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17/07/2018 | FRANCE | N°16MA03370

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2018, 16MA03370


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutel,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de M. D....

1. Considérant que M. D..., capitai

ne de la police nationale, affecté à la circonscription de sécurité publique de Pertuis de 1988 à février 2010, puis à celle de Marsei...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutel,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de M. D....

1. Considérant que M. D..., capitaine de la police nationale, affecté à la circonscription de sécurité publique de Pertuis de 1988 à février 2010, puis à celle de Marseille depuis février 2010, a fait l'objet le 31 décembre 2013 de la sanction disciplinaire du deuxième groupe d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 15 jours, dont 10 avec sursis ; que le tribunal administratif de Marseille a annulé cette sanction ; que le ministre de l'intérieur demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de M. D... devant le tribunal ;

2. Considérant que si, par arrêté du 9 août 2016, le ministre de l'intérieur a retiré la sanction en litige et reconstitué la carrière de l'intéressé, il ressort clairement des motifs de cet arrêté que cette décision n'a été prise qu'en stricte exécution du jugement en litige ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le recours du ministre n'est pas privé d'objet ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale " ; qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes (...) Deuxième groupe : / (...)- L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 du décret du 18 mars 1986 : " Tout manquement aux devoirs définis par le présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échant, des peines prévues par la loi pénale " ; qu'aux termes de son article 7 : " Le fonctionnaire de la police nationale est loyal envers les institutions républicaines. Il est intègre et impartial ; il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance (...) " ;

4. Considérant que la sanction en litige a été prise au motif que M. D... a, les 19 et 20 janvier 2009, procédé au retrait de la somme de 54 704 euros sur les comptes bancaires de Mme A..., décédée le 17 janvier précédent, sans en informer l'organisme bancaire ; que, ce faisant, alors même que les sommes en cause lui appartenaient, l'intéressé, qui a sciemment trompé l'organisme bancaire en usant d'une procuration devenue caduque et qui n'a pas informé la famille de la défunte, a manqué à son devoir d'exemplarité ;

5. Considérant, ainsi que l'ont dit les premiers juges, que M. D... ne conteste pas la matérialité des faits précédemment exposés et qui constituent le motif de fait de la décision en litige ; que s'il n'est pas contesté que les sommes retirées des comptes de Mme A... appartenaient en réalité à M. D..., le procureur de la République ayant requis, par voie de conséquence, qu'il n'y avait lieu à poursuite du chef d'escroquerie dès lors que ces sommes n'avaient fait l'objet d'aucun transfert de propriété au bénéfice de la familleA..., laquelle n'a subi aucun préjudice matériel, cette circonstance est sans incidence sur l'appréciation à laquelle doit se livrer l'administration au regard des manquements éventuels d'un fonctionnaire à ses obligations ; qu'en l'espèce, il est constant que l'intéressé a fait usage d'une procuration, dont il ne pouvait ignorer qu'elle était caduque, pour récupérer des sommes qu'il avaient précédemment placées sur les comptes d'un tiers afin de les dissimuler à l'un de ses héritiers ; qu'ainsi, M. D..., titulaire du grade de capitaine, s'il n'a pas été jugé coupable du chef d'escroquerie ou d'abus de confiance a, par son comportement et l'intelligence avec laquelle il s'est appliqué à détourner les lois et règlements, manqué à son devoir d'exemplarité et fait preuve d'indélicatesse ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits ayant servi de fondement à la sanction en litige n'étaient pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, du litige relatif à la légalité de la sanction en litige, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... tant devant le tribunal administratif de Marseille que devant elle ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 25 octobre 1984 : " Le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Ce délai est porté à deux mois lorsqu'il est procédé à une enquête. Les délais susindiqués sont prolongés d'une durée égale à celle des reports des réunions du conseil intervenus en application du deuxième alinéa de l'article 4 du présent décret ou du deuxième alinéa de l'article 41 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 susvisé. Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites devant un tribunal répressif, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal. Si, néanmoins, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire décide de poursuivre cette procédure, le conseil doit se prononcer dans les délais précités à compter de la notification de cette décision " ;

8. Considérant que si, en vertu des dispositions citées de l'article 9 du décret du 25 octobre 1984, le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, ce délai n'est pas édicté à peine de nullité des avis émis par le conseil de discipline après son expiration ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le conseil de discipline aurait excédé le délai imparti par les prescriptions citées doit être écarté :

9. Considérant que M. D... invoque le caractère incomplet du dossier disciplinaire dont il lui a été donné communication, en ce qu'il manquait l'original de son audition du 17 septembre 2009, les instructions émises à l'intention des services de police par le ministère public le 6 août 2009 et relatives aux faits incriminés, les instructions de l'inspection générale de la police nationale à l'initiative du rapport administratif du 5 février 2010, la plainte de Mme A... ainsi que le mémoire de l'intéressé produit au parquet d'Avignon ; que, toutefois, compte tenu de leur nature judiciaire, qui a abouti au non-lieu susmentionné, indépendamment des motifs de la décision en litige et, surtout, compte tenu de ce que l'intéressé a été destinataire des rapports en cause et qu'il produit, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction en litige aurait été prise au vu de pièces dont l'intéressé n'aurait pas eu connaissance pour assurer sa défense ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les droits de la défense en prenant la sanction en litige, doit être écarté ;

10. Considérant que seuls les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif ; qu'en outre, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des formations de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique ; que tel n'est pas le cas des ordonnances de non-lieu que rendent les juges d'instruction, quelles que soient les constatations sur lesquelles elles sont fondées ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance de non-lieu rendue le 1er décembre 2011 ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'aucun texte ni aucun principe général du droit n'enfermait dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un fonctionnaire à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des diligences mises en oeuvre par l'administration pour établir la matérialité des faits, le moyen tiré du délai excessif écoulé entre la commission des faits et le prononcé de la sanction doit être écarté ;

12. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une demande tendant à l'annulation d'une sanction prononcée pour des faits anciens, d'apprécier, eu égard notamment au temps écoulé depuis que la faute a été commise, à la nature et à la gravité de celle-ci et au comportement ultérieur de l'agent, si la sanction prononcée présente un caractère proportionné ;

13. Considérant que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 15 jours, dont 10 avec sursis, qui n'est pas fondée sur des motifs de fait inexacts, n'est pas, compte tenu des griefs retenus et eu égard aux précédents manquements commis par l'intéressé, entachée de disproportion ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 31 décembre 2013 prononçant la sanction disciplinaire du deuxième groupe d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 15 jours, dont 10 avec sursis, à l'encontre de M. D... ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. D...tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge du ministre en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 13 juin 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de M. D... devant le tribunal administratif de Marseille ainsi

que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... D....

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Coutel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2018.

N° 16MA03370 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03370
Date de la décision : 17/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Marc COUTEL
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : GERNEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 21/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-17;16ma03370 ?
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