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11/10/2018 | FRANCE | N°16MA03133

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2018, 16MA03133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...et Mme D...C...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune d'Agde à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la perte des matériaux issus du démontage de leur ancienne terrasse sur pilotis.

Par un jugement n° 1405901 du 17 juin 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés

le 1er août 2016 et le 25 juillet 2018, M et Mme E..., représentés par la SCP Caudrelier Est...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...et Mme D...C...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune d'Agde à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la perte des matériaux issus du démontage de leur ancienne terrasse sur pilotis.

Par un jugement n° 1405901 du 17 juin 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2016 et le 25 juillet 2018, M et Mme E..., représentés par la SCP Caudrelier Estève, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 juin 2016 ;

2°) de condamner la commune d'Agde à leur verser la somme de 14 676,20 euros au titre de leur préjudice matériel, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2014, et celle de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils étaient régulièrement autorisés à occuper le domaine public ;

- dans l'hypothèse où l'occupation du domaine public aurait été irrégulière, la commune a commis une faute en les induisant en erreur sur l'existence d'une autorisation ;

- la commune devait en qualité de maître d'ouvrage de l'opération de travaux publics assurer la garde des éléments démontés ;

- elle devait en outre les informer qu'elle n'assurerait plus cette garde à compter d'une date déterminée ;

- elle n'a pas tenu son engagement de leur restituer ces éléments ;

- ils n'ont commis aucune faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

- les préjudices dont ils demandent l'indemnisation sont établis.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 30 novembre 2016 et le 8 août 2018, la commune d'Agde, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. et MmeE... ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme E...la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Une note en délibéré a été enregistrée le 24 septembre 2018 pour la commune d'Agde.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E...sont propriétaires d'un local commercial situé 22, quai Commandant Méric à Agde, devant lequel a été installé en 2001 sur les berges de l'Hérault un ponton sur pilotis aménagé en espace de restauration. Il ressort des courriers du 4 octobre 2000 et du 25 avril 2001 adressés à M. E...que l'installation sur le domaine public de ce premier aménagement avait été autorisée par la commune. La commune a ensuite mis fin à cette autorisation, ainsi qu'il ressort des courriers du 9 novembre 2009 et de janvier 2010, en vue de faire réaliser par l'entreprise Buesa au mois de mars 2010, dans le cadre d'une opération de réaménagement des terrasses du Grau d'Agde, des travaux comprenant notamment, avec l'accord de M. et MmeE..., le démontage du ponton initial pour le remplacer par un nouveau ponton. Par le jugement attaqué du 17 juin 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la perte du matériel issu du démontage de leur ancienne terrasse sur pilotis.

2. L'occupant du domaine public doit, sauf convention contraire, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l'intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d'aménagement conforme à la destination de ce domaine.

3. Lorsqu'une collectivité, sans recourir à ses pouvoirs de police domaniale, procède d'elle-même au démontage de telles installations, le cas échéant aux frais de l'occupant, il lui appartient néanmoins de mettre à même les propriétaires concernés de récupérer leurs biens mobiliers, dont les matériaux issus du démontage des installations. Si la commune d'Agde a, au cas présent, annoncé à M. et Mme E...le début des travaux par un courrier du 8 mars 2010 et indiqué que " l'entreprise tiendra à votre disposition l'ensemble des éléments (bois, IPE ...) démontés. ", ces informations étaient trop imprécises pour permettre à leurs destinataires de récupérer les matériaux en question. La commune ne s'est pas non plus assurée que les intéressés étaient mis à même de le faire dans des conditions adéquates après l'exécution des opérations de démontage. Elle a ce faisant commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

4. M. et Mme E...sont en conséquence fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

5. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance par la commune d'Agde, tirée de l'irrecevabilité de la demande de M. et Mme E...du fait de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 1003383 du 15 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a écarté la responsabilité sans faute de la commune en sa qualité de maître d'ouvrage d'une opération de travaux publics. Ce jugement ne faisait pas obstacle à l'introduction par M et Mme E...d'une nouvelle demande fondée sur la responsabilité pour faute de la commune dans les conditions mentionnées au point 3, dès lors que ce fondement de responsabilité, qui n'est pas d'ordre public, repose sur une cause juridique distincte de celui précédemment examiné par le tribunal administratif. La fin de non-recevoir opposée par la commune doit en conséquence être écartée.

6. M. et MmeE..., informés du déroulement de l'opération de travaux et de ses conséquences, n'apportent aucun élément de nature à établir qu'ils auraient effectivement entrepris des démarches en vue de récupérer leurs matériaux avant le courrier de leur assureur du 20 février 2013. Compte tenu des mesures entreprises avant l'exécution des travaux en vue d'assurer la conservation de leurs droits, il ne résulte pas de l'instruction que leur âge avancé aurait fait obstacle à de telles démarches. M. et Mme E...ont en conséquence commis une faute de nature à exonérer la commune de la moitié de sa responsabilité.

7. Il résulte d'un devis établi le 27 juillet 2016 que le coût du remplacement à neuf des matériaux perdus s'élève à 10 162,32 euros. Compte tenu de l'utilisation qui en a été faite et de leur vétusté, il y a lieu d'évaluer à 6 000 euros le préjudice matériel subi par M. et Mme E...du fait de la perte des matériaux usagés.

8. Ainsi qu'il a été vu au point 6, M. et Mme E...se sont désintéressés jusqu'en 2012 du sort des matériaux à l'issue du démontage de l'ancien ponton. Le préjudice moral dont ils demandent l'indemnisation n'est en conséquence pas établi.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la commune d'Agde, compte tenu de l'exonération de responsabilité résultant de la faute des victimes, à verser la somme de 3 000 euros à M. et MmeE.... Cette somme portera intérêts à compter du 22 décembre 2014, date d'enregistrement de leur demande par le greffe du tribunal administratif de Montpellier.

10. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Agde la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. et MmeE.... Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeE..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Agde demande au titre des mêmes frais.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 17 juin 2016 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La commune d'Agde est condamnée à verser la somme de 3 000 euros à M et Mme E..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2014.

Article 3 : La commune d'Agde versera à M. et Mme E...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E..., à Mme D...C...épouse E...et à la commune d'Agde.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 octobre 2018.

2

N° 16MA03133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03133
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique. Promesses.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CABINET CAUDRELIER CANIEZ ESTEVE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-11;16ma03133 ?
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