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15/10/2018 | FRANCE | N°18MA00949

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 15 octobre 2018, 18MA00949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du préfet de l'Hérault du 17 octobre 2017 portant remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, et assignation à résidence.

Par un jugement n° 1704919 du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2018, M.C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :>
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 octobre 2017;

2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du préfet de l'Hérault du 17 octobre 2017 portant remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, et assignation à résidence.

Par un jugement n° 1704919 du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2018, M.C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 octobre 2017;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 17 octobre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de remise a méconnu les dispositions des articles L. 742-3 et L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que n'est pas indiqué dans la décision en litige qu'il sait lire le russe ;

- les articles 4 et 5 du règlement 604/2013 ont été aussi méconnus ;

- la décision de remise a été prise en violation des dispositions de l'article 17.2 du même règlement ;

- la décision d'assignation à résidence a méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'assignation ne peut être prise qu'en cas de risque de fuite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., né le 24 mars 1993, de nationalité arménienne, soutient être entré en France le 15 mars 2017 pour y solliciter l'asile. Le 21 août 2017, il se voit délivrer une attestation de demande d'asile " procédure Dublin - première demande d'asile ". Le préfet de l'Hérault prend à son encontre deux arrêtés du 17 octobre 2017 portant, d'une part, remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, et, d'autre part, assignation à résidence. Le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 20 octobre 2017, rejeté la demande de M. C...contre ces deux arrêtés. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure (...) de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision (...) de transfert (...). Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. ". Aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. (...) Cette décision est notifiée à l'intéressé. (...) Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

3. Il résulte des pièces du dossier que si la recherche sur le système VISABIO a fait apparaître que M. C...était un ressortissant arménien, l'intéressé a déclaré dans le recueil initial de la demande d'asile, être de nationalité russe et indiqué comprendre deux langues, le russe et l'arménien. Les brochures d'information lui ont été remises, contre signature, en langue russe qu'il a confirmé savoir lire. A aucun moment de la procédure devant l'administration M. C...a déclaré ne pas comprendre les documents reçus, ni ne pas pouvoir les lire. Par ailleurs, l'intégralité de ces documents lui ont été également traduits lors de l'entretien Dublin en langue arménienne, par le biais d'ISM interprétariat. Dans ces conditions, l'intéressé ne saurait soutenir que le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 742-3 et L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'aurait pas indiqué de manière expresse savoir lire la langue russe.

4. En deuxième lieu et d'une part, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 ". Aux termes de l'article 5 du règlement précité du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

5. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées.

6. Il ressort des pièces du dossier et de ce qui a été dit au point 3 que l'intéressé a déclaré comprendre les langues russe et arménienne. Pas plus en appel qu'en première instance il n'établit que les conditions de déroulement de cet entretien l'aurait privé des garanties offertes par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. La circonstance que l'entretien ait été réalisé par un agent de la préfecture des Bouches-du-Rhône, affecté au bureau de l'asile, et effectué en arménien par l'intermédiaire de MmeA..., interprète agrée auprès de l'association ISM Interprétariat, n'est pas constitutif d'un vice de procédure, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet entretien individuel n'a pas été mené par une personne qualifiée conformément aux dispositions de l'article 5 précité. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'enjoindre à l'administration de produire d'autres pièces, que le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a pu juger, à bon droit, sans inverser la charge de la preuve, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des article 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 manquait en fait.

7. En troisième lieu, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre. Cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Toutefois, si le paragraphe 2 de cet article 17 prévoit qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, " rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées notamment sur des motifs familiaux ou culturels ", la présence sur le territoire d'un Etat membre des membres de la famille du demandeur n'est pas un critère prioritaire pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

8. Au soutien du moyen tiré de ce que le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par les dispositions précitées du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, M. C...fait valoir que sa grand-mère, dont il est proche, réside en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en raison de son état de santé. Ce seul élément, et alors qu'il a vécu séparé de son aïeule pendant plusieurs années, ne saurait permettre à lui-seul, comme l'a retenu à bon droit le premier juge, de regarder le préfet de l'Hérault comme ayant commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. En quatrième et dernier lieu, le moyen de la requête de M. C...à l'encontre de la décision portant assignation à résidence tiré de la violation des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne comporte pas de développements nouveaux, doit être écarté pour les motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 14 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

11. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d' aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

12. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à l'avocat de M.C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.

2

N° 18MA00949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00949
Date de la décision : 15/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-15;18ma00949 ?
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