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02/10/2018 | FRANCE | N°17MA02968

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2018, 17MA02968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille :

1°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2015 du maire de la commune de La Ciotat prononçant à son encontre la sanction de la révocation ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune de La Ciotat de le réintégrer dans les effectifs de la commune, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Ciotat la somme

de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille :

1°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2015 du maire de la commune de La Ciotat prononçant à son encontre la sanction de la révocation ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune de La Ciotat de le réintégrer dans les effectifs de la commune, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Ciotat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1510199 du 3 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 mai 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2015 du maire de la commune de La Ciotat prononçant à son encontre la sanction de la révocation ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de La Ciotat de le réintégrer dans les effectifs de la commune, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Ciotat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline ; cette instance était irrégulièrement composée en l'absence de preuve de la présence d'un fonctionnaire de son grade ou d'un grade équivalent ;

- l'arrêté du 15 octobre 2015 n'est pas suffisamment motivé, faute de préciser la nature des faits ayant donné lieu à des condamnations pénales ainsi que la date de ces condamnations ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation, les faits pour lesquels il a été condamné n'étant absolument pas incompatibles avec les fonctions exercées, en l'absence de publicité susceptible de porter atteinte à l'image de la commune et sa manière de servir ayant toujours été satisfaisante.

Par un mémoire, enregistré le 2 août 2018, la commune de La Ciotat, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tahiri,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de La Ciotat.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., adjoint technique de deuxième classe employé depuis 1998 par la commune de La Ciotat sur un emploi de chauffeur coursier, a fait l'objet de condamnations pénales inscrites au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Par arrêté du 15 octobre 2015, le maire de cette commune a prononcé sa révocation au motif que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire étaient incompatibles avec l'exercice de ses fonctions. Par jugement du 3 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En indiquant dans le jugement attaqué qu'en application des dispositions de

l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984, s'agissant de sa seconde réunion, le conseil de discipline pouvait valablement délibérer, lors de la séance du 7 octobre 2015, quel que soit le nombre des présents et alors même qu'aucun représentant du personnel n'était présent, le tribunal a examiné le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline. Par suite, contrairement à ce que soutient M. C..., le jugement est suffisamment motivé sur ce point et n'est pas entaché d'omission de statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 15 octobre 2015 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le conseil de discipline ne comprend en aucun cas des fonctionnaires d'un grade inférieur à celui du fonctionnaire déféré devant lui. Il comprend au moins un fonctionnaire du grade de ce dernier ou d'un grade équivalent. Les grades et emplois de la même catégorie classés par décret dans un même groupe hiérarchique sont équivalents au sens de la présente loi./ La parité numérique entre représentants des collectivités territoriales et représentants du personnel doit être assurée au sein de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, au besoin par tirage au sort des représentants des collectivités territoriales au sein de la commission lorsqu'un ou plusieurs fonctionnaires de grade inférieur à celui du fonctionnaire poursuivi ne peut ou ne peuvent siéger. (...) / Le conseil de discipline délibère valablement lorsque le quorum, fixé, pour chacune des représentations du personnel et des collectivités, à la moitié plus une voix de leurs membres respectifs, est atteint. En cas d'absence d'un ou plusieurs membres dans la représentation des élus ou dans celle du personnel, le nombre des membres de la représentation la plus nombreuse appelés à participer à la délibération et au vote est réduit en début de réunion afin que le nombre des représentants des élus et celui des représentants des personnels soient égaux. / Si le quorum n'est pas atteint lors de la première réunion, le conseil de discipline, après une nouvelle convocation, délibère valablement quel que soit le nombre des présents. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour émettre un avis sur la proposition de sanction du maire de la commune de La Ciotat, le conseil de discipline a d'abord été convoqué le 11 septembre 2015. Cependant, il n'a pu ce jour-là atteindre le quorum nécessaire pour délibérer valablement. Dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984, le conseil de discipline a été appelé à se réunir à nouveau le 7 octobre 2015, sans condition de quorum. L'appelant ne peut donc utilement se prévaloir, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, de ce qu'un fonctionnaire de son grade ou d'un grade équivalent, dont il ne soutient pas qu'il n'aurait pas été régulièrement convoqué, était absent lors de la réunion du 7 octobre 2015.

5. En second lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe. Pour satisfaire à cette exigence, ladite autorité doit indiquer, soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à l'intéressé, outre les dispositions en application desquelles la sanction est prise, les considérations de fait sur lesquels elle se fonde.

6. L'arrêté en litige, notifié le 16 octobre 2015, mentionne qu'il est reproché à M. C... d'avoir fait l'objet de condamnations à 5 reprises, portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire et qu'au regard de leur gravité et de leur caractère répété, les faits litigieux étaient incompatibles avec l'exercice de ses fonctions de chauffeur au parc auto de la collectivité. L'arrêté vise ensuite l'avis motivé émis par le conseil de discipline le 7 octobre 2015 dont il ressort des pièces du dossier qu'il a également été notifié à l'intéressé le 16 octobre 2015 et qui comporte, outre la mention de la date des 5 condamnations prononcées à son encontre, celle de la nature des faits pour lesquels il a été condamné. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelant, il était suffisamment motivé en fait.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 15 octobre 2015 :

7. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) / Troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ;/ Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ;/ la révocation ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été condamné par le tribunal correctionnel de Marseille le 26 janvier 2007 à une peine d'un an d'emprisonnement dont 6 mois avec sursis pour tentative d'escroquerie commise courant 2000, le 10 juillet 2008 à 4 mois d'emprisonnement pour vol avec destruction ou dégradation commis le 6 juin 2007, le 25 mars 2009 à une amende de 1 500 euros pour recel de bien provenant d'un vol et recel de bien obtenu à l'aide d'une escroquerie commis le 14 juillet 2004, le 5 décembre 2012 à une peine de 4 ans d'emprisonnement pour trafic de stupéfiants commis courant août 2011 et le 6 janvier 2014 à une peine de 5 mois d'emprisonnement pour violence, menace et rébellion envers une personne dépositaire de l'autorité publique commises le 12 juillet 2012.

En estimant que les faits reprochés à l'intéressé, même commis en dehors du service, qui constituent des manquements aux obligations statutaires et déontologiques, en particulier d'intégrité, de dignité et de probité s'imposant à l'ensemble des fonctionnaires et agents publics, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et ont été de nature à jeter le discrédit sur le cadre d'emploi auquel appartenait le requérant, le maire de La Ciotat ne les a pas inexactement qualifiés. Eu égard à la gravité de ces faits, de nature à porter atteinte à la réputation de l'administration, à la circonstance que l'intéressé a précédemment été sanctionné en 2004 pour des menaces et des agressions verbales à l'encontre de son supérieur hiérarchique, l'autorité disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, pris une sanction disproportionnée en estimant les faits en raison desquels M. C... a encouru les condamnations portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, incompatibles avec l'exercice de ses fonctions et en prononçant à l'encontre de l'intéressé la sanction de la révocation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par ce dernier ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de La Ciotat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et à la commune de La Ciotat.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 octobre 2018.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02968
Date de la décision : 02/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-02;17ma02968 ?
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