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08/11/2018 | FRANCE | N°17MA00261

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2018, 17MA00261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme et M. C...D...ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 16 janvier 2014 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté leur recours préalable indemnitaire, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Bouches-du-Rhône sur cette même demande du 15 novembre 2013 et, d'autre part, de condamner l'Etat à leur verser à titre personnel les sommes respectives de 235 22

8 euros et 73 712 euros et, au nom de leurs fils B...et GabinD..., les sommes r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme et M. C...D...ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 16 janvier 2014 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté leur recours préalable indemnitaire, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Bouches-du-Rhône sur cette même demande du 15 novembre 2013 et, d'autre part, de condamner l'Etat à leur verser à titre personnel les sommes respectives de 235 228 euros et 73 712 euros et, au nom de leurs fils B...et GabinD..., les sommes respectives de 110 000 euros et 5 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la carence des services de l'Etat dans la prise en charge adaptée deB....

Par un jugement n° 1402059 du 21 novembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 janvier 2014 du directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur et a condamné l'Etat à verser à M. et MmeD..., à titre personnel, la somme de 3 000 euros chacun et les sommes de 5 000 euros et 1 000 euros, en qualité de représentants légaux de leurs fils B...et Gabin.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 janvier 2017, le 2 mai 2018, le 18 juillet 2018 et le 2 octobre 2018, M. et MmeD..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de personnes habilitées à représenter M. B... D..., majeur protégé, et GabinD..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 novembre 2016 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté leur demande d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Bouches-du-Rhône sur leur réclamation indemnitaire ;

2°) d'annuler cette décision tacite du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) de réformer le jugement du 21 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation du préjudice subi par M. B... D..., à la somme de 3 000 chacun les indemnités à verser à M. et Mme D...et à la somme de 1 000 euros l'indemnité à verser à GabinD... ;

4°) de porter à la somme de 110 000 euros le montant de l'indemnité due à M. B... D..., à la somme de 50 000 euros le montant de l'indemnité due à M. et Mme D..., à la somme de 185 228 euros le montant de l'indemnité due à Mme D..., à la somme de 23 712 euros le montant de l'indemnité due à M. D...et à la somme de 5 000 euros le montant de l'indemnité due à GabinD... ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement ne répond pas au moyen, qu'il n'a pas visé, tiré de la méconnaissance de l'article L. 112-1 du code de l'éducation ;

- la demande d'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône était recevable ;

- en vertu de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles, l'Etat est tenu à une obligation de résultat en ce qui concerne la prise en charge effective et pluridisciplinaire des enfants souffrant d'autisme ;

- la responsabilité de l'Etat est aussi engagée pour manquement dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle ou de tutelle des établissements médico-sociaux ;

- ils ont subi des préjudices moraux et financiers ainsi que des troubles dans les conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2018, la ministre des solidarités et de la santé demande à la Cour de rejeter la requête.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'Etat ne peut être recherchée que dans le cadre d'une orientation prononcée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui ne peut pas être mise en oeuvre en raison d'un manque de place disponible ;

- l'enfant a été pris en charge jusqu'au 30 août 2016 par différentes structures ;

- les préjudices doivent être en lien avec une période de non prise en charge par un établissement conformément à l'orientation de la commission ;

- le préjudice financier doit être évalué en tenant compte des allocations ayant une finalité identique à la prise en charge qui ont été versées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 ;

- la loi n° 96-1076 du 11 décembre 1996 ;

- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeD....

Une note en délibéré présentée par Mme et M. D...a été enregistrée le 19 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M. D...ont adressé, le 15 novembre 2013, au directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur et au préfet des Bouches-du-Rhône des demandes préalables tendant à obtenir la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la carence des services de l'Etat dans la prise en charge adaptée de leur filsB..., atteint de troubles autistiques. Par un jugement du 21 novembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 janvier 2014 du directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur rejetant leur demande, a condamné l'Etat à verser à M. et MmeD..., à titre personnel, la somme de 3 000 euros chacun et les sommes de 5 000 euros et 1 000 euros, en qualité de représentants légaux de leurs fils B...et Gabin et rejeté leur demande d'annulation de la décision implicite du préfet de rejet de leur réclamation. Ils font appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à leurs demandes à fin d'annulation et d'indemnisation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les réclamations adressées au préfet des Bouches-du-Rhône et au directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur avaient pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. et Mme D...qui, en formulant les conclusions précédemment analysées, ont donné à l'ensemble de leur requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit des intéressés à percevoir les sommes qu'ils réclament, les vices propres dont seraient, le cas échéant, entachées les décisions qui ont lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Le tribunal n'a ainsi et, en tout état de cause, pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué en rejetant comme irrecevable la demande d'annulation de la décision née du silence gardé par le préfet sur leur réclamation.

3. Le moyen invoqué par les requérants en première instance tiré de la méconnaissance de l'article L. 112-1 du code de l'éducation est visé dans le jugement. Les dispositions de cet article sont citées au point 4 du jugement et interprétées au point 5 qui indique que la combinaison des dispositions du code de l'action sociale et des familles et du code de l'éducation impose une prise en charge pluridisciplinaire des enfants et adolescents handicapés dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile. Le tribunal a ensuite examiné, aux points 7 à 15, dans quelle mesure la prise en charge du jeune B...a respecté cette obligation, sur l'ensemble de la période mise en cause par les requérants. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal a omis de répondre à un moyen doit être écarté.

Sur le principe de la responsabilité de l'Etat :

4. D'une part, aux termes de l'article 4 de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, applicable avant le 22 juin 2000 : " Les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l'obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d'eux par la commission [de l'éducation spéciale]. / L'éducation spéciale associe des actions pédagogiques, psychologiques, sociales, médicales et paramédicales ; elle est assurée, soit dans des établissements ordinaires, soit dans des établissements ou par des services spécialisés. Elle peut être entreprise avant et poursuivie après l'âge de la scolarité obligatoire. ". L'article L. 112-1 du code de l'éducation, dans sa version en vigueur du 22 juin 2000 au 12 février 2005 dispose que " Les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l'obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d'eux par la commission départementale d'éducation spéciale. ". Aux termes du premier alinéa de ce même article dans sa rédaction issue de l'article 19 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles, créé par la loi du 11 février 2005 : " La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie (...) ". Aux termes de l'article 2 de la loi du 11 décembre 1996 modifiant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles qui est entré en vigueur le 23 décembre 2000 : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne et eu égard aux moyens disponibles, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. " Cet article L. 246-1 dispose, dans sa rédaction résultant de l'article 90 de la loi du 11 février 2005, que " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social (...) ".

6. L'ensemble de ces dispositions imposent à l'Etat et aux autres personnes publiques chargées de l'action sociale en faveur des personnes handicapées d'assurer, dans le cadre de leurs compétences respectives, une prise en charge effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l'état comme à l'âge des personnes atteintes du syndrome autistique.

7. Il résulte de l'instruction que le syndrome autistique de M. B... D..., né le 30 mars 1992, a été diagnostiqué le 21 septembre 1998. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à rechercher avant cette date la responsabilité de l'Etat en raison d'une carence dans la prise en charge de leur enfant autiste. Au surplus, ils ne justifient pas d'un refus de scolariser leur enfant en école maternelle, d'une part, et la prise en charge en crèche avant l'âge de trois ans ne rentre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 112-1 du code de l'éducation rappelées au point 4, d'autre part.

8. Le jeune B...a été scolarisé en école maternelle en milieu ordinaire au titre de l'année 1998-1999. Il n'est pas contesté par l'Etat que l'enfant n'a bénéficié pendant toute l'année scolaire d'aucune aide spécialisée. Si par une décision du 27 mai 1999 renouvelée le 8 juillet 1999 et le 28 octobre 1999, la commission départementale de l'éducation spéciale des Bouches-du-Rhône a décidé le placement de l'enfant en institut thérapeutique et pédagogique, aucune place n'était disponible et, dans l'attente, la commission a décidé le 24 juin 1999, un accueil temporaire dans une classe spécialisée d'un établissement scolaire ordinaire. Toutefois, aucune place en classe spécialisée n'étant vacante, B...n'a intégré l'institut thérapeutique et pédagogique " Le Renouveau " que le 5 décembre 1999. Il suit de là que du 29 septembre 1998 au 4 décembre 1999, l'enfant n'a pas bénéficié d'une prise en charge adaptée à son handicap conformément aux dispositions des articles 4 de la loi du 30 juin 1975 alors applicable et L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles et aux décisions de la commission départementale de l'éducation spéciale. La responsabilité de l'Etat est ainsi engagée au titre de cette période.

9. Lors de la période courant du 5 décembre 1999 au 6 juillet 2006, B...a été orienté, en exécution de la décision du 28 octobre 1999 plusieurs fois renouvelée, notamment le 20 janvier 2000, le 29 novembre 2001 et en dernier lieu le 12 décembre 2005, dans un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique en régime de semi-internat. Les requérants ne peuvent pas utilement soutenir que l'orientation de leur fils dans ce type d'institut inadapté au handicap de leur enfant a été décidée en raison de l'absence de place en classe spécialisée dans un établissement scolaire ordinaire dès lors que la contestation des décisions des commissions départementales de l'éducation spéciale relève de la compétence de la juridiction judiciaire. Si M. et Mme D...invoquent aussi une prise en charge partielle du 5 décembre 1999 au 6 décembre 2000, il résulte de l'instruction que l'accueil de leur fils pendant quatre jours par semaine en matinée jusqu'à 13h30 était conforme aux indications de la décision de la commission du 20 janvier 2000 qu'ils n'ont pas contestée devant la juridiction compétente. En revanche, B...a été orienté par une décision de la commission du 16 juin 2005 vers l'institut médico-éducatif " La Bourguette " qui n'a pu l'accueillir en l'absence de place que pendant une semaine à l'issue de laquelle il est retourné à l'institut thérapeutique, éducatif et pédagogique " Le Renouveau ". Il suit de là que la responsabilité de l'Etat n'est susceptible d'être engagée que pour les périodes courant, d'une part, du 5 décembre 1999 au 20 janvier 2000 dès lors que la décision de la commission du 28 octobre 1999 prévoyait un accueil à temps complet et, d'autre part, du 16 juin 2005 au 12 décembre 2005, lors de laquelle il n'a pu être accueilli à l'institut médico-éducatif " La Bourguette " et a été placé à l'institut thérapeutique, éducatif et pédagogique " Le Renouveau " dans l'attente d'une nouvelle décision de la commission.

10. L'orientation de B...vers les instituts médico-éducatifs " Borelli Plagnol " ou " Valbrise " a été préconisée par une décision du 6 juillet 2006 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. L'institut thérapeutique, éducatif et pédagogique " Le Renouveau " a alors prononcé la sortie de l'enfant le 7 juillet 2006. Toutefois, en l'absence de place dans les établissements désignés, le fils de M. et Mme D... n'a bénéficié d'aucun accueil jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle il a été placé à l'institut médico-éducatif " Les Figuiers ", en cours de construction, en application d'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 28 septembre 2006. Il suit de là que l'absence de réponse institutionnelle à l'accueil de B...engage la responsabilité de l'Etat pour la période du 7 juillet au 5 décembre 2006. Par ailleurs, du fait des travaux de construction de cet établissement, l'enfant n'a pu fréquenter l'institut médico-éducatif que deux jours par semaine du 6 décembre 2006 jusqu'au mois de septembre 2007. Ainsi, la prise en charge du fils de M. et Mme D...ne peut être regardée pendant cette période comme correspondant à celle prévue par la décision de la commission du 28 septembre 2006. En revanche, pour la période courant du 1er octobre 2007 au 11 mai 2011, date à laquelle B...a quitté l'institut médico-éducatif " Les Figuiers ", la réponse thérapeutique, pédagogique, éducative et sociale apportée au handicap de l'enfant, placé en régime de semi-internat cinq jours par semaine, était conforme aux décisions successives prises par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui n'ont pas été contestées par les parents de l'enfant.

11. Enfin, il résulte de l'instruction que le 11 mai 2011, M. et Mme D...ont retiré leur enfant de l'institut médico-éducatif " Les Figuiers " alors que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Bouches-du-Rhône avait, par décision du 18 novembre 2010, prononcé le renouvellement de l'orientation de B...dans cet établissement jusqu'au 29 mars 2012. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à invoquer une quelconque carence de l'Etat dans la prise en charge de leur fils jusqu'à la tenue d'une nouvelle réunion de la commission qui a été convoquée le 30 août 2011. En revanche, à partir de cette date, les différentes décisions d'orientation de B...en foyer d'accueil médicalisé puis en service d'accompagnement médico-social pour personnes adultes handicapées n'ont été que partiellement exécutées en l'absence de place disponible. Il suit de là que le défaut de prise en charge des besoins spécifiques de M. B... D...engage la responsabilité de l'Etat depuis le 30 août 2011.

12. M. et MmeD..., qui font valoir de manière générale que l'Etat autorise la création, la fermeture ou le transfert de gestion des institutions médico-sociales et qu'il est le seul garant de l'amélioration de la qualité de la prise en charge des personnes atteintes de troubles autistiques, n'apportent pas la preuve, dont la charge leur incombe, des manquements de l'Etat dans l'exercice de pouvoirs de contrôle ou de tutelle des institutions ayant accueilli M. B... D...en exécution des décisions de la commission départementale de l'éducation spéciale et de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Bouches-du-Rhône. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat à ce titre.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité de l'Etat est engagée au titre de la seule carence fautive dans la prise en charge adaptée de B...D...au cours des périodes du 29 septembre 1998 au 4 décembre 1999, du 5 décembre 1999 au 20 janvier 2000, du 16 juin 2005 au 12 décembre 2005 et du 7 juillet 2006 au 30 septembre 2007, et depuis le 30 août 2011.

Sur les préjudices :

14. Les premiers juges ont fait une estimation insuffisante du préjudice moral subi par M. et Mme D...et par M. B... D...en le fixant aux sommes respectives de 3 000 euros chacun et de 5 000 euros. Il y a lieu de porter ces sommes à 5 000 euros pour chacun des parents et à 10 000 euros pourB.... En revanche, ils ont fait une juste évaluation du préjudice moral éprouvé par Gabin D...en lui accordant la somme de 1 000 euros.

15. Il résulte de l'instruction que la carence fautive dans la prise en charge adaptée de B...D...a contraint MmeD..., attachée de direction, à travailler à temps partiel du mois de septembre 1997 au mois de décembre 2005 pour s'occuper de son fils puis de refuser le poste qui lui était proposé, ce qui a entraîné son licenciement au mois d'avril 2012. Compte tenu des périodes précisées au point 13 au titre desquelles la responsabilité de l'Etat est engagée, la requérante doit être indemnisée du 29 septembre 1998 au 20 janvier 2000, du 16 juin 2005 au 12 décembre 2005 et du 1er mai 2012 au 30 mai 2015. En revanche, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation pour d'autres périodes en l'absence de carence de l'Etat dans la prise en charge adaptée deB.... Mme D...ne sollicite aucune indemnisation pour les périodes allant du 7 juillet 2006 au 30 septembre 2007 et du 30 août 2011 au 30 avril 2012. Eu égard aux bulletins de salaires produits mentionnant le nombre d'heures travaillées, à la durée légale du travail au cours des années 1998 à 2005 et au taux horaire pratiqué, la perte de salaire de Mme D...doit être fixée à la somme totale de 14 680 euros pour les différentes périodes entre le 29 septembre 1998 et le 12 décembre 2005. La requérante percevait l'allocation de sécurisation professionnelle du mois de mai 2012 au mois de mai 2013. Elle subit pour cette période un manque à gagner de 6 000 euros correspondant à la différence entre le montant de l'allocation journalière servie et le salaire qu'elle aurait perçu si elle n'avait pas été dans l'obligation de refuser le poste proposé par son employeur en raison de l'absence de prise en charge adaptée de son fils. Enfin, du mois de mai 2013 au mois de mai 2015, Mme D...était sans emploi et percevait les allocations chômage, soit une perte de revenus de 49 826 euros au titre de cette dernière période par rapport au salaire antérieurement perçu. Le montant total de la perte de revenus subie par la mère de B...s'élève ainsi à la somme de 70 506 euros.

16. M. D..., employé de banque, a travaillé à temps partiel du 3 septembre 2007 au 31 août 2012. Ainsi qu'il a été indiqué au point 10, aucune carence fautive ne peut être reprochée à l'Etat au titre de la période courant du mois d'octobre 2007 au 11 mai 2011. Par ailleurs, l'intéressé ne justifie pas que la prise en charge de l'enfant, consécutive à la carence fautive de l'Etat, nécessitait la présence des deux parents. Il suit de là que l'intéressé ne peut pas non plus solliciter une indemnisation pour la période du 1er mai 2012 au 31 août 2012 pendant laquelle son épouse qui n'exerçait plus d'activité professionnelle, se consacrait à leur fils. Le requérant est dès lors fondé à demander à être indemnisé de la perte de revenus qu'il a subie en raison de la faute commise par l'Etat dans la prise en charge inadaptée de son fils uniquement au titre du mois de septembre 2007 et de la période courant du 12 mai 2011 au 30 avril 2012. Le requérant, qui a travaillé 93,60 heures en septembre 2007 au lieu de 140 heures et perçu un salaire de 1 300 euros, justifie avoir subi une perte de 832 euros. Pour la période du 12 mai 2011 au 30 avril 2012, il établit une durée d'exercice professionnel de 124,80 heures par mois et avoir perçu une rémunération de 1 800 euros alors que le salaire se serait élevé à la somme de 2 188 euros dans le cas d'un travail à temps complet, à hauteur de 140 heures par mois. Il y a lieu de lui allouer pour cette seconde période une indemnité de 4 518 euros en réparation du manque à gagner. Le montant total de la perte de revenus subie par le père de B...s'élève ainsi à la somme de 5 413 euros.

17. Les prestations susceptibles d'avoir été perçues par M. et Mme D...n'ont pas eu pour objet de compenser la carence de l'Etat dans la prise en charge adaptée de leur fils. Le ministre ne peut dès lors soutenir, au demeurant sans précision aucune, que le montant " des allocations versées ayant une finalité identique " devrait être déduit de celui de l'indemnité allouée par la Cour.

18. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter respectivement à 75 506 euros, 10 413 euros et 10 000 euros le montant des indemnités dues par l'Etat à Mme D..., à M. D...et à M. et MmeD..., agissant au nom de leur fils B...et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille.

Sur les frais liés au litige :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme D...de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les sommes de 3 000 euros, de 3 000 euros et de 5 000 euros que l'Etat a été condamné à verser respectivement à Mme D..., à M. D...et à M. et Mme D... en qualité de tuteurs de B...D..., sont portés à 75 506 euros, 10 413 euros et 10 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme D...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et M. C...D...et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera transmise à l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.

2

N° 17MA00261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00261
Date de la décision : 08/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale aux personnes handicapées.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute - Application d'un régime de faute simple.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : LETURCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-08;17ma00261 ?
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