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01/06/2018 | FRANCE | N°17MA02799

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 01 juin 2018, 17MA02799


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement (U.D.V.N. 83) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux tendant à l'abrogation de l'arrêté du 10 février 2014 par lequel le préfet du Var a délivré au département du Var une dérogation aux interdictions de dérangement, de destruction d'individus et d'habitat de spécimens d'espèces animales protégées dans le cadre du projet de contournement rout

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement (U.D.V.N. 83) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux tendant à l'abrogation de l'arrêté du 10 février 2014 par lequel le préfet du Var a délivré au département du Var une dérogation aux interdictions de dérangement, de destruction d'individus et d'habitat de spécimens d'espèces animales protégées dans le cadre du projet de contournement routier Nord de la commune de Pierrefeu-du-Var, ensemble l'arrêté du 10 février 2014.

Par un jugement n° 1402995 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du préfet du Var du 10 février 2014 ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par l'U.D.V.N. 83 tendant à l'abrogation de cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 3 juillet 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2017 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter la demande de l'U.D.V.N. 83 ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il n'existe pas de solution alternative satisfaisante au sens du c) du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

- la réalisation du projet de contournement routier Nord de la commune de Pierrefeu-du-Var revêt le caractère d'un intérêt public majeur.

Par des mémoires enregistrés le 18 juillet 2017 et le 24 octobre 2017, le département du Var, représenté par la SELAS LLC et Associés, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 avril 2017 et au rejet de la demande de l'U.D.V.N. 83.

Il fait valoir que :

- son intervention est recevable ;

- il n'existe pas d'autres solutions satisfaisantes ;

- l'intérêt public majeur du projet est justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2017, l'U.D.V.N 83 conclut à l'irrecevabilité du mémoire en intervention volontaire du département, au rejet du recours du ministre de la transition écologique et solidaire et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et solidaire ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 29 septembre 2017, l'association des riverains du Réal Martin du Pont Vieux à l'écluse de Pourret demande qu'il soit fait droit aux conclusions en défense présentées par l'U.D.V.N 83, par les mêmes moyens que ceux exposés par cette association, que l'intervention du département du Var soit déclarée irrecevable et que le recours du ministre de la transition écologique et solidaire soit rejeté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia,

- les conclusions de M. Chanon,

- les observations de Me C... représentant le département du Var et les observations de Me B... substituant Me D..., représentant l'U.D.V.N. 83 et l'association des riverains du Réal Martin du Pont Vieux à l'écluse de Pourret.

Une note en délibéré a été présentée le 23 mai 2018 pour le département du Var.

1. Considérant que, par arrêté du 10 février 2014, le préfet du Var a délivré au département du Var, dans le cadre du projet de contournement routier Nord de la commune de Pierrefeu-du-Var, une dérogation aux interdictions de dérangement, de destruction d'individus et d'habitat de spécimens d'espèces animales protégées ; que, le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 27 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 10 février 2014, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par l'U.D.V.N. 83 tendant à l'abrogation de cet arrêté ;

Sur l'intervention de l'association des riverains du Réal Martin du Pont Vieux à l'écluse de Pourret :

2. Considérant que l'association des riverains du Réal Martin du Pont Vieux à l'écluse de Pourret justifie d'un intérêt au maintien du jugement attaqué ; qu'il y a lieu, dès lors, d'admettre son intervention ;

Sur la fin de non recevoir opposée par l'U.D.V.N. 83 aux conclusions du département du Var :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. " ;

4. Considérant que le département du Var a produit deux mémoires dans lesquels il conclut à l'annulation du jugement attaqué ; que ces mémoires ne peuvent cependant être considérés comme une requête d'appel recevable, dès lors qu'ils n'ont été enregistrés au greffe de la Cour qu'après l'expiration du délai d'appel ; que la circonstance que ces mémoires ont été produits en réponse à la communication du recours par le greffe de la Cour pour d'éventuelles observations n'a pas davantage pour effet de conférer au département du Var la qualité de partie à l'instance d'appel ; qu'enfin, une intervention au soutien du recours du ministre de la transition écologique et solidaire présentée par le département, qui avait la qualité de défendeur en première instance, ne peut davantage être admise ; qu'il suit de là que le département du Var ne peut avoir d'autre qualité dans l'instance que celle d'observateur ; qu'à ce titre, s'l peut faire valoir tout éclaircissement de fait et de droit dans le cadre du débat contentieux tel qu'il est délimité par les conclusions et les moyens des parties, il n'est en revanche pas recevable à présenter des conclusions ou des moyens qui lui soient propres ;

Sur la régularité du jugement :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

6. Considérant que les premiers juges ont considéré que les circonstances telles que la limitation de l'impact foncier en particulier sur les parcelles exploitées en appellation d'origine contrôlée (AOC) ou classées en espaces boisés, la nécessité de sécuriser les intersections et garantir la bonne intégration de l'infrastructure dans le paysage, qui ne reposaient sur aucune considération scientifique ou technique, ne permettaient pas de conclure à l'absence de solutions satisfaisantes au sens des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ; qu'ils ont dès lors nécessairement écarté l'argument, présenté par le préfet du Var dans son mémoire en défense selon lequel il n'existait pas d'alternative plus satisfaisante ; que la justesse de cette appréciation relève non pas de la régularité du jugement mais du bien-fondé de ce dernier ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

7. Considérant que le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte une série d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ; que figurent ainsi, au 1° de cet article, " La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ", et au 2° du même article, " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel " ; que toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que dont remplies les trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement. Parmi ces motifs, figure : " c) (...) l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou (pour) d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et (pour) des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur ; qu'en présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande de dérogation élaboré en janvier 2012 par le cabinet Biotope, que six tracés différents du projet de contournement routier nord de la commune de Pierrefeu-du-Var ont été étudiés ; que la première variante longe la rivière " Réal Martin " et se situe à hauteur du terrain naturel, la deuxième longe également le cours d'eau mais se situe en digue, la troisième se situe à environ trente mètres du cours d'eau et suit le terrain naturel, la quatrième s'inscrit en remblais sur tout le tracé situé également à trente mètres du cours d'eau, la cinquième largement éloignée du Réal Martin se situe en dehors de la zone inondable et à niveau du terrain naturel et la dernière variante emprunte le chemin existant du " Plan " avant de se confondre avec les autres variantes au niveau du franchissement du Réal Martin ; que, selon les données de cette étude, les variantes 1 à 4 situées à proximité du Réal Martin, présentent un risque de pollution estimé modéré à fort du milieu naturel et, s'agissant particulièrement des variantes 1 et 2, situées à proximité immédiate du Réal Martin, un impact fort sur la ripisylve sauvage constituant un corridor écologique pour de nombreuses espèces protégées notamment le Rollier d'Europe et le Petit Duc A...qui nichent dans cette zone, et dont le défrichement s'avèrerait nécessaire ; que, compte tenu de leur impact sur la protection des espèces et de leurs habitats, ces variantes ne peuvent être regardées comme des solutions satisfaisantes ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les variantes 5 et 6, implantées en grande partie en dehors de la ripisylve sauf au niveau des franchissements du Réal Martin et du Farembert permettent de réduire cet impact de manière significative par rapport à la variante 3 retenue ; que, si la variante 6 qui consiste à réaménager le chemin dit " du Plan" lequel relie le carrefour giratoire de l'aérodrome de Cuers sur la RD14 à la RD12, à l'amont de l'ouvrage sur le Réal Martin, comporte un parcours beaucoup plus long de 6km environ au lieu de 2 km pour les cinq autres variantes, il n'est toutefois pas établi qu'une telle circonstance ne permettrait pas d'intercepter le trafic de transit et d'atteindre par conséquent l'objectif poursuivi par le projet ; que, par ailleurs, la circonstance que ces deux variantes sont implantées en partie sur des parcelles viticoles exploitées en AOC, dont au demeurant la superficie concernée n'a pas été estimée, n'est pas de nature à elle seule à les exclure des solutions pouvant satisfaire à l'équilibre des intérêts en présence d'une part, et de la protection de l'environnement d'autre part ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, et à supposer même que le projet de contournement routier Nord de la commune de Pierrefeu-du-Var puisse être regardé comme répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur, il n'est pas établi l'absence de solution alternative satisfaisante au sens des dispositions précitées du c) du 4°) de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, de nature à permettre de déroger aux interdictions mentionnées à l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 10 février 2014 ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par l'U.D.V.N. 83 tendant à l'abrogation de cet arrêté ;

Sur les frais liés au litige :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à l'U.D.V.N 83 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association des riverains du Réal Martin du Pont Vieux à l'écluse de Pourret est admise.

Article 2 : Le recours du ministre de la transition écologique et solidaire est rejeté.

Article 3 : Les conclusions du département du Var sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera à l'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à l'union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l'environnement, au département du Var et à l'association des riverains du Réal Martin du Pont Vieux à l'écluse de Pourret.

Copie en sera adressé au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 1er juin 2018.

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N° 17MA02799

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02799
Date de la décision : 01/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-035 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-01;17ma02799 ?
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