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28/09/2018 | FRANCE | N°17MA02304

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2018, 17MA02304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 août 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1605449 du 28 décembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 août 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1605449 du 28 décembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2017, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 décembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 22 août 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, selon les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente en l'absence de délégation de signature régulière ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les observations de Me E..., substituant Me C..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1.Mme A..., née le 29 octobre 1990 à Baldushk, de nationalité albanaise, relève appel du jugement du 28 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 22 août 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle serait renvoyée à l'expiration de ce délai.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. La décision en litige a été signée par M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, en vertu d'une délégation qui lui a été consentie à cet effet par un arrêté du préfet n° 2016-I-249 du 30 mars 2016, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture. Cette délégation, qui lui donne compétence pour signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...) à l'exception, d'une part des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre, d'autre part de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ", n'est pas générale, et ainsi n'est pas entachée d'illégalité. La circonstance que le décret du 29 décembre 1962 était abrogé à la date de la délégation est dépourvue d'influence dès lors que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique qui le remplace comporte des dispositions identiques sur la réquisition des comptables publics.

3. Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".

4. En se bornant à produire, comme en première instance, un article de presse sur la pratique de la " Kanun " en Albanie, une promesse d'embauche et une attestation médicale rédigée par un médecin psychiatre concernant l'état de santé de sa soeur, Mme A... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels permettant son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement des dispositions susmentionnées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, le 26 mars 2015, le préfet de l'Hérault a pris à l'encontre de Mme A... un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Cette décision, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été exécutée, a été confirmée le 15 octobre 2015 par le tribunal de Montpellier. Bien que bénévole active au sein de diverses associations humanitaires, Mme A... ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France. Par ailleurs elle n'établit pas, par les certificats médicaux qu'elle produit, qu'elle serait la seule à pouvoir assister sa soeur, au demeurant en situation irrégulière à la date de la décision en litige, qui souffre de troubles psychologiques, dans les gestes de la vie quotidienne ni que la survie de celle-ci dépendrait de sa présence à ses côtés. Dans ces conditions, et alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et deux membres de sa fratrie, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige, au regard des buts poursuivis par l'administration, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Cette décision ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Le présent arrêt rejette les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'annulation de la décision portant refus d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, du défaut de fondement légal de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

8. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

10. Mme A... indique qu'elle a quitté l'Albanie au motif qu'elle serait exposée à un risque de traitement inhumain et dégradant du fait qu'elle a refusé de se soumettre à un mariage forcé en application de la loi dite du " kanun ". Toutefois, la requérante n'établit aucunement dans la présente instance la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour dans ce pays dont, au demeurant, ni l'Office français de protection des réfugiés, ni la Cour nationale du droit d'asile n'ont reconnu l'existence. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2018.

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N° 17MA02304

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02304
Date de la décision : 28/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-28;17ma02304 ?
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