Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1608339 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 juin 2017 et le 18 mai 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision contestée est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation quant à son entrée en France et à la durée de sa vie commune avec sa compagne ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et de l'article L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi française est contraire sur ce point à l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision querellée est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;
- le préfet n'a pas examiné l'opportunité de prolonger le délai de départ volontaire et a ainsi méconnu les dispositions de l'article 7.2 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les observations de Me A... représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité guinéenne, relève appel du jugement du 12 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En produisant des bulletins de paie établis à son nom par la SARL ACV située à la Clusaz couvrant mensuellement la période de novembre 2010 à septembre 2015 ainsi qu'une attestation de domiciliation postale établie par l'association Cimade le 4 juin 2009 prenant effet le jour-même, M. B... établit résider continuellement en France depuis cette dernière date. Par suite, l'intéressé est fondé à soutenir que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour que lui a opposé le préfet des Bouches-du-Rhône, qui indique qu'il serait entré en France pour la dernière fois au cours de l'année 2013 dans des circonstances indéterminées est entaché d'erreur de fait. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui n'a fait mention de ces bulletins de paie ni dans ses écritures de première instance, ni dans celles devant la Cour, aurait pris la même décision s'il avait pris en considération la durée et les conditions de présence en France de M. B... depuis juin 2009. Il s'ensuit que cette décision refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre et celle fixant le pays de destination dès lors qu'elles deviennent privées de base légale.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
5. Il y a lieu, eu égard aux motifs de l'annulation des décisions contestées, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la demande présentée par M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2017 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 octobre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me A..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 octobre 2018.
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N° 17MA02443
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