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09/10/2018 | FRANCE | N°16MA04598

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2018, 16MA04598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2014 par lequel le maire de Leucate, agissant au nom de l'Etat, l'a mis en demeure de cesser les travaux d'extension de bâtiments existants et de réalisation d'une annexe non autorisés et de murs de clôture sur un terrain situé au lieu-dit "la bergerie du Pelat" sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1405111 du 7 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande

et a condamné M. B... à payer une amende pour recours abusif de 1 500 euros.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2014 par lequel le maire de Leucate, agissant au nom de l'Etat, l'a mis en demeure de cesser les travaux d'extension de bâtiments existants et de réalisation d'une annexe non autorisés et de murs de clôture sur un terrain situé au lieu-dit "la bergerie du Pelat" sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1405111 du 7 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et a condamné M. B... à payer une amende pour recours abusif de 1 500 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2016 et par un mémoire complémentaire, enregistré le 13 janvier 2017, M. B..., représenté par la Selarl d'avocats Atys, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2014 du maire de la commune de Leucate ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges devaient statuer sur plusieurs moyens qu'il invoquait et qui n'étaient pas inopérants en l'absence de compétence liée du maire ;

- les travaux en cours mentionnés dans le procès-verbal d'infraction étaient achevés depuis plus de trois années à la date de la décision en litige et ne pouvaient donc pas faire l'objet d'un arrêté interruptif de travaux ;

- le maire n'était pas en situation de compétence liée pour dresser le procès-verbal d'infraction et pour prendre l'arrêté en litige, dès lors que les travaux de construction en cause étaient prescrits pénalement ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme ;

- le plan de zonage n'est pas assez précis pour établir que la parcelle en cause est située en zone N inconstructible ;

- son recours, accompagné de commencement de preuves, ne pouvait faire l'objet d'une amende sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2017, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire notamment de parcelles non bâties CL 219, 220, 225, 220 et 369 situées au lieu dit "la bergerie du Pelat" à Leucate, dans un secteur classé en zone naturelle du plan local d'urbanisme et dans la zone naturelle de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager du territoire de la commune de Leucate. Les travaux entrepris, sans autorisation d'urbanisme, par M. B... de ravalement de la façade et modifiant l'aspect extérieur du bâtiment existant ont fait l'objet d'un premier constat d'infraction par la police municipale le 5 novembre 2013. Ayant constaté la continuation d'autres travaux, un second constat d'infraction a été établi le 7 août 2014. Par l'arrêté en litige du 8 septembre 2014, le maire de Leucate, agissant au nom de l'Etat, a mis en demeure M. B... de cesser tous travaux de réalisation d'auvents recouverts de tuiles en extension des constructions à usage d'habitation existantes irrégulièrement édifiés, d'une pièce close couverte surmontée d'une dalle en béton "qui semble destinée à devenir un futur plancher (R+1)" en limite séparative nord-est de la propriété de M. B..., en la construction d'un mur de clôture et en la mise en place de panneaux solaires sur le toit de la maison existante. Le requérant a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Montpellier. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande et l'ont condamné au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes du procès-verbal d'infraction dressé le 1er août 2014 qui fait foi jusqu'à la preuve du contraire et des photos qui y sont annexées, qu'à cette date, la construction d'une pièce close couverte, d'une superficie supérieure à 65 m², implantée en limite séparative nord-est de la propriété sur la parcelle CL 219 et surmontée d'une dalle de béton était en cours de réalisation et qu'il a été au demeurant constaté sur place la présence de matériels et de matériaux de chantier tels une bétonnière et des tuiles. Le requérant n'établit pas, en se bornant à produire une photographie d'une bâche bleue recouverte de terre sans indication de sa localisation, que la construction située en limite séparative nord-est de la parcelle n'était pas en cours de réalisation à la date de l'arrêté en litige. Ainsi, les travaux en cause n'étaient pas achevés lorsque le maire de Leucate en a ordonné l'interruption.

3. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. / (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. (...) ". Aux termes du dixième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " (...) Dans le cas de constructions sans permis de construire (...) le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de prescrire l'interruption des travaux lorsqu'il a été constaté que la construction en cours était dépourvue de permis de construire. Toutefois, quand l'action publique ne peut plus être engagée en raison de l'expiration du délai de prescription, l'autorité administrative n'est plus tenue de dresser un procès-verbal et de le transmettre au ministère public, dès lors que la prescription de l'action publique ôte aux faits poursuivis tout caractère délictueux.

4. D'autre part, aux termes de l'article 8 du code de procédure pénale dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article précédent ". La prescription de l'action publique en matière de délit de travaux de construction sans permis court à compter de la date du complet achèvement de ces travaux, c'est-à-dire à compter du jour où les installations sont en état d'être affectées à l'usage auquel elles sont destinées.

5. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas sérieusement contesté par le requérant, que les travaux qui ont fait l'objet de l'arrêté interruptif de travaux en litige ont été effectués sans les autorisations d'urbanisme exigées par le code de l'urbanisme et qu'ils sont ainsi susceptibles d'entrer dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme. Mais M. B... se prévaut de la prescription de l'action publique prévue par l'article 8 du code de procédure pénale, en faisant valoir que les travaux litigieux, achevés depuis plus de trois ans, étaient prescrits et qu'ils ne pouvaient ainsi pas faire l'objet d'un procès-verbal d'infraction et conséquemment de l'arrêté interruptif de travaux contesté. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2, la construction d'une pièce close couverte, implantée en limite séparative nord-est de la propriété sur la parcelle CL 219, et surmontée d'une dalle de béton était en cours de réalisation lors de l'établissement du procès-verbal d'infraction le 1er août 2014. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'action publique serait prescrite en application de l'article 8 du code de procédure pénale. Dès lors, le maire était tenu de prescrire l'interruption des travaux lorsqu'il a été constaté que la construction en cours était dépourvue de permis de construire.

6. En troisième lieu, et dès lors que le maire, agissant au nom de l'Etat, avait compétence liée pour prendre l'arrêté interruptif de travaux en litige en application des dispositions précitées du dixième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, les moyens tirés de ce que cet arrêté serait insuffisamment motivé, de l'absence de la procédure contradictoire préalable et de l'imprécision du document graphique du plan local d'urbanisme sont inopérants et ont été écartés à bon droit par les premiers juges, qui n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en s'abstenant de les examiner.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur l'amende pour recours abusif :

8. En application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, le juge peut infliger une amende à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive. En l'espèce, la demande présentée devant le tribunal administratif par M. B... présentait un caractère abusif. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné le requérant à payer une amende de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur le fondement de cet article.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de la cohésion des territoires.

Copie pour information en sera adressée au maire de la commune de Leucate.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme Simon, président-assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.

5

N° 16MA04598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04598
Date de la décision : 09/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux. Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ATYS SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-09;16ma04598 ?
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