d'établissement adjoint, des emplois de direction des établissements mentionnés à l'article L. 421-1 de ce code, dans les conditions prévues aux articles L. 421-3, L. 421-5, L. 421-8, L. 421-23 et L. 421-25 du même code (...) " ;
7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les nombreux dysfonctionnements constatés au sein du lycée du Rempart et les relations dégradées entretenues entre la requérante et le proviseur faisaient obstacle au bon fonctionnement du lycée ainsi qu'il a été vu au point 5 ; que, d'autre part, la perte de rémunération subie par Mme A...résulte du classement du collège le Lubéron à Cadenet en catégorie financière 2 qui n'est pas un centre d'examen au baccalauréat, contrairement au lycée du Rempart lequel est classé en catégorie 3 ; qu'en outre, les personnels de direction de l'éducation nationale peuvent indistinctement occuper des postes de chef d'établissement ou d'adjoint en collège ou en lycée ; que, par suite, son affectation en qualité de principale adjointe au collège Le Lubéron n'emporte aucune modification dans la nature des fonctions qu'elle exerce et dans ses conditions de travail ; qu'ainsi, l'arrêté en litige n'a pas eu pour conséquence de porter atteinte à la situation professionnelle de l'intéressée et ne saurait être regardé comme une sanction déguisée ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que si Mme A...soutient que son changement d'affection au sein d'un collège distant de 66 kilomètres de son ancien lieu d'affection fait obstacle à ce qu'elle continue à porter assistance à sa mère âgée de 87 ans, cette circonstance pour digne de considération qu'elle soit, est insuffisante pour établir que le ministre aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
9. Considérant, enfin, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
10. Considérant que si Mme A...soutient qu'elle a été victime de brimades et d'une situation de travail dégradée qui a pour origine le comportement du proviseur et qu'elle a déposé une main courante auprès des services de police, elle n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucun élément probant de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle se dit victime de la part du proviseur du lycée du Rempart ; que si l'intéressée soutient que l'arrêté en cause a été pris car elle avait dénoncé des faits de harcèlement moral, elle n'assortit cette allégation d'aucun document attestant de la véracité de cette dénonciation ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
11. Considérant qu'en l'absence de toute illégalité fautive commise par le ministre de l'éducation nationale, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme A...tendant à obtenir réparation de son préjudice ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2014 du ministre de l'éducation nationale ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de ses préjudices et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- M. Slimani, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.
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N° 17MA02205