Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 6 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Beauvoisin a modifié sa fiche de poste, celle du 27 octobre 2014 du maire de cette commune l'affectant aux travaux de nettoyage des rues et celle du 25 novembre 2014 du maire l'affectant aux travaux de ménage des locaux communaux et d'enjoindre à la commune de la réintégrer sur son poste de chef d'entretien des espaces verts avec toutes les conséquences de droit qui s'y attachent.
Par un jugement n° 1500648 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les décisions des 27 octobre et 25 novembre 2014 du maire de la commune de Beauvoisin et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2017 et par un mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2018, la commune de Beauvoisin, représentée par la SCP d'avocats Brun-Chabadel-Expert-Piton, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 avril 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions en litige sont des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ;
- les nouvelles fonctions exercées provisoirement par l'agent correspondent à son grade et à celles déjà exercées précédemment au sein de la commune ;
- ces nouvelles fonctions n'ont pas modifié de façon significative les missions et avantages financiers de l'agent ;
- la demande de première instance était irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre la fiche de poste relative à l'entretien des bâtiments communaux du 6 janvier 2015, qui constitue un document d'organisation interne ;
- le changement provisoire d'affectation de son agent a été pris dans l'urgence par mesure de protection demandée par cette dernière, dans son intérêt et dans l'intérêt du service ;
- l'absence de communication préalable de son dossier administratif ne l'a ainsi pas privée d'une garantie ;
- ce changement d'affectation n'avait pas à être motivé ;
- la commission administrative paritaire n'avait pas à être saisie pour avis ;
- le maire dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour changer d'affectation un de ses agents ;
- ces changements d'affectation ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée ;
- ils ne sont pas intervenus selon une procédure irrégulière ;
- l'annulation de ces changements d'affectation n'implique pas nécessairement sa réintégration sur son ancien poste ;
- l'agent a été réaffectée le 1er janvier 2017 au service des espaces verts.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 11 avril 2018 et 4 juin 2018, Mme B..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, à l'annulation de la décision du 6 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Beauvoisin a modifié sa fiche de poste, et en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de la commune de Beauvoisin la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- sa demande en tant qu'elle demandait l'annulation de la modification de sa fiche de poste était recevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 22 avril 1905, en particulier son article 65 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant la commune de Beauvoisin et Me A... représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., agent technique 2ème classe titulaire affectée au service des espaces verts de la commune de Beauvoisin, a, à la suite d'un différend avec son supérieur hiérarchique, été affectée par le maire de la commune, après modification de sa fiche de poste le 6 janvier 2015, d'abord, par décision du 27 octobre 2014, aux travaux de nettoyage des rues, puis, par décision du 25 novembre 2014, aux travaux de ménage des locaux communaux. Elle a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de ces trois "décisions" et d'enjoindre à la commune de la réintégrer sur son poste de chef d'entretien des espaces verts avec toutes les conséquences de droit, notamment financières, qui s'y attachent. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont par l'article 1er du jugement, annulé les deux changements d'affectation des 27 octobre 2014 et 25 novembre 2014 et ont rejeté le surplus de la demande de Mme B.... La commune de Beauvoisin demande l'annulation de l'article 1er de ce jugement. Mme B... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les conclusions d'appel incident de Mme B... :
2. Les premiers juges ont accueilli la fin de non recevoir opposée par la commune tirée de ce que la fiche de poste du 6 janvier 2015 constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours. En appel, Mme B... ne conteste aucunement la réponse du tribunal sur ce point. Par suite, Mme B... n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à demander l'annulation du jugement sur ce point.
Sur les fins de non recevoir opposées par la commune à la demande de première instance :
3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... assurait au sein du service des espaces verts et au regard de ses compétences en horticulture, l'encadrement d'une équipe technique d'au moins 5 agents et a perçu à ce titre à compter du 1er janvier 2014 la nouvelle bonification indiciaire de 15 points. Ses nouvelles fonctions d'entretien des rues et des locaux communaux lui ont fait perdre ses fonctions d'encadrement et ont entraîné la suppression de la nouvelle bonification indiciaire. Par suite, et alors même que ce changement d'affectation ne porterait pas atteinte aux droits statutaires de son agent ou aux droits et libertés fondamentaux de Mme B..., les changements d'affectation en litige, qui bouleversent de manière suffisamment importante les conditions de travail de Mme B..., ne peuvent être qualifiés de mesure d'ordre intérieur et sont donc susceptibles de recours, contrairement à ce que soutient la commune de Beauvoisin.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". Une décision de mutation prise en considération de la personne, doit être précédée de la formalité instituée par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.
6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est toutefois de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés en l'espèce d'une garantie.
7. Pour annuler les deux décisions des 27 octobre 2014 et 25 novembre 2014 du maire de la commune changeant d'affectation Mme B..., les premiers juges ont estimé Mme B... aurait dû être à même d'obtenir la communication de son dossier avant les mutations en litige prises en considération de sa personne et qu'à défaut, l'agent a été privée d'une garantie.
8. Il ressort des pièces du dossier que le changement d'affectation de Mme B..., s'il a été pris pour mettre fin à la situation conflictuelle de la requérante et de son chef de service, a entraîné pour l'intéressée une perte de responsabilité et a été prise contre son gré. La circonstance que ce changement d'affectation soit intervenu " dans l'urgence " selon la commune, soit au demeurant sept mois après que le maire a été informé le 25 avril 2014 de cette situation conflictuelle par Mme B... et dans le souci de protéger son agent des faits supposés de harcèlement moral de son supérieur hiérarchique en la séparant de ce dernier et qu'il soit ainsi intervenu dans l'intérêt du service, ne dispensait pas le maire de respecter son obligation de mettre à même son agent de demander communication de son dossier. Il est constant que le maire n'a pas indiqué à Mme B... qu'elle pouvait consulter son dossier avant son changement d'affectation. Contrairement à ce que soutient la commune, la circonstance que cette mutation soit intervenue dans l'intérêt du service et dans celui de l'agent ne fait pas par elle-même obstacle à ce que son agent ait été ainsi privé de la garantie prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que cette mutation était intervenue à la suite d'une procédure irrégulière et que l'intéressée avait été en l'espèce privée d'une garantie de nature à entacher d'illégalité les décisions litigieuses et qu'ils les ont annulées pour ce motif.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Beauvoisin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a annulé les décisions des 27 octobre 2014 et du 25 novembre 2014 du maire de la commune.
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B... devant la Cour :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
11. L'annulation de la décision ayant illégalement muté un agent public oblige l'autorité compétente à replacer l'intéressé dans l'emploi qu'il occupait précédemment et à reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière à la date de sa mutation. Il ne peut être dérogé à cette obligation que dans les hypothèses où la réintégration est impossible, soit que cet emploi ait été supprimé ou substantiellement modifié, soit que l'intéressé ait renoncé aux droits qu'il tient de l'annulation prononcée par le juge ou qu'il n'ait plus la qualité d'agent public.
12. Mme B... a été affectée à nouveau à compter du 1er janvier 2017 au service des espaces verts de la commune de Beauvoisin. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre d'une réorganisation de ses services, la commune a recruté un chef de service technique, qui exerce désormais directement son autorité sur l'ensemble des agents techniques placés sous son autorité, en supprimant les postes de chefs de service " intermédiaires ", tel que celui qu'occupait initialement Mme B... dans les conditions décrites au point 4. Ainsi, l'emploi de Mme B... a été substantiellement modifié. Par suite, sa réintégration dans son ancien poste de chef d'entretien au sein du service des espaces verts qu'elle occupait précédemment est impossible. Dès lors, elle n'est pas fondée à demander au juge d'enjoindre à la commune de la réintégrer sur son poste précédent de chef d'entretien des espaces verts " avec toutes les conséquences notamment financières qui s'y attachent ", ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges en rejetant le surplus de ses conclusions.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdant pour l'essentiel dans la présente instance, la somme que demande la commune de Beauvoisin sur le fondement de ces dispositions. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la commune de Beauvoisin la somme de 1 500 euros que demande Mme B... sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Beauvoisin est rejetée.
Article 2 : L'appel incident et les conclusions aux fins d'injonction de Mme B... sont rejetées.
Article 3 : La commune de Beauvoisin versera la somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beauvoisin et à Mme D... B....
Délibéré après l'audience du 31 août 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 septembre 2018.
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N° 17MA02547