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12/10/2018 | FRANCE | N°16MA00671

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2018, 16MA00671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la formation des chefs d'entreprise (AFCE) a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 198 004,82 euros en réparation des préjudices résultant de la décision du 28 octobre 2005 par laquelle le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Languedoc-Roussillon a confirmé les décisions du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Hérault refusant d'

enregistrer soixante-dix-neuf contrats de professionnalisation.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la formation des chefs d'entreprise (AFCE) a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 198 004,82 euros en réparation des préjudices résultant de la décision du 28 octobre 2005 par laquelle le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Languedoc-Roussillon a confirmé les décisions du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Hérault refusant d'enregistrer soixante-dix-neuf contrats de professionnalisation.

Par un jugement n° 1306020 du 23 décembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2016, l'association pour la formation des chefs d'entreprise (AFCE), représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 décembre 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 198 004,82 euros ou à tout le moins la somme de 172 265,12 euros et en tout état de cause la somme de 134 951,70 euros ou à défaut la somme de 109 212 euros en réparation des préjudices résultant de la décision du 28 octobre 2005 par laquelle le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Languedoc-Roussillon a confirmé les décisions du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Hérault refusant d'enregistrer soixante-dix-neuf contrats de professionnalisation ;

3°) d'assortir la condamnation des intérêts de droit à compter du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 avril 2008 avec capitalisation des intérêts échus à compter de ce jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- la créance qu'elle détient sur l'Etat n'est pas prescrite ;

- l'autorité de chose jugée dont est revêtu le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 avril 2008 rendu à son bénéfice fait obstacle à ce que l'administration lui oppose la circonstance qu'elle n'aurait pas été en règle pour conclure les contrats de professionnalisation en litige ;

- elle justifie d'un préjudice certain constitué par le versement indu de la fraction des rétributions et charges afférents à ces contrats, soit 172 265,12 euros ou à tout le moins 109 212 euros, par le refus de participation de l'Etat aux frais de formation professionnelle à hauteur de 15 434,96 euros et par la charge de frais divers à hauteur de 10 304,74 euros ;

- le préjudice subi est directement imputable au comportement fautif de l'Etat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant l'association pour la formation des chefs d'entreprise (AFCE).

Une note en délibéré, présentée pour l'association pour la formation des chefs d'entreprise, a été enregistrée le 3 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. L'association ASSODIS, qui avait pour objet de développer les métiers de la distribution et de favoriser l'insertion et la qualification des jeunes pour le compte du groupement " Les Mousquetaires ", a sollicité l'enregistrement de soixante-dix-neuf contrats de professionnalisation conclus le 30 mai 2005. Par décisions en date des 25 juillet 2005 et 12 août 2005, le directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Hérault a refusé d'enregistrer lesdits contrats, refus confirmé par décision du 28 octobre 2005 du directeur régional du travail de l'emploi et de la formation professionnelle de Languedoc-Roussillon saisi par l'association d'un recours hiérarchique. Par jugement du 10 avril 2008, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette dernière décision et a enjoint à l'administration de procéder à l'enregistrement sollicité des soixante-dix-neuf contrats de professionnalisation sous réserve que les autres conditions légales et réglementaires soient remplies. L'association pour la formation des chefs d'entreprise (AFCE) venant aux droits de l'association ASSODIS relève appel du jugement du 23 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de réparation du préjudice matériel subi du fait de la conclusion selon le droit commun des contrats ayant fait l'objet des refus illégaux d'enregistrement en contrat de professionnalisation.

2. Aux termes de l'article L. 981-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes âgées de seize à vingt-cinq ans révolus peuvent compléter leur formation initiale dans le cadre d'un contrat de professionnalisation. Le contrat de professionnalisation est également ouvert aux demandeurs d'emploi âgés de vingt-six ans et plus. / Ces contrats de professionnalisation ont pour objet de permettre à leur bénéficiaire d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L. 900-3 et de favoriser leur insertion ou leur réinsertion professionnelle. ". Aux termes de l'article L. 981-3 du même code : " Un tuteur peut être désigné par l'employeur pour accueillir et guider dans l'entreprise les personnes mentionnées à l'article L. 981-1. L'employeur s'engage à assurer à celles-ci une formation leur permettant d'acquérir une qualification professionnelle et à leur fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat à durée déterminée ou de l'action de professionnalisation du contrat à durée indéterminée. Le titulaire du contrat s'engage à travailler pour le compte de son employeur et à suivre la formation prévue au contrat. / Dans le cadre du contrat ou de l'action de professionnalisation, les actions d'évaluation et d'accompagnement ainsi que les enseignements généraux, professionnels et technologiques sont mis en oeuvre par un organisme de formation ou, lorsqu'elle dispose d'un service de formation, par l'entreprise elle-même. Ils sont d'une durée minimale comprise entre 15 %, sans être inférieure à cent cinquante heures, et 25 % de la durée totale du contrat ou de la période de professionnalisation. Un accord de branche ou, à défaut, un accord conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires de l'accord constitutif d'un organisme collecteur paritaire des fonds de la formation professionnelle continue à compétence interprofessionnelle mentionné à l'article L. 981-2 peut porter au-delà de 25 % la durée des actions pour certaines catégories de bénéficiaires, notamment pour les jeunes n'ayant pas achevé un second cycle de l'enseignement secondaire et qui ne sont pas titulaires d'un diplôme de l'enseignement technologique ou professionnel ou pour ceux qui visent des formations diplômantes ". Aux termes de l'article R. 981-2 du même code : " (...) Le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle enregistre le contrat de professionnalisation s'il est conforme aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles qui le régissent. Il notifie sa décision à l'employeur et à l'organisme paritaire collecteur agréé. (...) / L'intéressé qui entend contester la décision de refus d'enregistrement doit, préalablement à tout recours contentieux, former un recours devant le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. (...) ".

3. Par jugement du 10 avril 2008, le tribunal administratif de Montpellier a jugé illégale la décision du 28 octobre 2005 du directeur régional du travail de l'emploi et de la formation professionnelle de Languedoc-Roussillon portant refus d'enregistrement des soixante-dix-neuf contrats conclus par l'association ASSODIS aux motifs, qui sont le soutien nécessaire de ce jugement, qu'il ne résultait pas des dispositions précitée qu'elles auraient entendu exclure la possibilité pour une association d'être signataire de contrats de professionnalisation, constituant par là même un employeur support dès lors que cette dernière s'engageait à assurer, d'une part, la formation des bénéficiaires directement ou par l'intermédiaire d'un organisme de formation et, d'autre part, à fournir un emploi pendant la durée du contrat au sein d'entreprises du secteur considéré et que cette autorité ne pouvait par conséquent légalement opposer le motif tiré de ce que cette association constituait l'employeur fictif des bénéficiaires des contrats de professionnalisation en litige, ni même indiquer que la convention collective applicable ne pouvait être celle du commerce détail ou de gros à prédominance alimentaire dès lors qu'il n'était pas contesté que l'exercice de l'activité professionnelle d'employé commercial en relation avec la qualification recherchée avait lieu au sein d'entreprises de ce secteur.

4. A défaut pour l'administration d'avoir relevé appel de ce jugement du 10 avril 2008, il est devenu irrévocable et est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée. L'illégalité de la décision du 28 octobre 2005 est constitutive d'une faute et cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'association requérante. Toutefois, dans le cas où l'autorité administrative aurait pu, sans méconnaître l'autorité absolue de la chose jugée s'attachant au jugement d'annulation de cette décision, légalement refuser de procéder à l'enregistrement des contrats en litige, l'illégalité ainsi commise ne présenterait pas de lien de causalité direct avec les préjudices résultant de ce refus d'enregistrement.

5. Alors même que L'AFCE affirme que les contrats en litige respectaient la réglementation et que l'administration est réputée avoir acquiescé aux faits à défaut d'avoir donné suite à la mise en demeure qui lui a été faite de produire dans la présente instance, il résulte de l'instruction que ces contrats comportaient, pour cinquante-deux d'entre eux, la mention d'une durée égale à 759 heures pour la dispensation d'actions d'évaluation et d'accompagnement ainsi que d'enseignements généraux, professionnels et technologiques, et pour les vingt-sept autres, la mention d'une durée égale à 253,50 heures. Ces durées étaient supérieures aux 227,50 heures correspondant, pour des contrats d'une durée de six mois tels que ceux de l'espèce, au maximum de 25 % de la durée totale du contrat prévu par les dispositions de l'article L. 981-3 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. Dans les écritures qu'il a produites devant le tribunal administratif de Montpellier, le préfet de l'Hérault faisait valoir que l'accord de branche du 9 juin 2004 ne permettait le dépassement des 25 % du temps de formation prévu par les dispositions de l'article L. 981-3 du code du travail que dans les cas où cette formation était diplômante ou relevait d'une qualification professionnelle conventionnelle. L'AFCE n'établit, ni même n'allègue, que les contrats litigieux entraient effectivement dans ce cadre. Dans ces conditions, dès lors que l'autorité administrative pouvait légalement rejeter les demandes d'enregistrement par ce seul motif, les préjudices invoqués par l'AFCE ne présentent pas un lien de causalité direct avec la décision fautive du 28 octobre 2005. Par suite, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée à raison de cette faute.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet en première instance, que l'association pour la formation des chefs d'entreprise (AFCE) n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association pour la formation des chefs d'entreprise (AFCE) est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la formation des chefs d'entreprise (AFCE) et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 octobre 2018.

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N° 16MA00671

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00671
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.

Travail et emploi - Formation professionnelle - Formations professionnelles en alternance.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELAS BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-12;16ma00671 ?
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