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19/07/2018 | FRANCE | N°18MA00585

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 19 juillet 2018, 18MA00585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1704722 du 9 octobre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M. D..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1704722 du 9 octobre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 3 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. D... dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte.

4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me B..., qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de l'Hérault a entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'insuffisance de motivation ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreur d'appréciation pour l'application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de l'Hérault s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour lui refuser un délai de départ volontaire ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Silvy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. E... D..., ressortissant algérien né le 26 septembre 1987, relève appel du jugement du 9 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 3 octobre 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). " ; et qu'aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III.. (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Hérault a fait application du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté attaqué comporte l'indication des textes dont il a été fait application, et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les règlements européens n° 1987/2006 et 2016/399 relatifs aux règles applicables au franchissement des frontières par les personnes au sein de l'Espace Schengen ainsi que les articles L. 511-1 (I 2° et II 3° b) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 6 (5°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'il fait également état de l'entrée de M. D... sur le territoire français au cours de l'année 2015 sous couvert d'un visa Schengen court séjour valable du 18 juin au 17 juillet 2015 ainsi que des déclarations de celui-ci sur les motifs de sa venue en France ; que cet arrêté expose également que M. D... n'a engagé aucune démarche depuis son entrée sur le territoire français pour solliciter un titre de séjour ou régulariser sa situation administrative ; que, par suite, la décision attaquée du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et doit être regardée comme suffisamment motivée ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit dès lors, être écarté comme manquant en fait ;

5. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) " ;

7. Considérant que M. D... fait valoir son entrée régulière sur le territoire français, la présence en France de trois de ses frères et soeurs, sa relation avec une ressortissante française et son apprentissage de la langue française ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'entré au plus tôt le 25 juin 2015 sur le territoire français, à l'âge de vingt-sept ans, M. D... se prévaut d'un bref séjour de moins de trois années à la date de la décision attaquée, sans établir le caractère continu de son séjour en France au cours de cette période ; qu'il est constant que M. D... est célibataire et sans charge de famille en France ; qu'il n'établit pas l'ancienneté de sa relation de concubinage avec sa compagne et n'allègue ni n'établit aucune intégration privée ou professionnelle à la société française en dehors de sa relation avec celle-ci ; que M. D... n'est pas fondé, par suite, à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait méconnu les stipulations précitées et porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en lui faisant obligation de quitter le territoire français eu égard aux buts poursuivis par cette mesure et à ses effets ; qu'il ne ressort pas plus de ces éléments que l'autorité préfectorale aurait entaché d'erreur manifeste son appréciation des effets de cette mesure sur sa situation personnelle ; que ces moyens doivent, par suite, être écartés ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, (...) ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) " ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault a estimé que le risque de fuite devait être regardé comme établi dès lors qu'il résultait des propres déclarations de M. D... que celui-ci était entré régulièrement sur le territoire depuis l'année 2015 sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour et a visé les dispositions du b du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il a, ainsi, suffisamment motivé en fait et en droit sa décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire à M. D... ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de la lecture de l'arrêté en litige que l'autorité préfectorale se serait estimée à tort en situation de compétence liée pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. D... sans procéder à un examen particulier de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français :

11. Considérant, en premier lieu, que pour les motifs précédemment exposés les décisions portant obligation de quitter le territoire français visant M. D... et lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, l'exception d'illégalité de ces décisions soulevée à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écartée ;

12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) " ;

13. Considérant que M. D... fait valoir que l'autorité préfectorale n'aurait pas procédé à l'examen de sa situation avant de prendre à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et que celle-ci est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors, notamment, qu'il ne présenterait pas une menace pour l'ordre public ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des termes même de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault a procédé à un examen approfondi de la situation du requérant, au regard des éléments dont il disposait et qui reposaient à titre principal sur les déclarations de celui-ci lors de ses auditions par les services de police de Montpellier, avant de prendre cette mesure temporaire d'interdiction du territoire à son encontre ; qu'au regard de la brièveté de son séjour en France et de l'absence de toute démarche de sa part pour se faire connaître des autorités compétentes et régulariser sa situation administrative, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que l'ensemble de ses conclusions, en ce y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit, par suite, être rejeté.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Me A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- M. C... et M. Silvy, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2018.

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N° 18MA00585

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00585
Date de la décision : 19/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : COUPARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-19;18ma00585 ?
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