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16/07/2018 | FRANCE | N°18MA01112

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2018, 18MA01112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants.

Par un jugement n° 1609782 du 24 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2018, Mme D...épouseA..., représentée par Me B...demande à la Cour :

) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants.

Par un jugement n° 1609782 du 24 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2018, Mme D...épouseA..., représentée par Me B...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial de ses deux enfants ou à défaut de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé car il ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement est entaché d'irrégularité car les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale et à une substitution de motif sans en avertir les parties ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation particulière ;

- en refusant d'octroyer l'autorisation de regroupement familial, le préfet a fait une inexacte application de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle remplit les conditions posées par ce texte ;

- elle ne peut produire de jugement lui confiant la garde de ses enfants en l'absence de procédure de divorce aux Philippines et le préfet a dès lors commis une erreur de droit ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...épouse A...ne sont pas fondés.

Par une lettre en date du 22 juin 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de la tardiveté de la demande de première instance en raison du caractère tardif du recours gracieux.

Par un mémoire du 27 juin 2018, Mme D...épouse A...a répondu à ce moyen.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...Grimaud, rapporteur,

- et les observations de MeB..., représentant Mme D...épouseA....

1. Considérant que Mme D...épouseA..., ressortissante philippine née le 5 août 1978, titulaire d'un titre de séjour, a demandé le 9 novembre 2015 l'autorisation de faire bénéficier ses deux enfants du regroupement familial ; que, par un arrêté du 30 mai 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé l'autorisation de procéder à ce regroupement ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 mai 2016 fait référence aux dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle se fonde sur le fait que Mme D...épouse A...n'a pas produit, à l'appui de sa demande, une décision de justice lui confiant la garde de ses enfants ainsi que les justificatifs attestant de ce que le regroupement familial partiel serait mené dans l'intérêt des enfants ; qu'il s'ensuit qu'elle ne peut être regardée que comme se fondant sur les dispositions des articles L. 411-3 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient substitué de manière irrégulière ce motif et ces dispositions à ceux résultant de l'application de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône ne s'est pas fondé ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si le jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de ce qui vient d'être dit que ce moyen était inopérant dès lors que ces dispositions n'avaient en réalité pas été opposées à la demande de Mme D... épouseA... ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...épouse A...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision attaquée, que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme D...épouse A...; que le moyen d'erreur de droit soulevé sur ce point doit dès lors être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 411-4 du même code : " L'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11. / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 411-5 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil " ; qu'en application des dispositions de l'article R. 421-3 de ce code : " Dans le cas où le regroupement sollicité n'est que partiel, la demande comporte en outre : / 1° L'exposé des motifs, tenant notamment à la santé ou à la scolarité du ou des enfants ou aux conditions de logement de la famille, qui justifient, au regard de l'intérêt du ou des enfants, que le regroupement familial ne soit pas demandé pour l'ensemble de la famille ; / 2° La liste de ceux des membres de la famille pour lesquels le regroupement familial est demandé " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 421-5 de ce code : " Outre les pièces mentionnées à l'article R. 421-4, le ressortissant étranger produit, le cas échéant : / (...) 2° Lorsque le regroupement familial est demandé pour des enfants dont l'un des parents est décédé ou s'est vu retirer l'autorité parentale, l'acte de décès ou la décision de retrait " ;

7. Considérant que Mme D...épouse A...n'établit pas l'impossibilité où elle se trouverait d'obtenir une décision de justice lui confiant la garde de ses enfants ; qu'elle fait d'ailleurs valoir qu'elle a engagé une telle procédure le 13 avril 2018 ; que le code de la famille philippin, issu du décret présidentiel n° 209 du 6 juillet 1987, prévoit d'ailleurs la possibilité pour un tribunal de statuer sur l'attribution de la garde des enfants en cas de séparation de fait des parents ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de droit en lui opposant l'absence de production d'une décision de justice lui confiant cette garde ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des dispositions précitées qu'un regroupement familial partiel, qui constitue une exception à la règle posée à l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon laquelle le regroupement familial est accordé à l'ensemble des membres de la famille, peut être refusé lorsque l'intérêt des enfants ne le commande pas, et notamment lorsque l'autorité parentale est partagée entre des parents résidant en France et dans le pays d'origine ; que la circonstance que Mme D...épouse A...remplisse les conditions fixées par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est dès lors sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus d'autorisation de regroupement familial, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que les enfants de Mme D...épouse A...ne résident plus avec leur père, il n'est en revanche pas établi, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que celui-ci aurait perdu l'autorité parentale à leur égard ; qu'il ressort également des pièces du dossier, que les enfants du couple, âgés respectivement de seize ans et de treize ans, ont toujours vécu aux Philippines où ils sont élevés par leurs grands-parents et où ils ont accompli l'intégralité de leur scolarité, après le départ de leur mère pour la France en 2009 ; que, dans ces conditions, Mme D...épouse A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations précitées ou commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 411-3 et L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant l'autorisation de regroupement familial au motif que la requérante n'était pas la seule dépositaire de l'autorité parentale ; que ces moyens doivent dès lors être écartés, de même, pour les mêmes motifs, que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...épouse A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D...épouse A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D...épouse A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2018, où siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,

- M. C...Grimaud, premier conseiller.

- Mme Chrystelle Schaegis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2018.

2

N° 18MA01112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01112
Date de la décision : 16/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL GOLDMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-16;18ma01112 ?
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