Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. F... A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier :
I. Sous le n° 1606396, d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
II. Sous le n° 1701892, d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Par un jugement n°1606396 et 1701892 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a joint les deux instances et rejeté ces demandes.
Procédures devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2017, sous le n° 17MA04323, M. A... B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 29 novembre 2016 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, MeD..., la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de titre :
- l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet et réel de sa situation ;
- la décision en litige méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire national :
- elle est affectée du même vice d'incompétence que le refus de titre de séjour ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à une vie privée et familiale.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'un an : elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 septembre 2017.
II. Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2017, sous le n° 17MA04325, M. A... B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 janvier 2017 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, MeD..., une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur le refus de titre :
- l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente ;
- les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues puisque l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 janvier 2017 ne fait pas suite à une demande et il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations ; les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet et réel de sa situation ;
- la décision en litige méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire national :
- elle est affectée du même vice d'incompétence que le refus de titre de séjour ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à une vie privée et familiale.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'un an : elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tahiri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées, enregistrées sous les n° 17MA04323 et n° 17MA04325, présentées pour M. A...B...présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
2. Par arrêté du 30 janvier 2017, le préfet de l'Hérault a refusé à M. A...B..., ressortissant marocain né le 11 novembre 1968, la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Cet arrêté abroge et remplace un précédent arrêté du 29 novembre 2016 ayant le même objet. Par un jugement du 29 juin 2017, dont M. A...B...relève appel dans les instances susvisées, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de l'intéressé tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
3. M. A...B...fait valoir que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort effectivement des pièces du dossier que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 janvier 2017. Par suite, le jugement est, s'agissant de ces conclusions, irrégulier. Il y a lieu d'évoquer l'affaire sur ce point et de statuer sur ces conclusions. En revanche, il y a lieu de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 novembre 2016.
Sur les conclusions dirigées contre les refus de titre de séjour :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration :
4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".
5. En vertu de leurs termes mêmes, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. L'arrêté contesté, qui abroge l'arrêté préfectoral du 29 novembre 2016 en raison d'une erreur matérielle sur la mention du délai de recours et le remplace par les mêmes décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, intervient nécessairement en réponse à la demande de titre de séjour présentée le 19 octobre 2016 par M. A...B.... Le refus de titre de séjour en litige répondant ainsi à une demande, le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas respecté, avant d'édicter l'arrêté en litige, la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
6. En premier lieu, par arrêté n° 2016-I-1143 du 3 novembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet de l'Hérault a accordé une délégation de signature à M. C... E..., sous-préfet hors-classe, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, à l'effet de signer " tous actes, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...) / A ce titre, cette délégation comprend donc, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers (...) ". Cette délégation qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas une portée générale et est suffisamment précise, donnait légalement compétence à M. E...pour signer les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés manque en fait et doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, après avoir examiné la situation familiale et personnelle de l'intéressé, a indiqué les éléments de sa situation personnelle qui ont été pris en considération, notamment ceux relatifs aux conditions de son séjour en France et à la présence de son épouse dans son pays d'origine. Ainsi le préfet, alors même qu'il n'aurait pas évoqué la situation de ses parents et des autres membres de sa fratrie, a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. A...B....
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
9. Si M. A...B...déclare être entré en France en 2002 sans visa, il est constant qu'il a été interpellé par les services de police de Montpellier et est retourné vivre au Portugal où il aurait obtenu un visa Schengen valable pour les années 2006 et 2007. Il indique être revenu en France en 2008 et s'y être maintenu depuis lors, en dépit toutefois des 4 mesures d'éloignement prises à son encontre en février 2008, juin 2011, août 2012 et décembre 2015 dont la légalité, pour les trois dernières, a été confirmée par le juge administratif. Les pièces qu'il produit, et notamment des certificats médicaux, des résultats d'analyses et des attestations d'aide médicale de l'Etat, si elles peuvent attester d'une présence ponctuelle en France, sont insuffisantes pour établir sa résidence habituelle en France depuis 2008. La circonstance qu'il déclare ses revenus et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de maçon ne suffit pas à établir sa bonne intégration en France. Compte tenu notamment des conditions du séjour en France de M. A... B..., qui n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside notamment son épouse dont il n'établit pas être séparé, et alors même que ses parents et une partie de sa fratrie résident régulièrement en France, les décisions des refus de titre de séjour en litige ne portent pas, eu égard aux buts qu'elles poursuivent, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, elles ne méconnaissent ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elles ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A...B....
Sur l'obligation de quitter le territoire national :
10. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et du défaut d'examen réel et sérieux de la situation de M. A...B...doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, les moyens tirés de ce que les obligations de quitter le territoire français prononcées à l'encontre de M. A... B... ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 11, en prenant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour de deux ans, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A...B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentés par ce dernier ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés aux deux instances :
14. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
15. L'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A...B...une somme en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 janvier 2017.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A...B...devant le tribunal administratif de Montpellier et les conclusions de sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 novembre 2018.
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N° 17MA04323 - 17MA04325