La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2018 | FRANCE | N°17MA02184

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2018, 17MA02184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2017 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1700280 du 9 mai 2017, le tribunal

administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2017 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1700280 du 9 mai 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 26 mai 2017 et le 15 janvier 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Gard du 17 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade lui permettant de travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il justifie du bénéfice d'un titre de séjour de plein droit ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 août 2017 et le 18 janvier 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 9 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2017 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

S'agissant de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables en l'espèce : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". Enfin, l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi et peut, dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine et au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays.

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Par un avis émis le 13 juillet 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et a précisé qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine, l'Algérie. Faisant état du certificat médical émanant d'un médecin psychiatre fourni par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Gard, qui n'est pas lié par l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, affirme au contraire que l'intéressé peut bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à la pathologie psychiatrique dont il déclare souffrir. Le préfet mentionne à cet égard l'offre de soins pour troubles mentaux et du comportement existant dans ce pays et produit la liste nationale des médicaments remboursables en Algérie fixée par arrêté du 21 novembre 2006 du ministre du travail et de la sécurité sociale algérien dont il ressort que les médicaments prescrits à M. A..., soit le deroxat, le stilnox, le tranxene et bon nombre de neuroleptiques tel que la risperidone sont commercialisés en Algérie. Le préfet fait également valoir que l'Algérie bénéficie depuis l'ordonnance n° 73-65 du 28 décembre 1973 d'un système de médecine gratuite et a généralisé le principe du tiers payant du médicament.

5. Si M. A... soutient que certains protocoles de soins ne sont assurés que dans quelques villes d'Algérie, notamment en ce qui concerne les troubles schizotypiques, il n'établit pas par les documents qu'il produit relever de cette pathologie en particulier, ni que sa situation en Algérie le tiendrait systématiquement éloigné des villes où peuvent être mis en oeuvre de tels protocoles. Le certificat médical établi le 23 février 2017 par un médecin psychiatre qui le suit depuis 2015 ne fait mention que d'un " traitement psychotique à forte posologie " réévalué en fonction de son état psychologique. Le certificat établi le 16 février 2017, soit postérieurement à la décision querellée, par un médecin qui se présente comme psychiatre hospitalier honoraire qui aurait reçu l'intéressé dans le cadre de l'antenne premier accueil social médicalisé de l'association protestante d'assistance affiliée à la Croix-Rouge, s'il indique que M. A... présente des " troubles de la personnalité sévères " avec un état anxiodépressif, ne fait qu'affirmer, sans autre précision, que le suivi psychotérapique assuré par un psychologue à fréquence hebdomadaire ne pourrait lui être offert en Algérie.

6. Enfin, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté par M. A..., que le système de sécurité sociale algérien prévoit la possibilité d'une prise en charge des soins dispensés aux personnes dépourvues de ressources ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision querellée méconnaitrait les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... n'établit pas par les pièces qu'il produit dans l'instance, constituées essentiellement de quelques documents médicaux épars et de trois attestations de personnes affirmant le côtoyer depuis une longue période, sa présence continue et habituelle en France depuis le 25 mars 2001, date à laquelle il y est entré pour la première fois sous couvert d'un visa de court séjour. L'intéressé ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France. Alors qu'il a déjà fait l'objet d'une décision préfectorale d'éloignement, M. A... n'y a pas déféré. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident son épouse et ses trois enfants et où il a vécu lui-même au moins jusqu'à l'âge de 42 ans, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée, au regard des buts poursuivis par l'administration, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Le présent arrêt rejette les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, du défaut de fondement légal de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

10. M. A... n'établit pas satisfaire aux conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement prendre à son encontre une mesure d'éloignement.

11. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 8 ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée, au regard des buts poursuivis par l'administration, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 septembre 2018.

2

N° 17MA02184

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02184
Date de la décision : 28/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DEIXONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-28;17ma02184 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award