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05/07/2018 | FRANCE | N°18MA00825-18MA00826

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 05 juillet 2018, 18MA00825-18MA00826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeA... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1704146 du 6 novembre 2017. le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une

requête, enregistrée sous le n° 18MA00825, le 17 février 2018, Mme B..., représentée par Me D.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeA... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1704146 du 6 novembre 2017. le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 18MA00825, le 17 février 2018, Mme B..., représentée par Me D... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 novembre 2017 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 13 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant le temps de l'examen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 18MA00826, le 17 février 2018, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 novembre 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce que la Cour statue sur le recours au fond, et ce dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision en litige, et notamment l'obligation de quitter le territoire national, aura des conséquences difficilement réparables ;

- l'obligation de quitter le territoire national est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité du titre de séjour qui est insuffisamment motivé, entaché d'une erreur de fait, méconnaît l'article L. 311-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire national est insuffisamment motivée, elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du titre de séjour, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que l'exécution de l'acte attaqué aura des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Josset a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes no 18MA00825 et 18MA00826 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. Mme B..., ressortissante tunisienne née le 21 mars 1982, a sollicité le 30 août 2016 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 13 mars 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... interjette appel du jugement du 6 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police... " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. L'arrêté litigieux comporte l'indication des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il précise notamment " qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine " et que " le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ".

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ... ".

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une ordonnance

du docteur Stroumsa du 13 octobre 2016 et du compte-rendu du docteur Vaccaro du 18 novembre 2016 suite à une IRM panrachidienne, que Mme B... présente une discopathie dégénérative et une scoliose dorsale. Aucun de ces éléments n'est de nature à contredire l'appréciation portée le 30 janvier 2017 par le médecin de l'agence régionale de santé selon laquelle notamment si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, l'appelante, ne saurait, en l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé en cas de défaut de prise en charge de sa maladie, utilement faire état de ce qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Tunisie, compte tenu de ses moyens financiers et de ce qu'elle ne pourrait pas prétendre au régime de sécurité sociale tunisien. Ainsi, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... déclare être entrée en France le 1er juillet 2013. Si elle soutient cohabiter, depuis 2014, avec M. C..., compatriote tunisien titulaire d'une carte de résident, et que ce dernier est le père d'un enfant français, cette relation est en tout état de cause, relativement récente à la date de l'arrêté en litige. L'intéressée ne justifie d'aucune insertion socioprofessionnelle notable. Si le préfet a fait valoir, à tort, dans l'arrêté attaqué que les parents de Mme B... vivaient en Tunisie alors que son père est décédé en 2003 et sa mère en 2011, l'intéressée n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, la Tunisie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise, eu égard notamment aux conditions de son séjour sur le territoire français. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a, ainsi, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Pour édicter l'arrêté litigieux, le préfet des Bouches-du-Rhône a notamment retenu que les parents de Mme B... vivaient en Tunisie. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 8, que le père de la requérante est décédé en 2003 et sa mère en 2011. Si le motif susmentionné est, dès lors, entaché d'une erreur de fait, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les autres motifs de fait exposés dans l'arrêté litigieux, pour estimer qu'il n'y avait pas d'atteinte disproportionnée portée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. En vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, soit le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'a pas à motiver spécifiquement sa décision. Il n'est pas allégué que la requérante aurait sollicité une prorogation de ce délai. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a accordé à Mme B... un délai de trente jours pour satisfaire à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, à le supposer opérant, doit être écarté.

11. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 511-4-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être rejetés pour les mêmes motifs que ceux développés aux points précédents.

12. Le refus de titre de séjour n'étant pas illégal, comme il a été dit aux points précédents, le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire national par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre ne peut être qu'écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige du 13 mars 2017. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 6 novembre 2017 :

14. Le présent arrêt statue sur la requête à fin d'annulation du jugement du 6 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 mars 2017. Dès lors, les conclusions du requérant tendant au sursis à exécution du jugement du 6 novembre 2017 sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 18MA00825 de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA00826 tendant au sursis à exécution du jugement du 6 novembre 2017.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- M. Gonneau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2018.

2

N° 18MA00825, 18MA000826


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00825-18MA00826
Date de la décision : 05/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : CAUCHON-RIONDET ; CAUCHON-RIONDET ; CAUCHON-RIONDET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-05;18ma00825.18ma00826 ?
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