Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'université Aix-Marseille à lui verser la somme de 135 218,48 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son absence d'inscription en master 2 " psychologie clinique et psychopathologique " au titre de l'année universitaire 2015-2016, majorée des intérêts moratoires au taux légal et de leur capitalisation.
Par un jugement n° 1510286 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 juin 2017 et 4 avril 2018, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'université Aix-Marseille à lui verser la somme de 135 218,48 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son absence d'inscription en master 2 " psychologie clinique et psychopathologique " au titre de l'année universitaire 2015-2016, majorée des intérêts moratoires au taux légal ;
3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre les dépens de l'instance à la charge de l'université Aix-Marseille ;
5°) de mettre une somme de 6 000 euros à la charge de l'université Aix-Marseille, à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus d'inscription découlant d'un dysfonctionnement informatique et de l'absence de démarches de l'université pour y remédier constitue une faute ;
- la perte de son droit au congé individuel de formation, le retard à ouvrir un cabinet de psychologue et un préjudice moral en sont la conséquence ;
- la réalité de son préjudice est établie.
Par un mémoire enregistré le 5 mars 2018, l'université Aix-Marseille, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'existe aucun lien de causalité entre une éventuelle faute de l'établissement et les préjudices dont se prévaut Mme A... ;
- les préjudices invoqués ne sont pas établis.
Par une ordonnance du 4 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le décret n° 84-613 du 16 juillet 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me F..., représentant l'université Aix-Marseille.
1. Considérant que Mme A... a obtenu au cours de l'année universitaire 2014-2015 un mastère 1 de psychologie ; qu'elle a obtenu, le 27 mai 2015, l'accord du fonds de gestion des congés individuels de formation (FONGECIF) de la Réunion pour la prise en charge de sa formation en vue de l'obtention d'un mastère 2 de psychologie à l'université d'Aix-Marseille ; qu'elle a réalisé son inscription pédagogique en ligne le 17 juin 2015 ; qu'ayant remarqué l'absence de prise en compte de son inscription par le serveur informatique de l'université, elle a pris contact avec celle-ci, qui lui a confirmé l'existence d'un problème informatique ; que le 9 juillet 2015, le responsable du mastère 2 de psychologie l'a informée que le recrutement des étudiants en vue de cette formation était définitivement clos ; qu'à la suite de plusieurs démarches tendant à la prise en compte de son inscription, Mme A... a, le 23 novembre 2015, saisi l'université Aix-Marseille d'une demande indemnitaire relative aux préjudices qu'elle estime avoir subis ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme A... ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que Mme A... se borne à critiquer la motivation du jugement attaqué sans assortir ce moyen des précisions permettant à la Cour de statuer sur son bien-fondé ; que ce moyen doit dès lors être écarté ; qu'il en résulte que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la faute :
3. Considérant que l'université d'Aix-Marseille ne conteste nullement que Mme A... a procédé à son inscription pédagogique sur le serveur informatique " e-candidat " et reconnaît au demeurant qu'un dysfonctionnement informatique a empêché la prise en compte de sa candidature, sans que les démarches ultérieures de la requérante aient conduit l'établissement à corriger cette erreur ; que Mme A... est fondée à soutenir que l'établissement a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
En ce qui concerne le préjudice tiré de la perte du droit à utilisation du congé individuel de formation :
4. Considérant que l'établissement soutient qu'il était loisible à Mme A... de solliciter le report du bénéfice de son congé individuel de formation auprès du FONGECIF de la Réunion ; que Mme A... ne conteste pas sérieusement l'existence de cette possibilité ; qu'il ne résulte ni des dispositions des articles L. 6322-1 à L. 6322-3 et R. 6322-3 à R. 6322-7 du code du travail, ni des dispositions du décret du 16 juillet 1984 relatif au congé individuel de formation, ni des stipulations des accords nationaux interprofessionnels des 5 décembre 2003, 7 janvier 2009 et 14 décembre 2013 relatifs à la formation professionnelle qu'un salarié ayant reçu l'accord de son employeur pour bénéficier d'un congé individuel de formation et du FONGECIF pour le financement de celui-ci perdrait définitivement le bénéfice de ce congé en l'absence de possibilité d'inscription à la formation à laquelle il postule ; que dans ces conditions, ce préjudice demeurant... ;
En ce qui concerne le préjudice financier :
5. Considérant, en premier lieu, que Mme A... n'établit pas que le retard d'un an à achever ses études de psychologie et à ouvrir un cabinet dans cette discipline serait de nature à engendrer une perte de gain résultant de l'exercice de cette activité ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A... a été avertie le 9 juillet 2015 que son inscription n'avait pu être prise en compte et que sa demande était définitivement rejetée ; que la requérante a cependant demandé la rupture conventionnelle de son contrat de travail, le premier entretien préalable ayant eu lieu le 26 août 2015 ; que Mme A... a elle-même fait part à l'université, le 3 septembre 2015, qu'elle n'envisageait plus de s'inscrire, alors qu'elle avait signé, le 2 septembre 2015, la convention de rupture ; qu'elle ne s'est pas rétractée de l'engagement de rupture conventionnelle dans le délai de quinze jours qui lui était ouvert pour ce faire à compter de cette date par les dispositions de l'article L. 1237-13 du code du travail alors que l'université lui avait confirmé, le 8 septembre 2015, le rejet définitif de sa demande d'inscription ; qu'il en résulte que la perte de gain résultant de la cessation de son activité professionnelle est entièrement imputable à sa décision de quitter son emploi ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la réparation de son préjudice financier ;
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A..., qui a été privée au moins pour un temps, voire définitivement eu égard à son âge, d'une possibilité de reconversion professionnelle et a subi les conséquences matérielles de l'inertie de l'université, est fondée à demander la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis du fait de l'absence de traitement satisfaisant de sa demande d'inscription ; qu'elle est dès lors fondée à soutenir, d'une part, que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de première instance et, d'autre part, que le jugement attaqué doit être annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
9. Considérant qu'en vertu de l'article 1153 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur les sommes mentionnées ci-dessus à compter du 1er décembre 2015, date de réception de la réclamation préalable adressée par la requérante à l'établissement ; qu'en vertu de l'article 1154 du même code, lesdits intérêts seront capitalisés au 1er décembre 2016, date à laquelle une année d'intérêts était due, puis à chaque échéance annuelle pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'en l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions de Mme A... à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'université Aix-Marseille sur ce fondement ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par Mme A... et de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'université Aix-Marseille à verser à Mme A... sur le fondement de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : L'université Aix-Marseille est condamnée à verser une somme de 3 000 euros à Mme A.éventuel, Mme Louvet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande sur ce point Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2015. Les intérêts échus le 1er décembre 2016 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : L'université Aix-Marseille versera une somme de 2 000 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement n° 1510286 du tribunal administratif de Marseille du 17 mai 2017 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent jugement.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au président de l'université Aix-Marseille.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2018, où siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. D... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.
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N° 17MA02612