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28/05/2018 | FRANCE | N°16MA03667

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2018, 16MA03667


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 27 juin 2014 déclarant cessibles les terrains lui appartenant et le décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier.

Par un jugement n° 1403831 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2016, sous le n°

16MA03667, M. D..., représenté par Me C... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 27 juin 2014 déclarant cessibles les terrains lui appartenant et le décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier.

Par un jugement n° 1403831 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2016, sous le n° 16MA03667, M. D..., représenté par Me C... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 12 juillet 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2014 et le décret du 16 mai 2005 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Oc'Via la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas distingué ses demandes ;

- sa motivation est critiquable quand au moyen tiré de la violation de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation socio-économique ;

- il est taisant quant au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard du bilan ;

- l'arrêté contesté a été pris par une personne incompétente ;

- il a omis de mentionner la commune de Nîmes en méconnaissance des dispositions de l'article L. 11-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- l'évaluation socio-économique du projet est insuffisante concernant les modalités de financement de l'opération et son coût réel ;

- le commissaire enquêteur n'a pas examiné les observations de son gérant ;

- l'étude d'impact est insuffisante quant aux mesures compensatrices prévues au II de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ;

- l'avis des services des domaines n'a pas été sollicité ;

- il subit des préjudices depuis des années, ainsi que les carences des services de l'Etat et celles de l'autorité expropriante ;

- les articles L. 11-3, L. 13-16, L. 11-1 et L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ont été méconnus dès lors que de nouvelles expropriations sont effectuées au coup par coup ;

- l'article 5 sur les besoins de l'expropriation a été méconnu ;

- l'Etat s'est rendu complice de voies de fait et d'emprises illicites ;

- le bilan de l'utilité publique du projet est négatif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2017, la société Oc'Via conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2018, la SNCF Réseau conclut au rejet de la requête de M. D....

Elle soutient que :

- elle doit être mise hors de cause dans la présente instance ;

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le tribunal administratif de Nîmes s'est estimé à tort compétent pour statuer sur les conclusions à fin d'annulation du décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier qui relèvent de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort en application des dispositions de l'article R. 311-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;

- le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

- le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;

- le décret n° 86-455 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. D.... Et de Me B... pour la société Oc'Via.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement du 12 juillet 2016 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2014 déclarant cessibles les terrains lui appartenant et le décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 27 juin 2014 :

2. En vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements sont motivés.

3. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a identifié et répondu clairement à chaque moyen soulevé par M. D... en indiquant pour chacun d'eux s'ils concernaient l'arrêté de cessibilité ou le décret portant déclaration d'utilité publique contestés. Par suite, le jugement en litige n'est pas entaché d'une omission à statuer.

4. Le requérant ne saurait reprocher aux premiers juges de ne pas avoir répondu au moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation socio-économique quant aux modalités de financement de l'opération et son coût réel qui n'a pas été soulevé en première instance.

5. Le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en estimant que si le requérant soutient que le commissaire enquêteur n'aurait pas examiné les observations émises lors de l'enquête publique, au soutien de l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique qu'il invoque, il ne produit aucune pièce de nature à étayer ses allégations, d'ailleurs démenties par les pièces du dossier.

6. A l'appui du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard du bilan coût/avantage soulevé en première instance, M. D... s'est borné à alléguer que l'expropriation envisagée entraînera un risque agricole tenant à la cessation de l'activité et un risque social lié au licenciement du personnel pour en conclure au bilan négatif. Les premiers juges y ont suffisamment répondu en estimant que si le requérant soutient que le projet litigieux entraînera nécessairement une cessation d'activité et un licenciement du personnel, il n'en rapporte cependant pas le moindre commencement de preuve. M. D... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen.

En ce qui concerne le décret du 16 mai 2005 :

7. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) / 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres (...) ".

8. La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nîmes tendait à l'annulation du décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier. Le litige relevait ainsi, en vertu des dispositions précitées, de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort. Il s'ensuit que c'est à tort que le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes s'est prononcé sur cette demande.

9. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation du décret du 16 mai 2005 :

10. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le décret du 16 mai 2005 ayant été publié au Journal officiel de la République française du 17 mai 2005, les conclusions de M. D..., enregistrées au greffe du tribunal le 10 décembre 2014, sont tardives et, par suite, entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance. Il y a ainsi lieu pour la Cour, en application des dispositions précitées de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, de constater l'irrecevabilité des conclusions en cause et, par suite, de les rejeter.

Sur le surplus des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2014 :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

12. Comme l'a estimé à juste titre le tribunal, le préfet du Gard a, par arrêté du 5 mai 2014, donné délégation de signature à M. Denis Olagnon, secrétaire général, " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Gard ", à l'exception de certaines matières dont ne relève pas l'arrêté contesté. Par ailleurs, cet arrêté a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture spécial n° 74 du mois de mai 2014, lequel est accessible au public sur le site internet de la préfecture. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

13. Aux termes de l'article L. 11-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le préfet détermine par arrêté de cessibilité la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier si cette liste ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique (...) ". L'article R. 11-28 du même code dispose que : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire./ Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière (...) ". Selon l'article 7 du même décret : " Tout acte (...), sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). (...) ".

14. La circonstance que les articles 1 et 3 de l'arrêté contesté ne mentionnent pas, en raison d'une erreur matérielle, la commune de Nîmes est sans incidence sur sa légalité dès lors que l'état parcellaire qui y est annexé indique l'adresse des parcelles déclarées cessibles situées au lieu-dit " Mas de Goubin " sur la commune de Nîmes. Il s'en suit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 11-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne saurait être accueilli.

15. Aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement d'un extrait du rapport, du 15 avril 2013, du commissaire enquêteur produit par la société Oc'Via que ce dernier a pris en compte, de manière détaillée, les observations de M. D..., à titre personnel et en qualité de gérant du GFA du Domaine de Goubins et y a répondu. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

S'agissant de l'exception d'illégalité du décret du 16 mai 2005 portant déclaration d'utilité publique du projet :

Quant à l'avis du service des domaines :

17. Aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en vigueur à la date du décret contesté : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement :/ (...) I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages :/ (...) 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; (...)/ II.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : (...) 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. (...) ". L'article 6 du décret du 14 mars 1986 prévoit que : " Dans le cas des acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, les collectivités et services expropriants sont tenus de demander l'avis du service des domaines :/ 1° Pour produire, au dossier de l'enquête visée à l'article L. 11-1 du code de l'expropriation, l'estimation sommaire et globale des biens dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation des opérations prévues à l'article R. 11-3 (I, II, et III) du même code ; (...) ".

18. Il ressort des pièces du dossier que la direction générale des impôts du ministère de l'économie et des finances a rendu un avis le 30 mai 2002, selon lequel le coût d'acquisition des immeubles nécessaires à la réalisation de l'opération est estimé à la somme de 57,8 millions d'euros. Ainsi, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'avis des domaines n'aurait pas été sollicité.

Quant à l'étude d'impact :

19. Aux termes de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 applicable à la date du décret contesté et repris à l'article R. 122-3 du code de l'environnement en vigueur à compter du 5 août 2005 : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : (...) / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; (...) ".

20. Contrairement à ce que soutient M. D..., l'étude d'impact du projet, plus particulièrement, son résumé non technique détaille les mesures compensatoires spécifiques envisagées pour chaque impact du projet.

Quant à l'évaluation économique et sociale :

21. Aux termes de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 en vigueur à la date du décret contesté : " Les grands projets (...) sont évalués sur la base de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports relatifs notamment à l'environnement, à la sécurité et à la santé et permettant de procéder à des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes. Ces évaluations sont rendues publiques avant l'adoption définitive des projets concernés.(...) ". L'article 4 du décret du 17 juillet 1984 dispose que : " L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte : / 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; / 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière (...) ".

22. La pièce du dossier de l'enquête publique intitulée " évaluation économique et sociale" présente, avec un degré de précision suffisant, les conditions de financement du projet qui sera assuré par Réseau Ferré de France dont la participation nécessite une analyse approfondie, l'Union européenne à hauteur de 10 %, l'Etat et les collectivités territoriales du Languedoc-Roussillon dont la région. S'agissant du coût du projet, l'évaluation précise qu'il nécessite des investissements en infrastructures d'un montant de 1,05 milliards d'euros, correspondant aux travaux de contournement proprement dit et aux travaux de modernisation de la ligne Montpellier-Narbonne-Perpignan, ainsi qu'en matériel roulant, pour un montant de 570 millions d'euros. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation économique et sociale doit être écarté.

Quant au bilan de l'opération :

23. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

24. Le projet en litige a pour objet la réalisation du contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier en permettant la circulation commune de trains de marchandises et de voyageurs. Il s'inscrit dans la continuité des projets " TGV Méditerranée " et " TGV Languedoc Roussillon ". Il revêt ainsi nécessairement un caractère d'intérêt général. M. D... ne peut utilement soutenir que le bilan de l'opération est négatif compte tenu de ce que l'expropriation doit faire suite à une déclaration d'utilité publique précédée contradictoirement de la détermination des parcelles ni invoqué les dispositions de l'article L. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique relatives aux opérations sécrètes intéressant la défense nationale. Au vu des pièces du dossier, les avantages du projet constitués notamment par l'élimination du point de congestion de la ligne ferroviaire actuelle qui n'est pas compatible avec un axe ferroviaire à grande capacité, le développement du fret et le renforcement des dessertes de TER sont supérieurs à ses inconvénients. En particulier, s'il est soutenu que cette opération entraînera une coupure en deux de la propriété et nécessairement une cessation d'activité et un licenciement du personnel du GFA du Domaine de Goubins lesquels ne sont au demeurant pas établis, ces inconvénients ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique.

S'agissant des autres moyens de légalité interne :

25. Aux termes de l'article L. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Par dérogation aux articles L. 11-1 et L. 11-2, les opérations secrètes intéressant la défense nationale peuvent être déclarées d'utilité publique par décret, sans enquête préalable, sur avis conforme d'une commission. L'article L. 11-1 du code précité dispose que : " L'expropriation d'immeubles, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers, ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une enquête et qu'il aura été procédé contradictoirement à la détermination des parcelles à exproprier, ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés. ". Aux termes de l'article L. 11-1-1 du même code : " Lorsqu'un projet public de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages constitue une des opérations mentionnées à l'article L. 123-1 du code de l'environnement et que sa réalisation rend nécessaire l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, la déclaration de projet prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement intervient, au vu des résultats de l'enquête prévue à l'article L. 11-1 du présent code, selon les modalités et dans les conditions suivantes (...) ". Aux termes de l'article L. 13-16 du code précité : " Sous réserve de l'article L. 13-17, la juridiction doit tenir compte des accords réalisés à l'amiable entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique et les prendre pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.(...) ".

26. Ni ces dispositions, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent, à peine d'illégalité, que l'ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d'un projet déclaré d'utilité publique fasse l'objet d'un unique arrêté de cessibilité. La circonstance que plusieurs arrêtés de cessibilité soient intervenus successivement est dès lors, à elle seule, sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. En tout état de cause, elle, n'est pas de nature à démontrer que les besoins de l'expropriant n'auraient pas été suffisamment définis à l'avance ni à établir l'existence d'une voie de fait ou d'une emprise illicite.

27. Le moyen tiré de ce que l'article 5 sur les besoins de l'expropriation a été méconnu n'est pas assorti de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.

28. Sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, les circonstances que M. D... subisse des préjudices depuis des années, ainsi que les carences de l'Etat et de l'autorité expropriante et que la société Oc'Via n'ait pas daigné rétablir les voies d'accès et verser une compensation pour l'allongement du parcours subi.

29. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la société Oc'Via que la demande de M. D... tendant à l'annulation du décret du 16 mai 2005 doit être rejetée. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 juin 2014.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la société Oc'Via, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, versent à M. D... quelque somme que ce soit au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Oc'Via et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 12 juillet 2016 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 16 mai 2005.

Article 2 : La demande présentée par M. D... tendant à l'annulation du décret du 16 mai 2005 devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : M. D... versera à la société Oc'Via une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de la transition écologique et solidaire, à la société Oc'Via, au groupement d'intérêt économique oc'via construction et à la SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2018.

2

N° 16MA03667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03667
Date de la décision : 28/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Existence - Infrastructures de transport.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : LATOURNERIE WOLFROM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-28;16ma03667 ?
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