La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2018 | FRANCE | N°16MA02227

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2018, 16MA02227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui payer la somme de 157 817,43 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge le 15 septembre 2008 par le service des urgences du centre hospitalier de Bastia. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 182 308,70 euros en remboursement de ses débours.

Par un jugement n°

1300417 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Bastia a condamné le c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui payer la somme de 157 817,43 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge le 15 septembre 2008 par le service des urgences du centre hospitalier de Bastia. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 182 308,70 euros en remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 1300417 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Bastia a condamné le centre hospitalier de Bastia à verser à M. D...la somme de 37 908,34 euros et une rente annuelle de 1 693,51 euros en réparation des préjudices subis et à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 25 295,49 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juin 2016 et le 1er août 2016, le centre hospitalier de Bastia, représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 31 mars 2016 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. D...et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse au titre des pertes de revenus futurs et de l'incidence professionnelle et de ramener les indemnités allouées à M. D... et les débours de la caisse à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- M. D...n'a subi aucune perte de revenus pendant la période de déficit fonctionnel temporaire imputable à la faute ;

- l'existence d'une perte de revenus futurs n'est pas démontrée ;

- l'incidence professionnelle étant largement réparée par la rente d'invalidité perçue, M. D... n'a droit à aucune compensation supplémentaire ;

- la créance de la caisse fondée sur les indemnités journalières et la rente invalidité ne saurait s'imputer que sur la somme de 10 000 euros qui représente le total des pertes de revenus subies par M. D...et son incidence professionnelle ;

- le préjudice moral est réparé par l'indemnité allouée au titre des souffrances ;

- il convient de déduire des sommes allouées le montant de la provision versée.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse a présenté un mémoire le 17 février 2017.

Par des mémoires en défense enregistrés le 10 mai 2017 et le 25 septembre 2018, M. D... :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) demande par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 37 908,34 euros et à une rente annuelle de 1 693,51 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Bastia en réparation des préjudices subis ;

- de porter à la somme de 157 817,43 euros le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier ;

3°) demande de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia les dépens et la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la part de responsabilité qui incombe au centre hospitalier doit être évaluée à 50 % ;

- les frais de transport exposés doivent lui être remboursés ;

- il a subi une perte de revenus temporaire qui doit inclure les primes et le bénéfice des tickets restaurant ;

- il a droit à la réparation de la perte de primes d'astreinte pour le futur ;

- il subit une incidence professionnelle qui doit être indemnisée et qui n'est pas entièrement compensée par la rente d'accident du travail qu'il perçoit ;

- la perte de retraite subie doit être réparée ;

- les périodes de déficit fonctionnel temporaire et les souffrances subies, le préjudice esthétique et le déficit fonctionnel permanent dont il demeure atteint doivent être mieux réparés ;

- il subit également un préjudice psychologique.

Par des mémoires, enregistrés le 16 novembre 2017, le 28 mars 2018 et le 14 septembre 2018, le centre hospitalier de Bastia conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre que :

- la perte de chance ne saurait être fixée à 50 % ;

- il n'est pas démontré que les frais de transport exposés seraient tous en lien avec l'intervention réalisée au centre hospitalier de Bastia ;

- l'expertise réalisée par le Dr A...n'a pas été utile à la résolution du litige et son coût ne saurait donner lieu à remboursement ;

- le déficit fonctionnel temporaire qui a été partiel hors les périodes d'hospitalisation a été suffisamment réparé ;

- les souffrances, le déficit fonctionnel permanent et le préjudice esthétique ont été suffisamment réparés ;

- l'existence d'un préjudice moral distinct des dommages déjà réparés n'est pas établie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Sur la recevabilité du mémoire de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse :

1. Aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier. / Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai (...) Les parties et mandataires inscrits dans l'application doivent adresser tous leurs mémoires et pièces au moyen de celle-ci, sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. "

2. Le conseil de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse a adressé à la Cour un mémoire le 17 février 2017 par télécopie. Par un courrier du 17 février 2017, dont il a été accusé réception par voie électronique à la date de sa première consultation le 22 février, le greffe de la Cour l'a invité à régulariser sa production par le biais de l'application " Télérecours " dans un délai de quinze jours. Le conseil n'ayant pas régularisé son mémoire, les écritures présentées en appel par l'organisme social doivent être écartées des débats.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si le centre hospitalier de Bastia soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont les premiers juges étaient saisis, ce moyen est dépourvu de précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. M. D...s'est blessé le 15 septembre 2008 en manipulant une meuleuse sur son lieu de travail. Il a été pris en charge le même jour par le service des urgences du centre hospitalier de Bastia, où a été réalisé un point de suture sur le doigt et mise en place une antibiothérapie. L'infection qui s'est par la suite développée, a été traitée à la clinique de Furiani puis à la polyclinique Saint-François de Nice. Plusieurs interventions ont été pratiquées et la poursuite de l'infection a nécessité l'amputation de l'index gauche de M. D... réalisée à l'hôpital Paul Desbief à Marseille.

En ce qui concerne la perte de chance :

5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

6. Les experts ont estimé que le centre hospitalier de Bastia et le praticien exerçant à la clinique avaient contribué au dommage à hauteur de 50 % chacun. S'ils n'ont pas quantifié la perte de chance pour M. D...de se soustraire au dommage ou à son aggravation en l'absence de faute, ils ont néanmoins indiqué que la victime avait perdu une chance de guérison et que l'absence de nettoyage soigneux par le service des urgences avait permis à l'infection de se développer. Dans ces conditions, la faute commise par le centre hospitalier de Bastia, qui ne conteste pas sa responsabilité, a entraîné une perte de chance dont le taux doit être fixé à 90 %. Il ne résulte pas de l'instruction que M. D...aurait commis une faute de nature à minorer ce taux en reprenant son travail le doigt pansé après la prise en charge par le service des urgences, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une consigne contraire lui aurait été donnée.

En ce qui concerne les préjudices :

7. D'une part, lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle le dommage au moment où elles ont été commises, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice par l'une de ces personnes, sans préjudice de la possibilité pour celle-ci de former une action récursoire contre le ou les co-auteurs du dommage.

8. Il appartient d'autre part au juge administratif de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu obtenir devant d'autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi.

9. Le tribunal de grande instance de Nice a, par jugement du 18 avril 2016, condamné le praticien ayant pris en charge le patient à la polyclinique Saint-François de Nice à payer à ce dernier la somme de 36 090,25 euros en réparation de la moitié des préjudices subis, estimant que la perte de chance avait été totale et que la responsabilité devait être partagée pour moitié chacun entre le praticien et le centre hospitalier de Bastia. Dans ces conditions, conformément à ce qui a été dit au point 8, les indemnités mises à la charge du centre hospitalier doivent, le cas échéant, être réduites afin que le total des sommes allouées au bénéficiaire par les juridictions judiciaire et administrative n'excède pas un montant égal à 100 % des préjudices tels qu'ils ont été évalués par la juridiction administrative.

Quant aux préjudices à caractère patrimonial :

10. En premier lieu, M. D...justifie de frais de transport en lien avec la faute commise. Il convient de prendre en compte, outre les frais retenus à juste titre par le tribunal administratif, ceux des 16 et 29 juin 2009, dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise que les déplacements correspondants sont en lien avec la faute. Si l'assistance d'une deuxième personne lors de ces déplacements apparaît utile pour M.D..., les frais liés à la présence d'une troisième personne, dont la nécessité n'est pas établie, doivent être exclus de l'indemnisation. Le montant total de ces frais s'élève ainsi à 2 098,83 euros, soit après perte de chance à 1 888,95 euros, somme incombant au centre hospitalier. Toutefois, le total des indemnités allouées par les juridictions judiciaire et administrative ne saurait excéder 2 098,83 euros. Le tribunal de grande instance de Nice a alloué la somme de 2 476,73 euros à la victime à ce titre. M. D... n'est dès lors pas fondé à demander la majoration de l'indemnité que le tribunal administratif lui a accordée en réparation de ce préjudice qu'il a évalué à la somme de 523,80 euros dont le centre hospitalier de Bastia demande la confirmation.

11. En deuxième lieu, M. D...soutient avoir subi une perte de revenus temporaire. Il n'est pas fondé à demander le versement d'une indemnité au titre de la non-perception de titres-restaurant, qui correspondent à la compensation du surcoût d'un repas pris à l'extérieur du domicile, ni de la perte de congés payés, qui ne peuvent être regardés comme résultant directement de son dommage. Le revenu annuel de référence à prendre en compte s'élève ainsi à la somme de 23 199,38 euros, tel que cela ressort de ses avis d'impôt sur les revenus de 2007 et après déduction de la somme de 3 630,62 euros perçue au mois de juin à titre d'indemnité de mariage. Il ressort des bulletins de salaire de M. D...que ce dernier a perçu du 15 décembre 2008 jusqu'au 1er mai 2012 la somme de 18 772,98 euros. Tenant compte de ce qu'il aurait dû percevoir en l'absence de faute, la perte de revenus s'élève à 59 524,93 euros. M.D..., qui a bénéficié au cours de la même période d'indemnités journalières pour un montant de 66 080,70 euros, n'a donc subi aucune perte de revenus au titre de la période courant du 15 décembre 2008 au 1er mai 2012. Par ailleurs, le tribunal de grande instance ayant alloué à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 33 040,35 euros, la créance de l'organisme social doit être fixée à la somme de 26 484,58 euros, dans la limite du montant total du préjudice tel qu'évalué ci-dessus.

12. En troisième et dernier lieu, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte d'une chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

13. D'autre part, la rente d'accident du travail prévue par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, rendu applicable aux salariés des professions agricoles par l'article L. 751-8 du code rural et de la pêche maritime, et la rente d'accident du travail servie aux non-salariés agricoles sur le fondement de l'article L. 752-6 de ce code doivent, en raison de la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui leur est assignée par les dispositions qui les instituent et de leur mode de calcul, appliquant le taux d'incapacité permanente au salaire de référence défini par l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ou au gain forfaitaire annuel mentionné à l'article L. 752-5 du code rural et de la pêche maritime, être regardées comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.

14. Si M. D...soutient qu'il a subi une perte de revenus futurs, alors que les bulletins de salaire qu'il a produits pour les années postérieures à 2012 démontrent une augmentation des revenus tirés de son activité professionnelle, il ne démontre pas que cette augmentation a été moindre que celle à laquelle il aurait eu droit s'il avait continué d'occuper son ancien poste, et ce même en tenant compte de la perte de primes d'astreinte d'un montant annuel de 1 989 euros. Pour les mêmes raisons, la demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite doit être rejetée. Il résulte par ailleurs de l'instruction que M.D..., qui exerçait l'activité de technicien d'exploitation, a été reclassé après l'accident sur un poste administratif d'approvisionneur. Les séquelles dont il demeure atteint au niveau de la main justifient une indemnisation qui doit être fixée à 6 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, soit 5 400 euros après application du taux de perte de chance. La rente d'accident du travail qu'il perçoit, dont les arrérages échus depuis le 31 décembre 2013 s'élèvent à 24 726,52 euros et dont le capital est évalué à 77 277,87 euros au 1er janvier 2014, couvre en totalité le préjudice subi par la victime qui ne peut donc prétendre à une indemnisation complémentaire. Le tribunal de grande instance de Nice ayant accordé à la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la perte de revenus futurs et de l'incidence professionnelle une somme de 29 161,79 euros, supérieure au montant total du préjudice tel qu'évalué ci-dessus, l'organisme social n'a droit à rien à ce titre.

Quant aux préjudices à caractère extra-patrimonial :

15. En premier lieu, M. D...justifie de troubles dans les conditions d'existence durant les périodes de déficit fonctionnel temporaire total lors de ses hospitalisations. Contrairement à ce qu'il soutient, le déficit fonctionnel temporaire subi hors ces périodes d'hospitalisation ne saurait être total et doit être évalué à 50 %. Les troubles ainsi subis doivent être réparés par la somme de 10 000 euros, soit après perte de chance un montant de 9 000 euros à la charge du centre hospitalier. Toutefois, le total des indemnités allouées par les juridictions judiciaire et administrative ne saurait excéder 10 000 euros. Le tribunal de grande instance de Nice ayant alloué 6 165 euros à la victime à ce titre, M. D...est fondé à demander que la somme de 1 744 euros qui lui a été accordée par les premiers juges soit portée à 3 835 euros.

16. En deuxième lieu, M. D...a enduré des souffrances évaluées à 5 sur une échelle de 0 à 7, justifiant une réparation à hauteur de 12 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 90 %, l'indemnité susceptible d'être mise à la charge du centre hospitalier s'élève à 10 800 euros. Ce montant, cumulé avec l'indemnité de 11 500 euros allouée à l'intéressé par la juridiction judiciaire, excède le montant du préjudice qui est de 12 000 euros. M. D... n'est dès lors pas fondé à demander la majoration de la somme de 3 200 euros qui lui a été allouée par les premiers juges et que le centre hospitalier ne conteste pas.

17. En troisième lieu, M. D...demeure atteint d'un déficit fonctionnel permanent au taux de 9 %, qui doit être réparé par la somme de 10 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 90 %, l'indemnité incombant en principe à ce titre au centre hospitalier s'élève à 9 000 euros. Ce montant, cumulé avec l'indemnité de 7 425 euros allouée à l'intéressé par la juridiction judiciaire, excède l'évaluation du préjudice qui est de 10 000 euros. Il suit de là que M. D... ne peut demander la majoration de la somme de 5 000 euros que le tribunal administratif lui a accordée et dont le montant n'est pas contesté par le centre hospitalier.

18. Le patient subit en quatrième lieu un préjudice esthétique permanent, évalué à 2,5 sur 7, caractérisé par l'amputation de la base du 2ème métacarpien avec deux cicatrices longues de 9 cm et de 3 cm. Ce préjudice doit être réparé par la somme de 2 600 euros, soit 2 340 euros après perte de chance. Ce montant, cumulé avec l'indemnité de 2 250 euros allouée à l'intéressé par la juridiction judiciaire, excède le montant maximal de l'indemnisation qui est de 2 600 euros. M. D... n'est, par suite, pas fondé à demander que la somme de 1 040 euros allouée par les premiers juges et non contestée par le centre hospitalier de Bastia, soit portée à 1 750 euros.

19. M. D...subit en cinquième et dernier lieu un préjudice psychologique résultant d'un état dépressif en lien avec la faute, non réparé par le juge judiciaire. Le tribunal administratif a à bon droit évalué ce préjudice à 2 000 euros. La somme due à ce titre par l'établissement public de santé doit par suite être portée à 1 800 euros après application du taux de perte de chance.

Quant aux frais exposés utiles à la solution du litige :

20. M. D...a exposé les sommes de 1 500 et 230 euros au titre d'une assistance par des médecins aux expertises. Cette assistance ayant été utile à la solution du litige, M. D...a droit à être indemnisé des frais correspondants. Le tribunal de grande instance ayant alloué à la victime la somme de 865 euros, M. D... a droit également à cette même somme due par le centre hospitalier.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à verser à M. D... la somme de 37 908,34 euros et une rente annuelle de 1 693,51 euros. Il convient de ramener cette somme à 16 263,80 euros, sous déduction de la somme de 3 000 euros accordée à titre de provision par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 21 janvier 2011. La créance de l'organisme social étant fixée à 31 762,82 euros, le centre hospitalier n'est pas fondé à demander la réduction de la somme de 25 295,49 euros qu'il a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Bastia, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M.D..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bastia du 31 mars 2016 est annulé en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Bastia à payer à M. D...une rente annuelle de 1 693,51 euros.

Article 2 : La somme de 37 908,34 euros que le centre hospitalier de Bastia a été condamné à payer à M. D...est ramenée à 16 263,80 euros, sous déduction de la somme de 3 000 euros accordée à titre de provision.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 31 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. D...par la voie de l'appel incident et celles qu'il a présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., au centre hospitalier de Bastia et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

2

N° 16MA02227

kp


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award