La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2018 | FRANCE | N°17MA01887

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2018, 17MA01887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Pharmacie B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la

décision en date du 23 février 2015 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Languedoc-Roussillon a autorisé le transfert de la Pharmacie du Progrès.

Par un jugement n° 1501332 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2017, l'EURL PharmacieB..., représentée par Me

B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 10 mars 2017...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Pharmacie B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la

décision en date du 23 février 2015 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Languedoc-Roussillon a autorisé le transfert de la Pharmacie du Progrès.

Par un jugement n° 1501332 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2017, l'EURL PharmacieB..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 10 mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision précitée du 23 février 2015 du directeur général de l'ARS Languedoc-Roussillon ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'ARS Languedoc-Roussillon et de la SELARL Pharmacie du Progrès la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne répond pas à l'argument tiré du caractère incomplet du dossier au regard de la condition suspensive relative à la purge de tout recours à l'encontre de la décision portant autorisation de transfert ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'appréhension erronée par l'ARS de la notion de quartier et sa détermination au cas d'espèce ;

la décision en litige est entachée d'illégalité externe dès lors que le dossier accompagnant la demande de transfert n'était pas complet au jour de l'enregistrement de la demande en ce qu'il ne comprenait pas les éléments de nature à justifier de la qualité de locataire de la pharmacie du Progrès s'agissant du local sis 15 rue de la Casernette ;

- le directeur de l'ARS a commis des erreurs de droit et de fait dans l'appréhension de la notion de quartier au sens de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2017, la SEARL Pharmacie du Progrès conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que l'EURL Pharmacie B...lui verse une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requérante ne justifie pas de son intérêt à agir ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL Pharmacie du Progrès, dont les associées, Mme F... etC..., exploitent une officine de pharmacie au 46, rue de la République à Nîmes, a sollicité du directeur général de l'A RS du Languedoc-Roussillon une autorisation de transfert dans un nouveau local situé 15 rue de la Casernette au sein de la même commune. Par décision du 23 février 2015 le directeur général de l'ARS du Languedoc-Roussillon a autorisé le transfert sollicité. L'EURL PharmacieB..., exploitant une officine dans le même quartier relève appel du jugement du 10 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 février 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, dans ses écritures devant le tribunal, l'EURL Pharmacie B...faisait valoir que la SELARL Pharmacie du Progrès ne pouvait justifier de ses droits sur le local concerné en se prévalant de la promesse de bail versée au dossier dès lors que la condition suspensive relative à la purge de tout recours à l'encontre de la décision portant autorisation de transfert dont elle était assortie, n'était pas satisfaite. Les premiers juges ont écarté son argumentation en relevant qu' " un avenant à ce contrat de réservation, en date du 9 décembre 2014, stipulait que le local devait servir à l'exploitation d'une officine pharmaceutique et comprenait une clause suspensive en vertu de laquelle le bail deviendrait définitif dans le cas où Mmes F...et C...obtiendraient l'autorisation de transférer leur officine dans le local en question, une livraison au plus tard le 15 aout 2015 était précisée ; que cette promesse de bail et les autres pièces énoncées doivent dès lors être considérées comme suffisantes eu égard aux dispositions susvisées, alors au surplus que le directeur général de l'ARS n'avait pas à porter une appréciation sur la valeur juridique des pièces produites et la portée effective des engagements pris ; ". Ils ont ainsi suffisamment répondu au moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande de transfert au regard de la justification des droits du demandeur sur le local concerné. D'autre part, il ressort du point 8 du jugement attaqué que les premiers juges ont également répondu au moyen tiré de l'appréhension erronée par l'ARS de la notion de quartier. Par suite, l'EURL Pharmacie B...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique relatif à la demande d'autorisation de création ou de transfert d'une officine de pharmacie : " (...) La demande est accompagnée d'un dossier comportant : (...)/ 4° Les éléments de nature à justifier les droits du demandeur sur le local proposé (...) ; / La liste des pièces justificatives correspondantes est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. / Lorsque le dossier est complet, le directeur général de l'agence régionale de santé procède à l'enregistrement de la demande. Il délivre au demandeur un récépissé mentionnant la date et l'heure de cet enregistrement ". L'article 2 de l'arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie dispose que toute demande de transfert doit comporter : " (...) Toutes pièces établissant que le ou les pharmaciens ou la société seront, au moment de l'octroi de la licence, propriétaires ou locataires du local et justifiant que celui-ci est destiné à un usage commercial ; (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que les titres produits par Mmes C...et F...à l'appui de leur demande consistent en un contrat de réservation établi le 2 juillet 2014 entre elles et la société Urban relatif à la réservation d'un local de 170 m² ayant vocation à recevoir une pharmacie en rez-de-chaussée dans le cadre de la construction d'un ensemble immobilier sur un terrain sis 15-17 rue de la Casernette à Nîmes et un avenant à ce contrat de réservation établi le 9 décembre 2014, modifiant notamment les dates portées dans les conditions suspensives et la mention de la purge des recours liés à l'autorisation de l'ARS et faisant état d'une livraison au plus tard le 30 aout 2015. Mmes C...et F...ont également produit devant l'administration, à l'occasion de leur demande, un document en date du 29 septembre 2014 par lequel Maître H...D..., notaire à Nîmes, attestait que la SCI CFM, dont les associées sont MmesF..., C...etG..., devait donner à bail à la Pharmacie du Progrès les locaux qu'elle devait acheter à Nîmes, au 15-17 rue de la Casernette. Ces titres et documents justifiaient suffisamment des droits de Mmes F...et C...à occuper les lieux. La double circonstance que le document notarié du 29 septembre 2014 n'indiquait pas la date à laquelle le contrat de bail prendrait effet et que le recours en excès de pouvoir contre l'autorisation en litige aurait suspendu l'exécution de l'acte authentique de cession du bail soulève une contestation d'ordre privé et est ainsi sans influence sur la légalité de la décision du directeur général de l'ARS du Languedoc-Roussillon. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que cette autorité aurait pris sa décision au vu d'un dossier incomplet.

5. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine. / Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde ou d'urgence mentionné à l'article L. 5125-22 ". Il résulte de ces dispositions que le transfert d'une officine au sein de la même commune ne peut être autorisé que si la nouvelle implantation répond de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil, alors même que l'implantation précédente de cette officine aurait été située dans le même quartier.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'Iris 0204 dénommée " Montcalm République " situé dans le centre-ville historique de Nîmes, à proximité des Arènes, présente, en raison d'une part de son aspect architectural caractérisé par une présence dense d'habitations de ville et, d'autre part, de l'existence de frontières urbaines constituées par des axes de circulation importants tels que la rue du Cirque Romain, le boulevard Jean Jaurès et le boulevard du Sergent Triaire, une unité urbaine géographique et humaine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que cet Iris constituait un quartier au sens de l'article L. 5125-3 du code la santé publique au titre duquel devait être comptabilisée la population desservie.

7. Il ressort des pièces du dossier que le transfert de l'officine du Progrès du 46 rue de la République au 15 rue de la Casernette à Nîmes s'inscrit au sein du même quartier dans l'Iris 0204. L'officine du Progrès était implantée à 280 mètres environ de l'officine exploitée par Mme G... au 3 rue de Saint Gilles. Le nouveau lieu d'implantation, proche du précédent mais sur un axe de circulation différent, est situé à 297 mètres environ de cette officine. Eu égard à la faible distance séparant le nouvel emplacement exploité par la SELARL Pharmacie du Progrès à 300 mètres environ de l'ancienne officine et à la configuration des lieux permettant à la population située au Sud du quartier concerné de s'approvisionner en produits pharmaceutiques au sein de la nouvelle pharmacie du Progrès, ce transfert ne peut être regardé comme comportant un abandon de clientèle dans la partie Sud de ce quartier. Par ailleurs, le local en vue duquel le transfert est sollicité, qui s'intègre dans un projet global d'installation d'un pôle médical, est installé dans une zone urbaine de forte expansion démographique où plusieurs programmes de logements neufs étaient en cours d'achèvement à la date de la décision contestée, desservie par une voie de circulation à double sens comportant l'aménagement de places de parking, facilitant ainsi son accessibilité pour la population résidente du quartier et en particulier la population à mobilité réduite. Dans ces conditions, le transfert autorisé apportera une amélioration à la population de la partie Nord du quartier. Par suite, la décision en litige n'a non seulement pas pour effet de compromettre l'approvisionnement en médicaments de la population du centre-ville de Nîmes, mais encore doit être regardée comme répondant de façon optimale aux besoins en médicaments de la population du quartier. Dès lors les dispositions de l'article L. 5125-3 du code la santé publique n'ont pas été méconnues.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que l'EURL Pharmacie B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 février 2015 du directeur général de l'ARS Languedoc-Roussillon.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ARS Languedoc-Roussillon et de la SELARL Pharmacie du Progrès, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par l'EURL Pharmacie B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EURL Pharmacie B...la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par la SELARL Pharmacie du Progrès en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Pharmacie B...est rejetée.

Article 2 : L'EURL Pharmacie B...versera à la SELARL Pharmacie du Progrès la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL PharmacieB..., à la SELARL Pharmacie du Progrès et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Occitanie.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.

2

N° 17MA01887

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01887
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MANGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-12;17ma01887 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award