La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2018 | FRANCE | N°17MA01898

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2018, 17MA01898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille :

1°) d'annuler la décision du 18 avril 2011 par laquelle le maire de la commune d'Aix-en-Provence l'a affectée à la direction des musées et du patrimoine culturel à compter du 20 avril 2011, ensemble la décision rectificative du 30 mai 2011 ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune d'Aix-en-Provence de la réaffecter dans ses précédentes fonctions au service des assemblées et des commissions, dans le délai d'un mois à compter

du jugement sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

3°) de condamner la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille :

1°) d'annuler la décision du 18 avril 2011 par laquelle le maire de la commune d'Aix-en-Provence l'a affectée à la direction des musées et du patrimoine culturel à compter du 20 avril 2011, ensemble la décision rectificative du 30 mai 2011 ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune d'Aix-en-Provence de la réaffecter dans ses précédentes fonctions au service des assemblées et des commissions, dans le délai d'un mois à compter du jugement sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

3°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 29 680 euros en réparation des préjudices financier et moral ainsi que des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'affectation litigieuse et d'agissements fautifs de la commune ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1408925 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2017, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 18 avril 2011 par laquelle le maire de la commune d'Aix-en-Provence l'a affectée à la direction des musées et du patrimoine culturel à compter du 20 avril 2011, ensemble la décision rectificative du 30 mai 2011 et la décision du 24 octobre 2014 ;

3°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 32 640 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre les décisions du 18 avril 2011 et du 30 mai 2011 ne sont pas tardives puisqu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de fixer lui-même un délai de

forclusion ; le délai de forclusion issu de l'arrêt du 13 juillet 2016 " Czabaj " ne doit courir qu'à compter de la lecture de cette décision, par transposition de l'article 2222 du code civil ;

- les décisions en litige lui font grief dès lors qu'elles la privent de la participation aux conseils municipaux, laquelle lui permettait de générer mécaniquement le paiement d'heures supplémentaires ; ce changement d'affectation constitue une sanction déguisée dès lors qu'il n'est pas motivé par une diminution de la charge de travail et n'est pas lié à des difficultés

relationnelles avec son supérieur hiérarchique ;

- elle a été affectée rétroactivement sur un emploi de catégorie B alors que le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux, auquel elle appartient, relève de la

catégorie C ; cet emploi nécessite des compétences en informatique alors qu'il lui était reproché ses carences dans ce domaine ;

- son changement d'affectation présente un caractère fautif et elle est en droit d'obtenir le paiement de la somme de 8 640 euros, correspondant aux 120 euros mensuels qu'elle

percevait au titre des heures supplémentaires liées à sa participation aux conseils municipaux ; elle est également en droit de réclamer le paiement de la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un mémoire, enregistré le 30 juillet 2018, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par la SCP Ciccolini et A...de la Morandiere, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions aux fins d'annulation sont tardives ;

- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tahiri,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

- et les observations de Me A...de la Morandiere, représentant la commune

d'Aix-en-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., adjointe territoriale de première classe au sein de la commune d'Aix-en-Provence, anciennement affectée sur un emploi de secrétaire à la direction des

assemblées et des commissions, relève appel du jugement du 1er mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 avril 2011 par laquelle le maire de la commune d'Aix-en-Provence l'a affectée à la

direction des musées et du patrimoine culturel à compter du 20 avril 2011 en tant que

documentaliste, ensemble la décision rectificative du 30 mai 2011 l'affectant à la même direction en tant qu'assistante de gestion à compter du 20 avril 2011 et, d'autre part, sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 29 680 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des décisions du 20 avril 2011 et du 30 mai 2011.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que

lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, le délai de deux mois n'est pas opposable.

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance. La circonstance que la demande ait été présentée par la société devant le tribunal avant que le Conseil d'Etat ne fixe cette règle relative au délai raisonnable dans sa décision CE Assemblée 13 juillet 2016 Czabaj n° 387763, n'était donc pas de nature à faire obstacle à l'application de cette règle par les premiers juges, laquelle n'établit pas de nouveau délai de forclusion en méconnaissance de l'article 2222 du code civil.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la notification à Mme D... des décisions du 20 avril 2011 et du 30 mai 2011 comportait une information sur les voies et les délais de recours. Il suit de là que le délai de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne lui était pas opposable. Cependant, Mme D... a eu connaissance de la décision du 20 avril 2011 au plus tard le 19 avril 2011, ainsi qu'elle le reconnaissait dans ses écritures de première instance, et de la décision du 30 mai 2011 au plus tard le 8 février 2012, lorsqu'elle a signé son compte rendu d'entretien professionnel qui mentionnait l'intitulé du poste qu'elle occupait. Ce n'est que le 12 décembre 2014 qu'elle a formé un recours contentieux contre ces décisions. Elle ne se prévaut d'aucune circonstance particulière qui l'aurait empêché d'exercer ce recours dans un délai raisonnable. Il suit de là que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables en raison de leur tardiveté les conclusions aux fins d'annulation de sa demande de première instance.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

6. Mme D... fait valoir que la commune d'Aix-en-Provence a commis une faute, d'une part, en modifiant son affectation sans que cela ne soit justifié par l'intérêt du service et, d'autre part, en l'affectant d'abord dans un emploi sans lien avec ses compétences puis dans un emploi relevant de la catégorie B.

7. Aux termes de l'article 3 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux aux termes desquels : " Les adjoints administratifs territoriaux sont chargés de tâches administratives d'exécution, qui supposent la connaissance et comportent l'application de règles administratives et comptables. / Ils peuvent être chargés d'effectuer divers travaux de bureautique et être affectés à l'utilisation des matériels de télécommunication. / Ils peuvent être chargés d'effectuer des enquêtes administratives et d'établir des rapports nécessaires à l'instruction de dossiers ".

8. Il résulte de l'instruction que la suppression du poste de secrétaire dactylographe à la direction des assemblées et des commissions, auquel Mme D... était affectée depuis 2004, et son affectation consécutive sur un nouveau poste à la direction des musées et du patrimoine culturel à compter du 20 avril 2011 ont été motivées par une réorganisation des tâches, au travers d'une dématérialisation des actes et d'une informatisation des procédures, et par la présence d'un agent, recruté en 2009 en tant que secrétaire de direction polyvalent qui a contribué à la mise en place des nouveaux outils informatiques. Il ressort ainsi du courrier du 19 mai 2010 adressé par le directeur des assemblées et des commissions à Mme D..., dont le contenu est non sérieusement contredit par l'appelante, que le poste de cette dernière consistait essentiellement en la dactylographie des ordres du jour des conseils et des comptes-rendus qui étaient désormais issus directement du logiciel Demradel ainsi qu'en la dactylographie des comptes-rendus trimestriels et du sommaire du recueil des actes administratifs et du registre des arrêtés désormais issus d'une base de données. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle réorganisation aurait été conduite pour des motifs étrangers à l'intérêt du service et que la suppression d'emploi qu'elle implique ne serait pas justifiée, aucun élément du dossier ne révélant une situation d'animosité de la hiérarchie à l'égard de Mme D....conformes à celles que le statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux lui donne vocation à exercer Si cette dernière fait également valoir qu'elle a été affectée dans un poste de secrétaire documentaliste, relevant d'un emploi de catégorie B, il ressort des pièces du dossier que les nouvelles fonctions exercées par Mme D..., depuis le 20 avril 2011, redéfinies à la suite de son entretien de prise de fonctions, consistent en des fonctions d'assistante de gestion administrative en remplacement rétroactivement de celles de documentaliste qui lui avait été initialement attribuées. Ces fonctions, dont il ressort de sa fiche d'évaluation en 2011 qu'elles consistent notamment en la gestion de la documentation relative aux fontaines de la ville ainsi qu'en la réalisation d'inventaires des objets d'art appartenant à la ville, demeurent....conformes à celles que le statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux lui donne vocation à exercer Il ne résulte pas de l'instruction qu'il en résulterait un déclassement de l'intéressée permettant de regarder cette nouvelle affectation comme une sanction déguisée qui aurait été prise sans que soit respectée la procédure. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en décidant son changement d'affectation au sein de la direction des musées et du patrimoine.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation et d'indemnité de la requête de Mme D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonctions présentées par cette dernière ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Aix-en-Provence tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...et à la commune d'Aix-en-Provence.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 octobre 2018.

2

N° 17MA01898

5

N° 17MA01898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01898
Date de la décision : 02/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance - Décisions susceptibles de recours.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP INTER-BARREAUX IAFA (ALLAM - FILLIOL - ABBOU)

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-02;17ma01898 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award