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11/10/2018 | FRANCE | N°17MA01276

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2018, 17MA01276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmesH..., E...et D...C..., agissant en leur nom personnel et en leur qualité d'ayants droit de B...C..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille à titre principal, la condamnation solidaire de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille

(AP-HM) et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et à titre subsidiaire, celle de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à verser la somme de 53 00

0 euros aux ayants droit de M. C..., celle de 138 792 euros à Mme H...C...et ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmesH..., E...et D...C..., agissant en leur nom personnel et en leur qualité d'ayants droit de B...C..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille à titre principal, la condamnation solidaire de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille

(AP-HM) et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et à titre subsidiaire, celle de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à verser la somme de 53 000 euros aux ayants droit de M. C..., celle de 138 792 euros à Mme H...C...et celle de 30 000 euros chacune à Mmes E...et D...C.... La caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône a en outre demandé la condamnation de l'AP-HM à lui verser la somme de 171 450 euros au titre de ses débours.

Par un jugement n° 1406491 du 23 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement l'AP-HM et la SHAM à verser la somme de 24 300 euros aux ayants droit de B...C..., celle de 138 038 euros à Mme H...C...et celle de 6 500 euros chacune à Mmes E...et D...C.... Il a en outre condamné l'AP-HM à verser la somme de 137 159 euros à la CPCAM des Bouches-du-Rhône.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 23 mars et 27 avril 2017 et le 28 juin 2018, l'AP-HM et la SHAM, représentées par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2017 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par les consorts C...et la CPCAM des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- aucune maladresse fautive n'a été commise lors de la réalisation de la ponction pleurale le 25 novembre 2010 ;

- cette maladresse n'a en tout état de cause été à l'origine que d'une perte de chance d'éviter le décès ;

- aucun autre manquement n'est de nature à engager leur responsabilité ;

- les indemnités allouées sont excessives ;

- les conclusions reconventionnelles des consorts C...sont irrecevables en ce qu'elles excèdent les montants initialement demandés.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 3 juillet 2017 et 15 juin 2018, Mmes H..., E...et D...C..., représentées par Me A..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'AP-HM et la SHAM ;

2°) à titre principal, par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement du 23 janvier 2017 du tribunal administratif de Marseille ;

- de porter à 61 000 euros l'indemnité que l'AP-HM et la SHAM ont été solidairement condamnées à verser aux ayants droit de B...C..., à 153 038 euros celle versée à Mme H...C..., et à 30 000 euros celles versées à Mmes E...et D...C... ;

3°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de ces mêmes sommes ;

4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par l'AP-HM et la SHAM ne sont pas fondés ;

- M. C...a souffert d'un préjudice d'impréparation qu'il convient d'indemniser à hauteur de 8 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 avril et 26 juin 2018, l'ONIAM, représenté par la SELARL de la Grange Fitoussi avocats, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter les conclusions dirigées contre lui ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des indemnités accordées aux consortsC... ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HM et de la SHAM la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés à son encontre ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- les observations de Me A..., représentant les consortsC..., et de MeG..., substituant le cabinet de la Grange représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. L'AP-HM et la SHAM relèvent appel du jugement du 23 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille les a solidairement condamnées à verser la somme de 24 300 euros aux ayants droit de B...C..., celle de 138 038 euros à Mme H...C...et celle de 6 500 euros chacune à Mmes E...et D...C...en réparation des préjudices ayant résulté du décès de B...C...le 7 décembre 2010. Les consorts C...demandent, par la voie de l'appel incident, une meilleure réparation des préjudices subis. Le tribunal administratif a en outre mis l'ONIAM hors de cause par le jugement attaqué.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le moyen de la requête introductive d'instance tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut dès lors qu'être écarté.

Sur la responsabilité de l'AP-HM :

3. Il résulte du premier alinéa du I de l'article 1142-1 du code de la santé publique que les établissements de santé sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute.

4. Hospitalisé à l'hôpital de La Timone suite aux complications d'une pancréaectomie réalisée le 14 octobre 2010, B...C...a été victime lors de son second séjour au service de réanimation d'un hémothorax par plaie de l'artère intercostale, provoqué par la réalisation d'une ponction pleurale le 25 octobre 2010 pour évacuer un épanchement réactionnel à une collection abdominale. Il ressort du rapport de l'expert nommé par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation qu'une ponction pleurale est un geste techniquement simple pour lequel une telle complication est habituellement prévenue en évitant de réaliser la ponction au bord inférieur de la côte, où passe précisément l'artère. Ce geste n'a pas été réalisé conformément aux règles de l'art et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HM.

5. Il ressort en outre du rapport d'expertise que l'hémothorax secondaire à la ponction pleurale mal réalisée a aggravé l'état respiratoire du patient, ce qui a nécessité la mise sous ventilation assistée et entraîné une surinfection broncho-pulmonaire par des levures, détectées le dixième jour, et par un bacille pyocyanique, détecté les vingtième et trentième jours. Selon le rapport d'expertise, de telles infections sont quasiment inévitables en cas de séjour prolongé du patient en réanimation. Cette infection à caractère nosocomial est en lien direct avec la maladresse chirurgicale commise lors de la ponction pleurale. Elle constitue une conséquence de la faute commise par l'établissement public de santé et est dès lors également de nature à engager sa responsabilité.

6. L'hémothorax provoqué par le geste chirurgical fautif et l'infection nosocomiale qui s'en est ensuivie ont entraîné le 15 novembre un syndrome de détresse respiratoire aiguë qui a finalement conduit au décès du patient par hypoxémie réfractaire le 7 décembre 2010. Les pièces du dossier ne révèlent pas que B...C...aurait été exposé en leur absence à un risque significatif de décès à court terme. Le geste chirurgical fautif et l'infection qui s'ensuivit ne se sont en conséquence pas limités à compromettre les chances du patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, mais ont été la cause directe du décès. L'AP-HM est par suite entièrement responsable des conséquences qui en ont résulté sans que celles-ci ne soient limitées à l'ampleur d'une chance perdue.

7. Il résulte de ce qui précède que l'AP-HM et la SHAM ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille les a condamnées à indemniser les consorts C...de l'intégralité des préjudices ayant résulté du décès de B...C....

Sur l'évaluation des préjudices :

8. Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime consacrés à son entretien compte tenu de ses propres revenus. Il résulte de l'instruction que le revenu du couple formé par M. B...et

Mme H...C..., dont les deux enfants étaient majeurs et ne vivaient plus au foyer familial, s'est élevé à la somme de 46 323 euros en 2010. Eu égard à cette composition du foyer, la part de consommation personnelle de B...C...doit être estimée à 30%, au lieu du taux de 25% retenu par le tribunal administratif. Le solde du revenu annuel disponible pour

Mme H...C...avant le décès de son époux s'élevait par suite à 32 426,10 euros. Il résulte de l'instruction que les revenus de Mme C...ont été constitués après le décès de B...C...d'une pension de retraite d'un montant annuel s'élevant à 17 767,32 euros et d'une pension de réversion d'un montant annuel s'élevant à 8 757,68 euros. Ces revenus doivent être déduits du solde calculé ci-dessus pour fixer la perte patrimoniale annuelle du conjoint survivant, laquelle s'élève donc à 5 901,10 euros. Pour capitaliser les pertes annuelles de l'intéressée, il y a lieu d'utiliser la table de capitalisation des rentes viagères issue du barème 2018 de la Gazette du Palais en fonction de l'âge du défunt, non au jour du jugement attaqué ainsi que l'a fait le tribunal administratif, mais au jour du décès, soit soixante-treize ans. Il convient donc de retenir un coefficient de capitalisation de 11,977. L'indemnité allouée au titre du préjudice économique subi par Mme H...C..., fixée à 113 038 euros par les premiers juges, doit en conséquence être réduite à 70 677,48 euros.

9. Le tribunal administratif a accordé aux ayants droit de M. C...la somme de 800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et celle de 23 500 euros au titre des souffrances endurées par B...C..., y compris les souffrances psychiques résultant de la conscience d'une mort certaine, celle de 25 000 euros à Mme H...C...et celle de 6 500 euros à Mmes D...et E...C...au titre de leur préjudice d'accompagnement et de leur préjudice d'affection par des motifs appropriés qu'il convient d'adopter en appel.

10. Enfin, la demande des consorts C...au titre du préjudice d'impréparation éprouvé par B...C..., nouvelle en appel, n'est pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à 95 677,48 euros le montant de l'indemnité due par l'AP-HM et la SHAM à Mme H...C..., de réformer le jugement attaqué en ce sens et de rejeter le surplus des conclusions présentées par les parties.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par les consorts C...au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens.

13. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par l'ONIAM.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 138 038 euros que l'AP-HM et de la SHAM ont été solidairement condamnées à verser à Mme H...C...par le jugement du 23 janvier 2017 est ramenée à 95 677,48 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles, à MmesH..., E...et D...C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 octobre 2018.

2

N° 17MA01276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01276
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-11;17ma01276 ?
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