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28/06/2018 | FRANCE | N°15MA00646

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 15MA00646


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme K...G..., agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leurs trois enfants alors mineurs, F...D..., C...etB..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à leur verser la somme de 1 263 703,52 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des conséquences dommageables de l'accident survenu le 27 novembre 2007 à M. K... G....

La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône

a demandé la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme K...G..., agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leurs trois enfants alors mineurs, F...D..., C...etB..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à leur verser la somme de 1 263 703,52 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des conséquences dommageables de l'accident survenu le 27 novembre 2007 à M. K... G....

La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a demandé la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à lui verser la somme de 895 680,20 euros au titre des prestations servies à M. G...ainsi que le paiement de l'indemnité forfaitaire instituée par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. La Mutuelle des municipaux de la ville de Marseille et la société Pro BTP ont demandé la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à leur verser les sommes de 12 224 euros et de 11 301,87 euros au titre de leurs débours respectifs.

Par un jugement n° 0905670 du 15 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à verser à Mme E...G...à titre personnel la somme de 432 280,04 euros, à Mme F...D...G...la somme de 55 930,90 euros, à Mme E... G...en qualité de représentante légale de sa fille C...et de son fils B...les sommes respectives de 68 808,33 euros et de 86 945,40 euros, à Mme E...G...pour elle-même et pour ses deux enfants mineurs, C...etB..., et à Mme F... D...G..., en leur qualité d'héritiers d'El AbedG..., la somme de 328 297,93 euros, à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 895 680,20 euros au titre de ses débours et la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à la société Pro BTP et à la Mutuelle des municipaux de Marseille les sommes de 11 301,87 euros et de 12 224 euros au titre de leurs débours respectifs.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt avant dire droit n° 15MA00646 du 13 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel formé par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille tendant à l'annulation du jugement du tribunal du 15 décembre 2014, a ordonné un supplément d'instruction tendant à la production de documents permettant de déterminer le préjudice économique subi par les membres du foyer d'El AbedG....

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2017, Mme E...G..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son filsB..., Mlle C...G...et Mme F...D...G..., représentées par Me J...et MeH..., demandent à la Cour de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à verser les sommes respectives de 274 512,08 euros à MmeG..., de 100 523,74 euros àB... G..., de 71 046,50 euros à C...G...et de 39 863,33 euros à Dorssaf D... G...et de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- El Abed G...pouvait espérer percevoir une retraite à taux plein à

soixante-cinq ans et neuf mois, à partir du 5 juillet 2018 ;

- sa retraite doit être estimée à 80% de son revenu moyen ;

- la perte de retraite doit être intégralement prise en charge par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille dès lors que Mme G...ne perçoit pas de pension de réversion et que les enfants ne perçoivent pas de pension d'orphelin.

Par des mémoires, enregistrés le 23 octobre 2017 et le 29 novembre 2017, l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, représentée par MeI..., conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que :

- les revenus professionnels des seules années 2005 à 2007 ne peuvent pas servir de référence pour le calcul du préjudice économique ;

- El Abed G...ayant peu cotisé pour la retraite, la pension aurait été faible ;

- le revenu du foyer ayant augmenté depuis le décès, il n'y a pas eu de perte de revenus ;

- le préjudice économique ne peut excéder 75 429 euros pour la période courant du décès à octobre 2014, date à laquelle la victime directe aurait pu faire valoir ses droits à la retraite.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeA..., représentant les consortsG....

Considérant ce qui suit :

1. Le préjudice économique subi, du fait du décès d'un patient, par les ayants droit appartenant au foyer de celui-ci, est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à l'entretien de chacun d'eux, en tenant compte, d'une part et si la demande en est faite, de l'évolution générale des salaires et de leurs augmentations liées à l'ancienneté et aux chances de promotion de la victime jusqu'à l'âge auquel elle aurait été admise à la retraite puis, le cas échéant, du montant attendu des revenus issus de la pension de retraite, d'autre part, du montant, évalué à la date du décès, de leurs propres revenus éventuels, à moins que l'exercice de l'activité professionnelle dont ils proviennent ne soit la conséquence de cet événement, et, enfin, des prestations à caractère indemnitaire susceptibles d'avoir été perçues par les membres survivants du foyer en compensation du préjudice économique qu'ils subissent. En outre, l'indemnité allouée aux enfants de la victime décédée est déterminée en tenant compte de la perte de la fraction des revenus de leur parent décédé qui aurait été consacrée à leur entretien jusqu'à ce qu'ils aient atteint au plus l'âge de vingt-cinq ans.

2. Le foyer d'El AbedG..., âgé de cinquante-sept ans à la date de son décès, le 23 décembre 2009, et qui était cogérant salarié d'une entreprise de maçonnerie, comprenait également son épouse, Mme E...G..., employée dans un centre de beauté, ainsi que leur trois enfants, DorssafD..., née le 7 mars 1993, C..., née le 21 août 1997, etB..., né le 3 janvier 2003.

3. Il résulte de l'avis d'impôt sur le revenu versé au dossier que les revenus du foyer au cours de l'année précédant le décès étaient composés des salaires d'El Abed G...et de son épouse pour les montants respectifs de 30 758 euros et de 6 925 euros, soit la somme totale de 37 683 euros. Eu égard à la circonstance qu'El Abed G...était susceptible de percevoir une pension de retraite à taux plein à compter du 1er août 2018, il y a lieu d'évaluer à la somme de 324 170 euros le revenu de référence du foyer au titre de la période courant du lendemain de la date du décès, soit à compter du 24 décembre 2009, à celle du 31 juillet 2018. Il convient de déduire de ce revenu de référence du foyer, qui comprenait trois enfants à charge au cours de la période concernée, 20 % correspondants à la part des dépenses personnelles de leur père, soit la somme de 64 834 euros. Le revenu théorique des membres survivants du foyer s'élevait ainsi à 259 336 euros pour l'ensemble de la période. Pour déterminer le montant du préjudice économique subi par les membres survivants du foyer, il y a lieu de déduire le montant des salaires perçus par MmeG..., qui doivent être évalués à la somme de 59 573 euros au titre de la même période. Il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci ait perçu de son organisme de sécurité sociale une pension de réversion ni un capital décès. El Abed G...aurait pu partir à la retraite à taux plein le 1er août 2018. Il suit de là qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 199 763 euros le préjudice économique subi par le foyer au cours de la période allant du lendemain du décès à la date du 31 juillet 2018 à laquelle El Abed G...était susceptible de percevoir une pension de retraite à taux plein. La part des enfants étant fixée à 15 % chacun et celle de la mère à 55 %, le préjudice subi par cette dernière est égal à 109 870 euros et celui de chaque enfant à 29 964 euros.

4. La cour a demandé aux consorts G...de produire tous éléments relatifs au montant de la pension de retraite qu'El Abed G...aurait perçue à la date à laquelle il était susceptible de bénéficier d'une pension à taux plein. Si les intéressés justifient avoir interrogé la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) qui ne leur aurait pas répondu, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'ils démontrent par tout autre moyen l'existence et l'étendue du préjudice dont ils demandent l'indemnisation. Par ailleurs, les requérants n'établissent pas, par les seules pièces qu'ils produisent en réponse à la mesure d'instruction ordonnée par l'arrêt avant dire droit du 13 juillet 2017, et compte tenu de la faible durée de cotisation pour la retraite et de l'assiette réduite de ces cotisations, un préjudice économique imputable à la faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille.

5. Compte tenu de la somme arrêtée par le tribunal au titre des préjudices patrimoniaux et non contestée en appel et des sommes fixées aux points 9 à 12 de l'arrêt avant dire droit au titre des préjudices personnels, le total des préjudices d'El AbedG..., entrés dans le patrimoine de ses héritiers le jour de son décès, s'élève à la somme de 328 297,93 euros à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille.

6. La somme que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille versera à chacun des trois enfants d'El Abed G...doit être fixée à 54 964 euros, comprenant la réparation du préjudice moral mentionnée au point 17 de par l'arrêt du 13 juillet 2017.

7. En tenant compte des sommes arrêtées par le tribunal et non contestées en appel, il y a lieu de fixer à 163 273 euros la somme qui doit être allouée par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à Mme E...G....

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à Mme E... G...à titre personnel la somme de 432 280,04 euros, à Mme F... D...G...la somme de 55 930,90 euros, à Mme E... G...en qualité de représentante légale de sa fille C...et de son fils B...les sommes respectives de 68 808,33 euros et de 86 945,40 euros. Il y a lieu de ramener la somme allouée à Mme E... G...personnellement à 163 273 euros et celle allouée à chacun des trois enfants à 54 964 euros, sous déduction de la provision de 25 000 euros accordée à chacun par l'arrêt n° 09MA03527 de la Cour du 25 mars 2010.

9. Les consorts G...ne sont pas fondés à demander, par la voie de l'appel incident, la majoration des sommes que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille a été condamnée à leur verser.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties en litige la charge de ses propres frais de procédure et de rejeter les conclusions qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les sommes de 432 280,04 euros, de 55 930,90 euros, de 68 808,33 euros et de 86 945,40 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille a été condamnée à verser respectivement à Mme E... G...à titre personnel, à Mme F... D...G..., à Mme C... G...et à Mme E... G...en qualité de représentante légale de B...G...sont ramenées à 163 273 euros pour Mme E... G...et à 54 964 euros pour chacun des enfants, sous déduction de la provision accordée par l'arrêt n° 09MA03527 de la Cour du 25 mars 2010.

Article 2 : Les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2014 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille est rejeté.

Article 4 : Les conclusions des consorts G...présentées par la voie de l'appel incident et leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des

Bouches-du-Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...G..., à Mme F...D...G..., à Mme C...G..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à la société Pro BTP et à la Mutuelle des municipaux de Marseille.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

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N° 15MA00646


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00646
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-06 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Défauts de surveillance.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-28;15ma00646 ?
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