Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Plomberie de la Têt a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Ponteilla-Nyls à lui verser la somme de 66 285 euros en règlement des travaux qu'elle dit avoir réalisés sur le système de chauffage de l'école communale l'Oncle Jules ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de paiement de cette somme, majorées des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015.
Par un jugement n° 1503215 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Ponteilla-Nyls à verser la somme de 33 142,50 euros à la société Plomberie de la Têt, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2015, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 3 mars 2017, le 21 mars 2018 et le 28 août 2018, la commune de Ponteilla-Nyls, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande de la société Plomberie de la Têt ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Plomberie de la Têt à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement méconnaît le principe du contradictoire, est insuffisamment motivé et est irrégulier ;
- les attestations produites par la société Plomberie de la Têt ne sont pas de nature, à elles seules, à établir l'existence d'un marché conclu entre l'entreprise et la commune ;
- l'attestation de l'ancien maire est entachée d'inexactitude et n'établit ni un accord sur le prix, ni un accord sur la chose ;
- à supposer que le contrat ait été conclu au prix de 66 285 euros, il est illégal faute d'avoir été précédé d'une procédure de mise en concurrence ;
- la réalité et l'utilité des travaux ne sont pas établies ;
- les factures produites ne sont pas probantes ;
- la société ayant réalisé des travaux sur le fondement d'un marché issu d'une procédure irrégulière, sa faute est la seule cause du préjudice qu'elle allègue.
Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2017, la société Plomberie de la Têt, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, de condamner la commune de Ponteilla-Nyls à lui verser la somme de 66 285 euros toutes taxes comprises en règlement des travaux qu'elle dit avoir réalisés sur le système de chauffage de l'école communale l'Oncle Jules ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de paiement de cette somme, majorées des intérêts à compter du 17 mars 2015 ;
3°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de la commune de Ponteilla-Nyls en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est régulier ;
- elle a conclu un contrat verbal avec la commune de Ponteilla-Nyls ;
- à supposer ce contrat nul faute d'écrit, elle est en droit d'être indemnisée sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
- la réalité des travaux effectués en urgence ne peut être contestée ;
- ces travaux ont été utiles à la commune ;
- elle n'a commis aucune faute, ignorant la réglementation relative à la passation des marchés publics.
Une note en délibéré présentée par la commune de Ponteilla-Nyls a été enregistrée le 11 mai 2018.
Une enquête contradictoire à la barre a été prescrite par un arrêt du 23 mai 2018 et diligentée le 18 juin 2018 par la 6ème chambre de la Cour statuant en formation d'instruction en application des articles R. 623-1 à R. 623-7 du code de justice administrative, en vue de déterminer la réalité et la consistance des travaux que la société Plomberie de la Têt affirme avoir effectués dans les locaux de l'école élémentaire de l'Oncle Jules de la commune de Ponteilla-Nyls en décembre 2013. Le procès-verbal de l'audition des témoins a été dressé le jour-même puis versé au dossier. Une copie en a été notifiée à chaque partie.
Un mémoire présenté par la société Plomberie de la Têt et enregistré le 3 septembre 2018 n'a pas été communiqué.
Par une ordonnance du 16 juillet 2018, l'instruction a été rouverte et la clôture fixée au 10 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me D..., représentant la commune de Ponteilla-Nyls.
1. Considérant que la société Plomberie de la Têt a, le 17 mars 2015, demandé à la commune de Ponteilla-Nyls le règlement de travaux de réparation du système du chauffage de l'école l'Oncle Jules ; que cette demande ayant été rejetée implicitement, elle en a saisi le tribunal administratif de Montpellier ; que la commune de Ponteilla-Nyls interjette appel du jugement par lequel le tribunal, estimant les parties liées par un contrat verbal, l'a condamnée à verser la somme de 33 142,50 euros à la société Plomberie de la Têt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du même code : " Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ;
3. Considérant que le jugement attaqué a fait droit à la demande indemnitaire de la société plomberie de la Têt en relevant qu'il résultait de l'instruction, et notamment d'une attestation de l'ancien maire de la commune, que la réalité de la commande donnée à la société et de l'accomplissement des prestations était établie ; qu'il résulte tant de la rédaction du jugement que de l'instruction, que l'attestation en cause constituait le motif déterminant de la solution retenue par les premiers juges, qui l'ont adoptée sans répondre au moyen de défense tiré de ce que l'authenticité et la régularité de cette attestation étaient douteuses faute de production d'une copie de la pièce d'identité de son signataire, moyen soulevé par la commune dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 13 octobre 2016, lequel n'est ni visé ni analysé par le jugement attaqué ; que la commune de Ponteilla-Nyls est par suite fondée à soutenir que le jugement est irrégulier et doit en conséquence être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes des parties ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne l'action en responsabilité contractuelle :
5. Considérant que s'il résulte de l'instruction que la commune de Ponteilla-Nyls a commandé à la fin du mois de novembre 2013 des prestations de réparation du système de chauffage de l'école l'Oncle Jules, ni le maître de l'ouvrage ni l'entreprise n'ont établi d'écrit confirmant l'existence d'un tel contrat ; que si la société invoque la réalisation de travaux objets de douze factures produites devant les premiers juges comme devant la Cour, la commune conteste tant la consistance des travaux commandés et effectués que le montant de la rémunération due à l'entreprise à ce titre ; que, par suite, il résulte de l'instruction que la société Plomberie de la Têt et la commune de Ponteilla-Nyls ne se sont accordées à aucun moment de manière précise, ni sur la prestation à exécuter ni sur son prix ; que la société Plomberie de la Têt n'est dès lors pas fondée à se prévaloir de l'existence d'un contrat verbal conclu avec la commune de Ponteilla-Nyls ;
En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :
6. Considérant que l'entrepreneur peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles des dépenses exposées par ses soins qui ont été utiles à la collectivité ; que la faute éventuellement commise par l'intéressé en fournissant des prestations en dehors de tout contrat est sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si l'assentiment de la personne publique a été obtenu dans des conditions de nature à le vicier, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des dépositions des témoins combinées avec les factures émises par la société Plomberie de la Têt, que les prestations de remplacement de la chaudière portées sur la facture n° 40003095 peuvent être regardées comme ayant été effectivement réalisées, à l'exception du remplacement d'une vanne trois voies dont la commune soutient qu'elle n'a pas été changée ; que si la commune soutient que ces prestations étaient inutiles, il résulte de l'instruction que le fonctionnement de la chaudière à vide avait endommagé ses organes ; que le prix des travaux réalisés à ce titre doit être évalué à 10 000 euros toutes taxes comprises ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que peuvent également être regardées comme certaines dans leur réalisation et leur utilité les prestations de recherche et de réparation des fuites entre les deux bâtiments, portées sur la facture 40003096, dont le prix peut être évalué à 4 800 euros, les travaux de remplacement de la conduite dans une classe portés sur la facture n° 40003097, dont le prix peut être évalué à 2 300 euros toutes taxes comprises, le remplacement de deux conduites dans le préau, objet de la facture n° 40003099, dont le prix peut être évalué à 7 600 euros, le changement de deux radiateurs mentionné sur la facture n° 40003100, dont le prix peut être évalué à 2 900 euros, et le changement de cinquante-et-un robinets visé par la facture n° 40003101, dont le prix peux être évalué à 2 900 euros toutes taxes comprises ;
9. Considérant en revanche qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des déclarations des parties lors de l'enquête à la barre, que les prestations de ramonage, nettoyage, réglage du brûleur gaz et contrôle de la combustion, objets de la facture n° 40003094 ainsi que les prestations des factures n° 40003095, 40003096, 40003097, 40003099, 40003100, et 40003101 autres que celles-ci-dessus visées aient été réalisées ; que la société Plomberie de la Têt n'est dès lors pas fondée à en demander leur paiement ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le prix total des travaux réalisés au bénéfice de la commune par la société Plomberie de la Têt peut être évalué à 30 500 euros toutes taxes comprises ; que la circonstance que les factures établies par la société ne seraient pas conformes aux prescriptions des dispositions des articles L. 441-3 du code de commerce et 242 nonies A du code général des impôts est sans incidence sur l'appréciation de la réalité et de l'étendue des prestations fournies sur le fondement de l'enrichissement sans cause ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que la commune a effectivement commandé les prestations en cause au fur et à mesure de l'apparition des dysfonctionnements du chauffage, de telle sorte que son consentement à leur réalisation ne peut être regardé comme vicié, alors même qu'aucun devis n'a été établi ; que la commune de Ponteilla-Nyls n'est dès lors pas fondée à soutenir que la société Plomberie de la Têt aurait commis une faute de nature à faire obstacle à son indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause en exécutant ces travaux sans contrat ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la commune de Ponteilla-Nyls à verser la somme de 30 500 euros toutes taxes comprises à la société Plomberie de la Têt au titre de l'indemnisation de son appauvrissement ;
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la commune :
12. Considérant que la société Plomberie de la Têt est fondée à invoquer une faute de la commune, qui lui a confié la réalisation de travaux en s'abstenant de soumettre la passation de cette commande aux procédures prévues par les dispositions, alors en vigueur, de l'article 11 du code des marchés publics alors en vigueur, lesquelles imposaient la conclusion d'un contrat écrit eu égard au montant des prestations ; que s'il ne résulte pas de l'instruction que ces règles auraient été délibérément méconnues par les parties, la société a toutefois passé plusieurs marchés publics au cours de la même période et exécutait, au moment où les travaux litigieux lui ont été confiés, des travaux dans les écoles communales en vertu d'un marché passé avec le maître de l'ouvrage ; qu'elle a dès lors commis une imprudence fautive en exécutant les prestations évoquées aux 7 et 8 ci-dessus en dehors de tout cadre contractuel, de telle sorte que la commune de Ponteilla-Nyls est fondée à demander à être exonérée de sa responsabilité sur ce point à hauteur de 50 % ; que le préjudice résultant du gain manqué par la société sera par suite évalué, après application de ce partage de responsabilité, à la somme de 5 000 euros ;
En ce qui concerne l'indemnité pour résistance abusive :
13. Considérant que si la société Plomberie de la Têt invoque le retard et le mauvais vouloir apportés au règlement de ses travaux, elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui qui est réparé par l'allocation des intérêts moratoires ; que sa demande doit être rejetée sur ce point ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Plomberie de la Têt est fondée à demander la condamnation de la commune de Ponteilla-Nyls à lui verser la somme de 35 500 euros toutes taxes comprises ;
Sur les intérêts :
15. Considérant qu'en vertu de l'article 1153 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur les sommes mentionnées ci-dessus à compter du 20 mars 2015, date de réception de la réclamation adressée par la société Plomberie de la Têt à la commune ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Plomberie de la Têt, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Ponteilla-Nyls sur ce fondement ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Ponteilla-Nyls, à verser à la société Plomberie de la Têt sur ce fondement ;
D É C I D E
Article 1er : Le jugement n° 1503215 du tribunal administratif de Montpellier du 5 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : La commune de Ponteilla-Nyls est condamnée à verser la somme de 35 500 euros toutes taxes comprises à la société Plomberie de la Têt. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2015.
Article 3 : La commune de Ponteilla-Nyls versera une somme de 2 000 euros à la société Plomberie de la Têt en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Ponteilla-Nyls et à la société Plomberie de la Têt.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2018, où siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. C... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.
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N° 17MA00879