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25/09/2018 | FRANCE | N°18MA00828

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 18MA00828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés des 5 février, 6 février et 6 mars 2015 par lesquels le recteur de l'académie de Montpellier a pris à son encontre la sanction disciplinaire du déplacement d'office et l'a affecté sur la zone de remplacement de Montpellier rattachée au lycée professionnel Pierre-Mendès-France, et la décision du 8 février 2016 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a maintenu la sanction précitée, en dépit de la recommand

ation de la commission de recours du conseil supérieur de l'Etat d'y substituer ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés des 5 février, 6 février et 6 mars 2015 par lesquels le recteur de l'académie de Montpellier a pris à son encontre la sanction disciplinaire du déplacement d'office et l'a affecté sur la zone de remplacement de Montpellier rattachée au lycée professionnel Pierre-Mendès-France, et la décision du 8 février 2016 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a maintenu la sanction précitée, en dépit de la recommandation de la commission de recours du conseil supérieur de l'Etat d'y substituer la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions de 15 jours avec sursis.

Par un jugement n° 1600741 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2018, M. A..., représenté par la société civile professionnelle d'avocats Cauvin-Leygue, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler les décisions des 5 et 6 février 2015, 6 mars 2015 et 8 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Montpellier de le rétablir dans ses droits et carrière ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 5 février 2015 a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors, d'une part, que le conseil de discipline était irrégulièrement composé, d'autre part que les débats n'ont pas été fidèlement retranscrits dans le procès-verbal, enfin que lui et son conseil ainsi que les représentants du personnel ont dû sortir de la salle avant le début du délibéré ;

- entre les faits et le prononcé de la sanction s'est écoulée une durée de procédure qui " déqualifie " les faits reprochés ;

- le dossier disciplinaire contenait des documents anciens voire faux ;

- la sanction est disproportionnée, alors que la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a préconisé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions de 15 jours avec sursis ;

- il n'a commis aucun manquement si l'on tient compte de la situation de harcèlement dont il a été victime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que tous les moyens du requérant, qui reprend les écritures présentées devant le tribunal administratif de Montpellier, sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 modifié relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

1. Considérant que, par arrêtés des 5 février, 6 février et 6 mars 2015, le recteur de l'académie de Montpellier a pris à l'encontre de M.A..., professeur titulaire de lycée professionnel exerçant au lycée professionnel Charlemagne à Nîmes, la sanction disciplinaire du déplacement d'office et l'a affecté sur la zone de remplacement de Montpellier rattachée au lycée professionnel Pierre-Mendès-France à Montpellier ; que, par décision du 8 février 2016, le ministre de l'éducation nationale a maintenu la sanction précitée en dépit de la recommandation de la commission de recours du conseil supérieur de l'Etat d'y substituer la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions de 15 jours avec sursis ; que M. A...relève appel du jugement rendu le 29 décembre 2017 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant, en premier lieu, que comme l'ont déjà relevé les premiers juges, l'arrêté du 5 février 2015, portant sanction disciplinaire du déplacement d'office, est signé de la rectrice de l'académie de Montpellier, et non du directeur des ressources humaines, adjoint au secrétaire général qui s'est borné à signer la lettre de notification accompagnant l'arrêté précité ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 5 février 2015 aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu et, d'une part, qu'il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire académique (CAPA) des professeurs de lycée professionnel siégeant en formation disciplinaire dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à l'encontre de M.A..., que la rectrice de l'académie, présidente de droit de cette formation, étant empêchée, a désigné pour la présider M.B..., directeur des ressources humaines, adjoint au secrétaire général ; qu'alors que, comme il vient d'être dit, M. B... n'est pas le signataire de l'arrêté portant sanction disciplinaire mais seulement celui de la lettre notifiant cet arrêté, la circonstance qu'il a présidé la formation disciplinaire est sans incidence sur la régularité de la composition de cette formation ;

4. Considérant, d'autre part, que, selon M.A..., le délibéré de la CAPA siégeant en formation disciplinaire se serait déroulé en deux temps, car les représentants du personnel auraient dû sortir de la salle de réunion avant d'y retourner après que M. B...et les représentants de l'administration auraient " pré-délibéré " ; que ces allégations ne sont corroborées ni par le procès-verbal de la réunion, dont l'approbation effectuée le 25 novembre 2015 précise que la sortie de la salle de représentants du personnel s'est effectuée sur suspension de séance demandée par eux et avant le huis clos du délibéré, ni par d'autres documents ou attestations que M. A...aurait pu verser au dossier ; que, dès lors, il n'est pas établi que le délibéré se serait déroulé de manière irrégulière ;

5. Considérant, enfin, que M. A...prétend que le dossier disciplinaire présenté en CAPA siégeant en formation disciplinaire contenait des documents anciens voire faux ; que cependant, il ressort des pièces du dossier qu'il a pris connaissance de ce dossier le 12 novembre 2014 , dans un délai qui lui permettait de présenter sa défense lors de la réunion de la CAPA le 26 janvier 2015 ; que M. A...ne verse d'ailleurs pas au dossier les éléments dont il allègue qu'ils auraient été de nature à troubler les débats de la CAPA ; que le compte-rendu de la réunion de la formation disciplinaire indique que M. A...et ses trois défenseurs ont pu débattre durant cinq heures et vingt minutes avec les membres de la CAPA et ne permet pas de qualifier de partiales les interventions du président de ladite formation ; que la longueur des débats, comme leur procès-verbal qui compte 22 pages, attestent que M. A..., avec ses défenseurs, a pu assurer sa défense ; qu'il ne ressort d'aucune disposition légale ou réglementaire que le fonctionnaire poursuivi devant le conseil de discipline doive être informé préalablement des témoins cités par la partie adverse ou les agréer ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le déroulement des débats devant la formation disciplinaire et les éléments produits par l'administration auraient faussé la procédure et entraîné une méconnaissance des droits de la défense ;

6. Considérant qu'il résulte des trois points précédents que les moyens tirés de ce que l'arrêté du 5 février 2015 serait intervenu au terme d'une procédure viciée par une composition irrégulière du conseil de discipline, par un déroulement irrégulier du délibéré de cette formation et par des débats faussés par la production d'éléments non pertinents, la partialité du président ou l'audition de témoins de l'administration, doivent être écartés ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les faits au vu desquels la rectrice de l'académie de Montpellier a décidé la sanction en litige se sont déroulés à partir de mars 2014 ; que, dès lors, le moyen tiré d'une durée excessive de la procédure disciplinaire entre la connaissance des faits et le prononcé de la sanction le 5 février 2015 doit en tout état de cause être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 11 du décret du 25 octobre 1984 dispose : " La sanction prononcée par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire est immédiatement exécutoire nonobstant la saisine de la commission de recours. " ; que, dès lors, et contrairement à ce que soutient M.A..., c'est à bon droit que la sanction décidée par le recteur lui a été appliquée avant que la commission de recours n'ait émis sa recommandation ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que les griefs reprochés à l'appelant par l'arrêté du 5 février 2015 consistent, d'une part, à avoir adopté un comportement durablement inadapté dans l'exercice de ses fonctions de professeur de lycée professionnel au lycée professionnel Frédéric Mistral de Nîmes et manifestant un refus du principe hiérarchique, d'avoir fait preuve d'une attitude irrespectueuse à l'égard de sa hiérarchie et de personnels de son établissement, d'être l'auteur de nombreux courriels présentant un caractère inacceptable et irrespectueux et de ne pas prendre en compte les préconisations académiques et nationales dans le domaine pédagogique ; que la matérialité des faits reprochés est établie par les pièces versées au dossier, notamment par les nombreux courriels versés au dossier, diffusés par l'intéressé généralement à de nombreux destinataires membres de la communauté scolaire, et écrits dans des termes ironiques, provocateurs, voire agressifs ; que ces faits constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes.//Premier groupe :- l'avertissement ;- le blâme.// Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ;- l'abaissement d'échelon ;- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office.// Troisième groupe :- la rétrogradation ;- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans.// Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ;- la révocation. //(...)// L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. " ;

11. Considérant, d'une part, que si, dans son avis du 25 novembre 2015, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a préconisé que soit substituée au déplacement d'office retenu par le recteur la sanction, immédiatement inférieure dans l'échelle précitée, d'une exclusion temporaire de fonctions de quinze jours assortie du sursis, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à établir que la sanction retenue par l'autorité disciplinaire ne serait pas proportionnée à la gravité des fautes reprochées ;

12. Considérant, d'autre part, que M. A...doit être regardé comme faisant valoir que le caractère de gravité des fautes qui lui sont reprochées ne peut être apprécié sans prendre en compte aussi les circonstances dans lesquelles il a dû travailler ; qu'ainsi, il aurait subi un harcèlement moral de la part du proviseur à l'origine de la sanction en litige, dès lors que M. A... aurait signalé un chantier sur lequel des élèves auraient travaillé de façon irrégulière et sans réaction du proviseur ; que, cependant, alors qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement, M. A...ne verse au dossier aucun élément susceptible de corroborer ses affirmations et de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

13. Considérant que, dans ces conditions, et alors que, moins de deux ans avant la sanction en litige, M. A...s'est déjà vu infliger un blâme par décision du 3 septembre 2013, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité disciplinaire aurait pris, en l'espèce, une sanction disproportionnée en décidant d'infliger à l'intéressé, par l'arrêté rectoral du 5 février 2015 confirmé par le ministre le 8 février 2016, la plus haute sanction du deuxième groupe de celles applicables aux fonctionnaires de l'Etat ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées en appel tendant, d'une part, au prononcé d'injonction à l'égard de l'administration et, d'autre part, au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme Busidan et MmeD..., premières conseillères.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.

N°18MA00828 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CAUVIN - LEYGUE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 25/09/2018
Date de l'import : 02/10/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA00828
Numéro NOR : CETATEXT000037440509 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-25;18ma00828 ?
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