Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme F...B...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le marché public de maîtrise d'oeuvre n° 2015-145 passé par la commune de Perpignan avec le groupement d'entreprises dénommé " Susanna Ferrini Architetto N ! Studio " et de condamner la commune de Perpignan à leur verser respectivement les sommes de 75 460 euros et 83 976 euros en réparation du préjudice subi du fait de leur éviction de la procédure de passation de ce marché.
Par un jugement n° 1506407 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2017, la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme F...B..., représentées par MeE..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ou, à défaut, de résilier le marché public de maîtrise d'oeuvre n° 2015-145 passé par la commune de Perpignan avec Susanna Ferrini Architetto N ! Studio ;
3°) de condamner la commune de Perpignan à leur verser respectivement les sommes de 75 460 euros et 83 976 euros en réparation du préjudice subi du fait de leur éviction de la procédure de passation de ce marché ;
4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Perpignan, à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que la commission technique a hiérarchisé les projets, empiétant ainsi sur les attributions du jury ;
- les offres ont été jugées au regard d'un critère de transparence qui n'avait pas été annoncé dans le règlement de consultation du marché ;
- le jury avait connaissance de l'identité des candidats et la règle de l'anonymat prévue par les dispositions de l'article 70 du code des marchés publics a été méconnue.
Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2017, la commune de Perpignan, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et de Mme F...B....
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par les requérants sont infondés ;
- l'annulation du marché est contraire à l'intérêt général ;
- l'offre du groupement n'aurait pu, en tout état de cause, être retenue compte tenu de la modification de la composition du groupement entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché, en violation des dispositions de l'article 51 du code des marchés publics ;
- le préjudice invoqué est excessif et la marge nette des deux candidats n'est pas établie.
Par une ordonnance du 25 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G...Grimaud, rapporteur ;
- et les conclusions de M. D...Thiele, rapporteur public.
1. Considérant que par délibération en date du 6 novembre 2014, le conseil municipal de Perpignan a approuvé le lancement d'un concours de maîtrise d'oeuvre sur esquisse relatif à l'opération " Maison de verre (Ancien presbytère) ", destiné à l'aménagement d'un lieu d'accueil et touristique et culture rue Ribell ; que la commune a conclu le 6 octobre 2015 le marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement d'entreprises dénommé Susanna Ferrini Architetto N ! studio ; que la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et MmeB..., candidates évincées, interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation du marché et à l'indemnisation du préjudice qu'elles imputent à l'irrégularité de cette procédure ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation ou de résiliation du contrat :
2. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini ;
3. Considérant que, saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ; qu'ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat ; qu'en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci ; qu'il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés ;
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 70 du code des marchés publics, alors en vigueur : " (...) III. - 1° Les candidatures sont transmises au jury qui les examine. Il dresse un procès-verbal et formule un avis motivé. / La liste des candidats admis à concourir est arrêtée et les candidats non retenus en sont informés conformément au I de l'article 80. (...) / Les candidats admis à concourir sont invités à remettre leurs prestations et une enveloppe séparée contenant leur offre de prix pour la réalisation du marché. / IV. - Avant leur communication au jury, les enveloppes relatives aux prestations sont ouvertes. Les prestations demandées sont enregistrées. Le pouvoir adjudicateur est tenu de les rendre anonymes si le montant estimé du marché de services à passer avec le lauréat est égal ou supérieur aux seuils des marchés passés selon une procédure formalisée. Elles peuvent faire l'objet d'une analyse préalable destinée à préparer le travail du jury. / V. - Les prestations des candidats sont ensuite transmises au jury qui les évalue, en vérifie la conformité au règlement du concours et en propose un classement fondé sur les critères indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence. Le jury dresse un procès-verbal de l'examen des prestations, dans lequel il consigne ses observations et tout point nécessitant des éclaircissements, et formule un avis motivé. Ce procès-verbal est signé par tous les membres du jury. L'anonymat est respecté jusqu'à l'avis du jury. (...) " ; qu'aux termes de l'article 74 du même code : " II. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre d'un montant égal ou supérieur aux seuils des marchés formalisés fixés au II de l'article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après. Ils peuvent toutefois être passés selon la procédure adaptée lorsque leur montant est inférieur à ces mêmes seuils. Dans le cas de marchés de maîtrise d'oeuvre passés en procédure adaptée, toute remise de prestations donne lieu au versement d'une prime. / III. - Le concours mentionné ci-dessus est un concours restreint organisé dans les conditions définies à l'article 70. (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que si la personne responsable du marché n'est pas liée par l'avis du jury et s'il lui appartient de recueillir tous les éléments qui lui paraissent utiles avant d'arrêter sa décision, elle ne peut faire procéder par un tiers à un examen comparé des offres qui ait le même objet et soit de même nature que celui que les dispositions de l'article 70 du code des marchés publics précité ont entendu, pour assurer l'impartialité et la transparence de la procédure, réserver au jury ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le comité technique émanant du jury, constitué lors de sa réunion du 27 mars 2015, s'est borné à un examen des différentes offres soumises par les candidats admis à concourir ; que s'il a mis en exergue les mérites de l'une des offres, il a expressément souligné que cette opinion n'était que celle du comité technique et n'a proposé aucun classement ; que l'étude des offres par le comité technique s'est dès lors limitée à l'analyse préalable destinée à préparer le travail du jury qu'autorisent les dispositions précitées de l'article 70 du code des marchés publics ; que les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que l'intervention de ce comité aurait méconnu la compétence réservée au jury, lequel au demeurant a délibéré de manière détaillée de la qualité et de la pertinence des offres qui lui étaient soumises ; que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit dès lors être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 1.1 du règlement du concours faisait état de la transparence visuelle qui résulterait de la démolition du bâtiment existant et, implicitement, du projet de construction objet du concours ; que ce même règlement renvoyait en son article 3 au programme de travaux défini par la commune, qui manifestait la recherche d'un projet alliant " transparence, modernité et volume " ; que le règlement imposait enfin une planche graphique permettant d'apprécier la " percée visuelle " ouverte par le projet ; qu'il résultait dès lors de ces dispositions que le critère " insertion dans le site et le cadre urbain, qualité du traitement architectural, organisation fonctionnelle de la composition " serait examiné au regard, notamment, de la transparence visuelle que les projets étaient susceptibles de donner au tissu urbain ; que la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme B...ne sont par suite pas fondées à soutenir que le jury aurait introduit un nouveau critère dans l'analyse des offres en se fondant sur cet élément pour les apprécier ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la commune de Perpignan soutient que les offres ont été anonymisées avant d'être soumises au jury ; que les requérants ne font état d'aucun élément de preuve de nature à remettre en cause ce fait ; que les procès-verbaux du jury mentionnent d'ailleurs les seules lettres-code représentant chacune des offres ; que la seule circonstance que le jury ait eu connaissance des pièces comportant les forfaits de rémunération, lesquelles avaient été renseignées de manière nominative par les candidats, n'établit pas que ces pièces n'auraient pas été rendues anonymes avant leur soumission au jury ; que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit dès lors être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme B... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté, par le jugement attaqué, leurs conclusions tendant à l'annulation ou à défaut, à la résiliation du marché conclu le 6 octobre 2015 par la commune de Perpignan et le groupement Susanna Ferrini Architetto N ! Studio ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que leur éviction de la procédure litigieuse a été irrégulière ; que leur demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices résultant de cette irrégularité ne peut dès lors qu'être rejetée ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme B...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté, par le jugement attaqué, leurs conclusions à fin d'indemnisation ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme B...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté, par le jugement attaqué, leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme B... au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Perpignan, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des requérants une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Perpignan en application de ces mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme B...est rejetée.
Article 2 : La société Dubuisson A2 Studio d'Architecture et Mme F...B...verseront une somme de 2 000 euros à la commune de Perpignan en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dubuisson A2 Studio d'Architecture, à Mme F...B..., à la commune de Perpignan et à Mme H...A... !Studio.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2018, où siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. G...Grimaud, premier conseiller.
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.
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N° 17MA01101