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04/06/2018 | FRANCE | N°17MA00383

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 juin 2018, 17MA00383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cannes a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la société International Sporting Yachting Club de la Mer (ISYCM), à lui payer la somme de 7 642 737,55 euros, somme à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de remise en bon état d'entretien du port " Pierre Canto " à la suite du prononcé de la déchéance de la convention en date du 13 janvier 1964.

Par un jugement n° 1302518 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Nice a condamné la

société ISYCM à payer à la commune de Cannes la somme de 7 621 493,52 euros augmen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cannes a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la société International Sporting Yachting Club de la Mer (ISYCM), à lui payer la somme de 7 642 737,55 euros, somme à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de remise en bon état d'entretien du port " Pierre Canto " à la suite du prononcé de la déchéance de la convention en date du 13 janvier 1964.

Par un jugement n° 1302518 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Nice a condamné la société ISYCM à payer à la commune de Cannes la somme de 7 621 493,52 euros augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation et à prendre en charge les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 117 990,21 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la commune de Cannes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2017, le 31 mai 2017 et le 13 juillet 2017, Me C...F..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société ISYCM, représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Cannes devant ce tribunal ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Cannes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance de la commune de Cannes est prescrite ;

- le tribunal n'a pris en compte ni la vétusté des ouvrages du port, ni le fait que la déchéance de la concession avait pris effet en 2002, et n'a pas davantage tenu compte du fait que l'expert n'avait pas chiffré l'intégralité des travaux.

Par des mémoires enregistrés le 27 juin 2017 et le 17 juillet 2017, la commune de Cannes, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ISYCM en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa créance n'était pas prescrite à la date à laquelle elle a saisi le tribunal car sa demande tendant à la désignation d'un expert a interrompu le délai de prescription jusqu'à la date de notification du rapport de l'expert ;

- les autres moyens sont infondés.

Par une ordonnance du 9 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... Grimaud, rapporteur ;

- les conclusions de M. D... Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me E... pour la société ISYCM.

Une note en délibéré présentée par la société ISYCM a été enregistrée le 23 mai 2018.

1. Considérant que, par arrêté du 13 mars 1964, l'Etat a concédé à la société ISYCM la construction et l'exploitation du second port de plaisance de Cannes, dit port " Pierre Canto " pour une durée de cinquante ans ; que par délibération du 14 mars 2002, le conseil municipal de Cannes, la commune de Cannes étant devenue l'autorité concédante, a prononcé la déchéance du contrat de concession du 13 janvier 1964 et a décidé que la commune reprendrait en régie directe l'exploitation du port ; que par la même délibération, le conseil municipal de cette commune a décidé d'engager toute action utile contre le concessionnaire dans l'hypothèse où les installations portuaires n'auraient pas été normalement entretenues ; que, sur requête de la commune de Cannes enregistrée le 22 décembre 2005 le président du tribunal administratif de Nice a, par ordonnance n° 0506768 du 31 janvier 2006, désigné M. G... comme expert pour procéder à la constatation et au relevé détaillé de tous les ouvrages et équipements du second port de Cannes et préciser la nature, la durée et le coût des travaux nécessaires afin de remettre en bon état de fonctionnement ces ouvrages et équipements ; que l'expert ayant déposé son rapport d'expertise le 23 juin 2008, la commune de Cannes a saisi le tribunal administratif, le 21 juin 2013, d'une demande tendant à la condamnation de la société ISYCM à lui verser les sommes nécessaires à la remise en état de l'ouvrage ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la prescription de la créance de la commune de Cannes :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction abrogée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et peuvent également les opposer " ; que l'article 2262 du même code, dans sa rédaction antérieure à cette loi prévoyait : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 2244 du même code, dans leur rédaction alors en vigueur : " Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir " ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. " ; qu'aux termes de son article 2222, dans sa rédaction issue de la même loi : " (...) En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. " ; qu'enfin, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 dispose que " (...) II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (...) " ;

4. Considérant qu'eu égard à la nature de la créance que la commune de Cannes entend faire valoir à l'encontre de la société requérante, le délai de prescription, alors trentenaire en application des dispositions précitées de l'article 2262 du code civil, a commencé à courir le 27 mars 2002, date à laquelle la commune a repris l'exploitation du port ; qu'à supposer, comme le soutient la société ISYCM, que la commune aurait été en mesure de connaître exactement l'étendue de ses droits le 25 février 2002, lors du dépôt de l'état des lieux dressé par le service maritime de la direction départementale de l'équipement des Alpes-Maritimes, le 18 février 2003 à l'occasion du dépôt du rapport d'expertise de M. A..., ou le 7 avril 2003 lors de la remise du rapport de la société BRL Ingénierie, le délai de prescription ayant recommencé à courir à compter de chacune de ces dates était également de trente ans, de telle sorte que la créance de la commune de Cannes n'était pas prescrite lorsque, par une demande en date du 22 décembre 2005, celle-ci a sollicité une nouvelle expertise en vue de déterminer l'état des ouvrages réalisés et exploités par la société ISYCM, de fixer le cas échéant, le coût de leur remise en état et de permettre ainsi le règlement financier de la concession ; que cette demande a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription en application des dispositions de l'article 2244 du code civil ; que cette interruption n'a pris fin qu'à compter de la notification à la commune de Cannes du rapport de l'expert, lequel répondait à la demande de la commune tendant à la détermination de l'exacte étendue de son préjudice ainsi que ses modalités de réparation ; qu'il en résulte que le délai de prescription quinquennale substitué, en vertu des dispositions précitées, à la prescription trentenaire à compter du 19 juin 2008 a dès lors recommencé à courir à compter du 9 juillet 2008, date de notification du rapport à la commune, pour une durée de cinq ans dès lors que ce nouveau délai de prescription, ajouté à celui ayant couru sous l'empire des dispositions antérieures, n'avait pas pour effet de porter la durée totale de la prescription au-delà de la durée prévue par celles-ci ; qu'il en résulte que la société ISYCM n'est pas fondée à soutenir que l'action de la commune de Cannes était prescrite à la date du 21 juin 2013 à laquelle celle-ci a saisi le tribunal administratif ;

En ce qui concerne le montant de la condamnation :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de M. G..., que si l'ancienneté des installations peut expliquer l'état de certains ouvrages, les conditions d'usage, le manque de maintenance et l'importante diminution du budget des travaux structurels décidée par la société concessionnaire à compter de 1990 constituent les causes essentielles de leur dégradation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas davantage établi, en l'absence de toute contestation précise de la société ISYCM sur la nature et le montant des prestations mises à sa charge, que les sommes demandées par la commune de Cannes et objets de la condamnation prononcée par le jugement attaqué excèderaient la réparation des conséquences des manquements du concessionnaire aux obligations d'entretien des installations qui lui étaient imparties par la concession ; que, par ailleurs, il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que la commune a commencé à remettre en état les ouvrages dès la reprise en régie du port et que les dégradations constatées lors des opérations d'expertise ne résultent pas de l'inaction de la commune de Cannes ; qu'enfin, la circonstance que l'expert n'a pas chiffré l'intégralité des travaux n'est pas de nature, à elle seule, à remettre en cause le bien-fondé de la condamnation prononcée dès lors que le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur d'autres pièces justificatives produites par la commune de Cannes, à l'encontre desquelles la société ISYCM ne formule aucune critique précise ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le montant de l'indemnité mise à sa charge serait erroné ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ISYCM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de la commune de Cannes ; que sa requête doit dès lors être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Cannes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société ISYCM ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société ISYCM, à verser à la commune de Cannes au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 17MA00383 est rejetée.

Article 2 : La société ISYCM versera à la commune de Cannes une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes, à la société ISYCM et à Me C...F..., mandataire liquidateur de la société ISYCM.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2018, où siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,

- M. H... Grimaud, premier conseiller.

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juin 2018.

5

N° 17MA00383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00383
Date de la décision : 04/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL NATHALIE NGUYEN AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-04;17ma00383 ?
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