Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Ceilhes et Rocozels a rejeté sa demande du 26 novembre 2013 tendant à ce qu'il fasse usage de son pouvoir de police pour rétablir la circulation sur le chemin rural n°4, d'enjoindre au maire sous astreinte de faire enlever les obstacles à la circulation sur ce chemin, et de mettre à la charge de la commune les dépens incluant les frais d'expertise exposés ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Par un jugement n° 1400968 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de refus du maire de Ceilhes et Rocozels, a enjoint à la commune de prendre les mesures nécessaires afin de rétablir le libre passage sur le chemin rural dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros à verser à M. A...B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 août 2016, la commune de Ceilhes et Rocozels représentée par MeE..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 juin 2016 ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes de première instance de M. A... B... ;
3°) de mettre à la charge de M. A...B...le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-elle n'est pas propriétaire du chemin appartenant à une personne privée ;
-aucun des moyens invoqués en première instance par M.A... B...contre la décision de refus du maire n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 24 juillet 2017, M. A...B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Ceilhes et Rocozels le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la commune n'a jamais contesté jusque là être propriétaire du chemin et s'est comportée comme telle par des actes de conservation et d'entretien ;
- la propriété communale du chemin, classé au tableau des chemins ruraux et abandonné par la commune à compter de 1994, est établie en l'absence de tout déclassement ;
- le maire a méconnu les articles L. 161-5 et D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime en refusant de rétablir la libre circulation ;
- le maire n'a pas effectivement pris de mesures appropriées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
1. Considérant que M. F...A...B...a demandé au maire de la commune de Ceilhes et Rocozels par un courrier du 26 novembre 2013 de faire usage de ses pouvoirs de police pour rétablir la circulation sur le chemin rural n°4 ; qu'une décision implicite de refus est née du silence du maire durant deux mois sur cette demande ; que par un jugement du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Montpellier, saisi par M. A...B..., a annulé cette décision de refus du maire, a enjoint à la commune de prendre les mesures nécessaires afin de rétablir le libre passage sur le chemin rural dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi ; que la commune de Ceilhes et Rocozels interjette appel de ce jugement, et en demande la réformation en tant qu'il fait droit aux demandes de M. A...B...;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune " ; qu'aux termes de l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé " ; qu'enfin l'article L. 162-1 dispose : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains (...). / L'usage de ces chemins peut être interdit au public " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est au demeurant pas sérieusement contesté par la commune de Ceilhes et Rocozels, que le chemin rural n°4 qui permet de relier la parcelle E 178 propriété de M. A...B...à la route départementale, constituait, jusqu'à sa fermeture par la pose d'obstacles et d'un grillage au cours des années 1993 à 1994 par d'autres riverains, une voie de passage utilisée, ainsi qu'en atteste notamment le constat d'huissier dressé le 1er avril 1993 à la demande du précédent propriétaire de la parcelle, ainsi que les constatations de fait opérées par l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Montpellier dans son rapport du 1er avril 2013 faisant état d'ouvertures anciennes depuis la propriété de M. A...B...sur l'assiette du chemin ; que la commune allègue pour la première fois en appel que le chemin, en dépit de son inscription depuis une délibération de 1972 au tableau des chemins ruraux de la commune, constituerait en réalité une propriété privée ayant la nature d'un sentier d'exploitation ; que, toutefois, si à la suite de la pose d'obstacles sur l'assiette de la voie en particulier dans sa partie bordant la parcelle E 565 propriété de M.D..., les documents cadastraux ont été rectifiés pour incorporer celle-ci à la parcelle, il n'est pas allégué que cette partie du chemin aurait été fermée à la circulation du public antérieurement à cette circonstance ; que les titres de propriété produits lors de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Montpellier ne sont pas de nature à établir que l'emprise du chemin appartiendrait aux propriétaires de ces parcelles ; que l'acte sous seing privé du 17 février 1907 passé entre plusieurs propriétaires afin de constituer entre eux un chemin d'accès, qui n'a pas été rendu opposable aux tiers selon l'expert, et dont il ne ressort en outre pas des pièces du dossier qu'il correspondrait à la même assiette foncière, n'est pas davantage susceptible de démontrer qu'à la date de la décision en litige, le chemin rural n°4 remplissait les caractéristiques faisant présumer son appartenance aux propriétaires des parcelles E 565 et E 179 en application de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ; que la circonstance que l'entretien du chemin ait été abandonné dans les faits à partir de la limite de la propriété de M. D... demeure sans incidence sur ce point dès lors qu'il n'est pas démontré que la dégradation de son assiette ne serait pas imputable à la pose d'obstacles dénoncée depuis 1994 ; qu'enfin, la commune de Ceilhes et Rocozels, qui a jusqu'alors toujours reconnu le caractère de chemin rural de la voie, a elle-même pris des mesures de surveillance et d'entretien de celle-ci au sens de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime, en particulier en faisant retirer la grille implantée par M.D..., et en veillant après vérification sur place au maintien du libre accès, ainsi qu'elle le fait valoir auprès de M. A...B...par courrier du 21 octobre 2013 ; que dans ces conditions et en application des dispositions combinées des articles L. 161-1 à L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime, le chemin en cause est présumé jusqu'à preuve du contraire qui n'est pas apportée en l'espèce, appartenir à la commune de Ceilhes et Rocozels ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux " ; qu'aux termes de l'article D. 161-11 de ce code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence. Les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction et sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre lui " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il constate qu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire est tenu de prendre les mesures appropriées pour y remédier ;
5. Considérant que, comme il a déjà été dit au point 3, il n'est pas contredit que M. D... a volontairement fermé l'accès à la circulation sur le chemin rural en cause ; que le chemin ne peut être regardé comme étant désaffecté de fait ; que le maire de Ceilhes et Rocozels était dès lors, quand bien même l'accès était fermé depuis plusieurs années, tenu de rouvrir le chemin rural n° 4 à la circulation du public et faire enlever les obstacles s'opposant à cette circulation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Ceilhes et Rocozels n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision implicite du maire refusant de faire usage de ses pouvoirs de police sur le chemin rural n°4, et lui a enjoint sous astreinte de prendre les mesures nécessaires au rétablissement de la circulation sur cette voie ; que sa requête doit, dès lors, être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, en tout état de cause, à ce que M. A...B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une quelconque somme à la commune de Ceilhes et Rocozels au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 1 000 euros au profit de M. A...B...en application des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Ceilhes et Rocozels est rejetée.
Article 2 : La commune de Ceilhes et Rocozels versera une somme de 1 000 euros à M. A... B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Ceilhes et Rocozels et à M. F...A...B....
Délibéré après l'audience du 25 juin 2018 où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Hameline, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2018.
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N° 16MA03254