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12/10/2018 | FRANCE | N°17MA03360

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2018, 17MA03360


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a décidé son assignation à résidence pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1700896 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 201

7 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2017 du préfet de l'Aude ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a décidé son assignation à résidence pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1700896 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2017 du préfet de l'Aude ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer le dossier de demande d'asile en procédure normale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- faute d'avoir procédé à son transfert à destination de la République tchèque dans le délai de six mois prévu à l'article 29 § 2 du Règlement (UE) n° 604/2013, la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile à compter du 5 janvier 2017 ;

- l'arrêté querellé est dépourvu de base légale dès lors qu'à la date à laquelle il a été pris, le délai de six mois pour exécuter le transfert était dépassé ;

- les premiers juges ne pouvaient lui opposer le caractère définitif de l'arrêté de remise aux autorités tchèques du 28 juin 2016 pour écarter l'exception d'illégalité de cet arrêté sans en tirer toutes les conséquences, soit le fait que l'arrêté portant assignation à résidence ne pouvait légalement intervenir postérieurement au 5 janvier 2017, date à laquelle cette décision de remise est devenue caduque ;

- cet arrêté ne comporte aucune justification légale ou factuelle d'une éventuelle prorogation du délai de six mois ;

- ce délai ne pouvait en aucun cas être prorogé dès lors qu'il n'a ni été incarcéré ni ne peut être regardé comme étant en fuite au sens de l'article 29 § 2 du règlement (UE) n° 604/2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2017, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est pas fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité arménienne, est entré en France le 23 mai 2016 et a présenté une demande d'asile. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que ses empreintes ont été relevées le 16 juillet 2015 par les autorités tchèques. Les autorités de ce pays, saisies aux fins de sa reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont accepté par accord explicite du 7 juin 2016. Par jugement du 4 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande présentée par M. C... tendant à l'annulation des arrêtés du 28 juin 2016 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, a décidé sa remise aux autorités tchèques responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a placé en rétention administrative. M. C... relève appel du jugement du 24 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a décidé son assignation à résidence pour une durée de six mois en vue de l'exécution de l'arrêté du 28 juin 2016 décidant sa remise aux autorités tchèques.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. (...) " et selon l'article L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; (...) ".

3. Il résulte des dispositions citées ci-dessus, combinées avec celles du règlement du 2 septembre 2003 modifié qui en porte modalités d'application, que si l'Etat membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d'asile a informé l'Etat membre responsable de l'examen de la demande, avant l'expiration du délai de six mois dont il dispose pour procéder au transfert de ce demandeur, qu'il n'a pu y être procédé du fait de la fuite de l'intéressé, l'Etat membre requis reste responsable de l'instruction de la demande d'asile pendant un délai de dix-huit mois courant à compter de l'acceptation de la reprise en charge dont dispose l'Etat membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur pour procéder à son transfert.

4. La prolongation du délai de transfert a pour effet de maintenir en vigueur la décision de remise aux autorités de l'Etat responsable, dont le demandeur est informé en application des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non de faire naître une nouvelle décision de remise dont ce demandeur devrait être informé dans les formes prévue par ces dispositions pour la décision initiale.

5. Il appartient seulement aux autorités compétentes d'informer le demandeur, au moment de la notification de la décision de remise, des cas et conditions dans lesquels le délai de transfert peut être porté à douze ou dix-huit mois et, lorsque cette décision de remise sert de fondement, après prorogation, à une mesure de rétention ou d'assignation à résidence, de l'existence, de la date et des motifs de la prorogation. Ces informations peuvent, dans ce cas, figurer dans les motifs de la mesure de surveillance.

6. Au vu de son argumentation, M. C... doit être regardé comme soutenant n'avoir pas été informé de ce que le délai de six mois dans lequel les autorités françaises, en vertu de l'article 29 § 2 du règlement (UE) n° 604/2013, pouvait procéder à son transfert à destination de la République tchèque afin qu'y soit traitée sa demande d'asile, en exécution de la décision de remise aux autorités tchèques prise le 28 juin 2016 par le préfet de l'Hérault, aurait fait l'objet d'une prorogation au-delà de la date à laquelle ce délai devait expirer après qu'il ait été interrompu par le recours contentieux qu'il a formé contre cette décision de remise, soit le 5 janvier 2017. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté portant assignation à résidence ni d'aucune pièce versée au dossier que l'intéressé aurait été informé de l'existence, de la date et des motifs de cette prorogation. Eu égard à ce qui a été dit au point 5, M. C... est dès lors fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'illégalité et, par suite, à en demander l'annulation.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

9. Il y a lieu, eu égard aux motifs de l'annulation de l'arrêté en litige, d'enjoindre au préfet de l'Aude, si ce n'est déjà fait, de délivrer à M. C... un dossier de demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Sur les frais liés au litige :

10. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mai 2017 et l'arrêté du préfet de l'Aude du 24 février 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aude, si ce n'est déjà fait, de délivrer à M. C... le dossier de demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me B..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 octobre 2018.

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N° 17MA03360

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03360
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : LIEGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-12;17ma03360 ?
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