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01/10/2018 | FRANCE | N°16MA03806

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2018, 16MA03806


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 octobre 2016, 7 février 2017, 8 mars 2018 et 30 août 2018, les sociétés à responsabilité limitée VAK 65 Perpignan Vauban et Jusaveti, représentées par MeD..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2016 par lequel le maire de Claira a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Carmila France pour l'extension d'un bâtiment commercial route du Barcarès ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Claira une s

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 octobre 2016, 7 février 2017, 8 mars 2018 et 30 août 2018, les sociétés à responsabilité limitée VAK 65 Perpignan Vauban et Jusaveti, représentées par MeD..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2016 par lequel le maire de Claira a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Carmila France pour l'extension d'un bâtiment commercial route du Barcarès ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Claira une somme de 2 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- exploitant des commerces de vêtements dans la zone de chalandise, elles ont intérêt à agir contre le permis de construire en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;

- elles ont saisi la commission nationale d'aménagement commercial préalablement à l'introduction de leur recours contentieux conformément à l'article L. 752-17 du code de commerce ;

- leur recours administratif n'est pas tardif dès lors que la publication de l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial ne respectait pas les exigences de l'article R. 752-19 du code de commerce et ne mentionnait pas les voies et délais de recours en violation de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;

- le permis de construire est illégal en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

- le permis a été édicté par une autorité incompétente ;

- la commission départementale d'aménagement commercial était irrégulièrement composée lors de la séance du 16 février 2016 ;

- l'avis de la commission départementale est insuffisamment motivé ;

- le dossier de demande qui procède par simples affirmations n'a pas permis à la commission d'émettre un avis en connaissance de cause sur le projet ;

- le projet autorisé est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale Plaine du Roussillon notamment quant à l'obligation de réalisation de parkings silos et à la localisation des zones de stockage ;

- le projet aggrave par un flux supplémentaire de véhicules les dangers causés par l'engorgement de la RD 900 ;

- l'autorisation d'une nouvelle activité d'enseigne commerciale au sein de la zone " Espace Roussillon " nuit à l'animation de la vie urbaine et contribue à la désertification du centre-ville de Perpignan.

Par des mémoires enregistrés les 3 novembre 2016, 6 février 2017 et 30 mai 2018, la société Carmila France, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de chacune des sociétés requérantes une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable à défaut d'avoir été précédée d'un recours administratif obligatoire recevable contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial et d'une décision de la commission nationale sur ce recours ;

- cette irrecevabilité n'est pas susceptible de régularisation.

Par des mémoires enregistrés les 3 et 25 janvier 2017 et le 23 février 2018, la commune de Claira, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des sociétés VAK 65 Perpignan Vauban et Jusaveti une somme de 2 000 euros chacune à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, le recours administratif présenté par les sociétés devant la Commission nationale d'aménagement commercial le 3 octobre 2016 étant tardif et non préalable à leur recours contentieux ;

- l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial du 16 février 2016 a fait l'objet d'une publication régulière et mentionnait en outre les voies et délais de recours ;

- les moyens invoqués contre l'avis de la commission départementale, auquel devait se substituer une décision de la commission nationale, sont inopérants à l'appui du recours formé contre le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

- ces moyens sont en tout état de cause infondés ;

- la requête présente un caractère abusif qui doit être sanctionné en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant les sociétés VAK 65 Perpignan Vauban et Jusaveti, et celles de MeC..., représentant la société Carmila France.

Une note en délibéré, présentée pour la société VAK 65 Perpignan Vauban et la société Jusaveti, a été enregistrée le 19 septembre 2018.

1. Par arrêté du 2 août 2016, le maire de la commune de Claira a délivré à la société Carmila France un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension d'un bâtiment commercial existant dans le centre commercial Salanca, route du Barcarès. Les sociétés VAK 65 Perpignan Vauban et Jusaveti demandent à la Cour statuant en premier et dernier ressort d'annuler ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. ". Le I de l'article L. 752-17 du code de commerce prévoit : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. (...). ".

3. Lorsque des professionnels mentionnés au I de l'article L. 752-17 du code de commerce n'ont saisi la Commission nationale d'aménagement commercial d'aucun recours préalable obligatoire dans le délai de recours d'un mois ouvert par ce même article contre l'avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial, ils ne sont pas recevables à former un recours contentieux contre le permis de construire délivré conformément à cet avis en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

4. Aux termes de l'article R. 752-19 du code de commerce : " Dans les dix jours suivant la réunion de la commission ou la date de l'autorisation tacite, la décision ou l'avis de la commission est : / 1° Notifié par le préfet au demandeur et, si le projet nécessite un permis de construire, à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, (...). / 2° Publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. / (...) / En cas de décision ou avis favorable, le préfet fait publier, dans les dix jours suivant la réunion de la commission ou la date de l'autorisation tacite, aux frais du demandeur, un extrait de cette décision ou de cet avis dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. ". Aux termes de l'article R. 752-30 du même code : " Le délai de recours contre une décision ou un avis de la commission départementale est d'un mois. Il court : (...) 3° Pour toute autre personne mentionnée à l'article L. 752-17, à compter de la plus tardive des mesures de publicité prévues aux troisième et cinquième alinéas de l'article R. 752-19. ".

5. L'avis de la commission départementale d'aménagement commercial des Pyrénées-Orientales du 16 février 2016 favorable au projet de la société Carmila France a fait l'objet d'une publication le 1er mars 2016 au recueil des actes administratifs de la préfecture, et le 3 mars 2016 dans les journaux Le Midi Libre et L'Indépendant. La circonstance que ces publications soient intervenues plus de dix jours après la réunion de la commission ne saurait faire obstacle, eu égard à l'objet des dispositions de l'article R. 752-19 du code de commerce, au déclenchement du délai de recours d'un mois à la date de la plus tardive de celles-ci. Aucune disposition ni aucun principe n'imposent par ailleurs que soient mentionnées dans la publication de l'extrait de l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial, dont le contenu permettait une information suffisante des tiers en l'espèce, les dispositions du code de l'urbanisme et du code de commerce relatives à l'exercice des recours administratifs et contentieux. Enfin, les sociétés requérantes ne peuvent en toute hypothèse, s'agissant du déclenchement du délai de recours des tiers, invoquer utilement la méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative relatives à la mention des voies et délais de recours pour soutenir que le délai d'un mois qui leur était imparti à compter du 3 mars 2016 pour former un recours administratif préalable n'a pas couru.

6. Il résulte de ce qui précède que le recours formé par les sociétés VAK 65 Perpignan Vauban et Jusaveti le 3 octobre 2016 devant la Commission nationale d'aménagement commercial, soit sept mois après l'expiration du délai de recours, était irrecevable, comme celle-ci l'a au demeurant relevé par décision du 22 décembre 2016. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, les sociétés ne peuvent dès lors être regardées comme ayant fait précéder leur recours contentieux du recours administratif préalable obligatoire exigé par l'article L. 752-17 I du code de commerce. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du permis de construire du 2 août 2016 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions tendant au prononcé d'une amende pour recours abusif :

7. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la commune de Claira tendant à ce que les sociétés requérantes soient condamnées à une telle amende ne sont en tout état de cause pas recevables.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Claira, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société VAK 65 Perpignan Vauban et la société Jusaveti demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Claira et par la société Carmila France sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par les sociétés VAK 65 Perpignan Vauban et Jusaveti est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Claira tendant à l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et les conclusions présentées par cette commune et par la société Carmila France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société VAK 65 Perpignan Vauban, à la société Jusaveti, à la commune de Claira et à la société Carmila France.

Copie en sera adressée à la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.

2

N° 16MA03806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03806
Date de la décision : 01/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - PROCÉDURE - COMMISSION NATIONALE D`AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - AUTORISATION D'EXPLOITATION COMMERCIALE - SAISINE DE LA COMMISSION NATIONALE D'AMÉNAGEMENT COMMERCIAL CONTRE UN AVIS DE LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE D'AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - PRÉALABLE OBLIGATOIRE À LA SAISINE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - TARDIVETÉ DE LA SAISINE DE LA COMMISSION NATIONALE - CONSÉQUENCE - IRRECEVABILITÉ DU RECOURS CONTENTIEUX INTRODUIT DEVANT LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE.

14-02-01-05-02-02 En application de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, la saisine de la commission nationale d'aménagement commercial est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. En application des articles L. 752-17 et L. R. 752-30 du code de commerce, le délai de recours devant la commission nationale contre l'avis de la commission départementale est d'un mois et court pour toute personne, autre que le demandeur, le préfet et les membres de la commission départementale, mentionnée à l'article L. 752-17, à compter de la plus tardive des mesures de publicité prévues aux troisième et cinquième alinéas de l'article R. 752-19 du code de commerce. La tardiveté de la saisine de la commission nationale entache d'irrecevabilité le recours contentieux formé devant la juridiction administrative pour contester le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. [RJ1].

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - AUTORISATIONS D`UTILISATION DES SOLS DIVERSES - AUTORISATION D`EXPLOITATION COMMERCIALE (VOIR : COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE) - AUTORISATION D'EXPLOITATION COMMERCIALE - SAISINE DE LA COMMISSION NATIONALE D'AMÉNAGEMENT COMMERCIAL CONTRE UN AVIS DE LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE D'AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - PRÉALABLE OBLIGATOIRE À LA SAISINE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - TARDIVETÉ DE LA SAISINE DE LA COMMISSION NATIONALE - CONSÉQUENCE - IRRECEVABILITÉ DU RECOURS CONTENTIEUX INTRODUIT DEVANT LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE.

68-04-043 En application de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, la saisine de la commission nationale d'aménagement commercial est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. En application des articles L. 752-17 et L. R. 752-30 du code de commerce, le délai de recours devant la commission nationale contre l'avis de la commission départementale est d'un mois et court pour toute personne, autre que le demandeur, le préfet et les membres de la commission départementale, mentionnée à l'article L. 752-17, à compter de la plus tardive des mesures de publicité prévues aux troisième et cinquième alinéas de l'article R. 752-19 du code de commerce. La tardiveté de la saisine de la commission nationale entache d'irrecevabilité le recours contentieux formé devant la juridiction administrative pour contester le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. [RJ1].


Références :

[RJ1]

Rappr : CAA Bordeaux, ordonnance n°17BX00864, 16 octobre 2017.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BECQUE - DAHAN - PONS-SERRADEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-01;16ma03806 ?
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