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14/05/2018 | FRANCE | N°17MA03198-17MA04915

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 14 mai 2018, 17MA03198-17MA04915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Constellation et la SAS Georges Holding ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté n° 188.2015 du 30 avril 2015 par lequel le maire de la commune d'Orange a décidé d'exercer le droit de préemption ouvert à la commune sur un immeuble situé 101 Allée d'Auvergne à Orange, d'ordonner à la commune de s'abstenir de céder à un tiers l'immeuble préempté ou de prendre tout acte de disposition le concernant et d'enjoindre à la commune de rétrocéder, dans le délai d'un mois,

l'immeuble préempté à la SNC Constellation sans contrepartie et ce sous astreinte d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Constellation et la SAS Georges Holding ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté n° 188.2015 du 30 avril 2015 par lequel le maire de la commune d'Orange a décidé d'exercer le droit de préemption ouvert à la commune sur un immeuble situé 101 Allée d'Auvergne à Orange, d'ordonner à la commune de s'abstenir de céder à un tiers l'immeuble préempté ou de prendre tout acte de disposition le concernant et d'enjoindre à la commune de rétrocéder, dans le délai d'un mois, l'immeuble préempté à la SNC Constellation sans contrepartie et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1502169 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 30 avril 2015 et a enjoint à la commune d'Orange de proposer, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement, à Pôle emploi et subsidiairement en cas de renonciation de ce dernier, à la société SNC Constellation, d'acquérir l'immeuble situé 101 Allée d'Auvergne à Orange.

Procédure devant la Cour :

I. Par une première requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2017 et 22 mars 2018, sous le n° 17MA03198, la commune d'Orange, représentée par Me C... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 mai 2017 ;

2°) de rejeter les demandes de la SNC Constellation et de la SAS Georges Holding ;

3°) de mettre à la charge de la SNC Constellation et de la SAS Georges Holding la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur sur la qualification des faits ;

- la préemption en litige présente un caractère approprié au regard de l'opération d'aménagement envisagée ;

- le tribunal a estimé à tort que le lieu d'implantation du bien préempté nécessitait d'emprunter systématiquement l'avenue Antoine Pinay ;

- le projet d'aménagement a évolué ;

- la distance de 500 mètres entre le bien préempté et les équipements envisagés n'est ni excessive ni disproportionnée ;

- l'objet de la préemption n'est pas exclusivement d'implanter au sein du bâtiment des vestiaires et un club house ;

- seule la préemption en litige permet de satisfaire à moindre coût aux besoins des usagers des installations sportives à réaliser ;

- la décision de préemption revêt un caractère général suffisant ;

- elle a été signée par une personne compétente ;

- elle est suffisamment motivée.

Par une intervention, enregistrée le 5 décembre 2017, la direction régionale Pôle emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur demande que la Cour rejette la requête de la commune d'Orange.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune d'Orange ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2018, la SAS Georges Holding et la SNC Constellation concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de la commune d'Orange la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par la commune d'Orange ne sont pas fondés.

II. Par une seconde requête et un mémoire, enregistrés les 19 décembre 2017 et 22 mars 2018, sous le n° 17MA04915, la commune d'Orange, représentée par Me C... demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 mai 2017.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens énoncés dans sa requête paraissent sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2018, la SAS Georges Holding et la SNC Constellation concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de la commune d'Orange la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par la commune d'Orange ne sont pas sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour la commune d'Orange, de Me B... substituant Me F...pour la SAS Georges Holding et la SNC Constellation et de MeA... , substituant Me D..., pour la direction régionale Pôle emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 17MA03198 et 17MA04915, qui sont présentées par le même requérant, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. La commune d'Orange relève appel du jugement du 23 mai 2017 du tribunal administratif de Nîmes qui a annulé l'arrêté du maire d'Orange en date du 30 avril 2015 et a enjoint à la commune d'Orange de proposer, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement, à Pôle emploi et subsidiairement en cas de renonciation de ce dernier, à la société SNC Constellation, d'acquérir l'immeuble situé 101 Allée d'Auvergne à Orange et demande le sursis à exécution du jugement contesté.

Sur la requête n° 17MA03198 tendant à l'annulation du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme applicable à la date de l'arrêté contesté : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement./ (...)Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. ".

4. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement le droit de préemption urbain, les collectivités titulaires de ce droit doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

5. L'arrêté de préemption contesté a été pris aux motifs que l'acquisition des parcelles cadastrées section BK n° 421 et 423 situées en zone UD du plan local d'urbanisme permettrait l'aménagement des locaux existants nécessaires à l'équipement sportif envisagé, vestiaires et club house par exemple, étant précisé que ces derniers bénéficient d'un accès sécurisé depuis l'avenue Antoine Pinay. Pour annuler cet arrêté, le tribunal a estimé que le fait que le bâtiment objet de la préemption initialement à vocation de bureaux se situe à une distance d'environ 500 mètres du projet d'équipement sportif et nécessite d'emprunter systématiquement l'avenue Antoine Pinay pour rejoindre le stade prévu, alors qu'il s'agit pour ledit bâtiment d'accueillir des vestiaires et un club house est de nature, à lui seul, à démontrer le caractère inadéquat du projet eu égard à l'opération initialement envisagée. Les premiers juges en ont déduit que l'auteur de la décision litigieuse avait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme en décidant la préemption, laquelle ne revêtait pas un intérêt général suffisant.

6. La commune d'Orange ne saurait valablement reprocher au tribunal d'avoir apprécié de manière exclusive que le bâtiment devait accueillir des vestiaires et un club house alors qu'il pourrait s'agir également, et entre autres, d'un service de gestion des installations dès lors que l'arrêté en litige n'indiquait que ce seul exemple précis comme destination envisagée du bâtiment préempté qui permet de faire apparaître, par ces seules mentions, la nature du projet en vue duquel le droit de préemption est exercé.

7. Il n'est pas contesté et ressort des pièces du dossier que les parcelles préemptées sont situées à une distance de près de 500 mètres du projet d'aménagement sportif envisagé par la commune d'Orange. Par ailleurs, les cartes produites au dossier démontrent que seule l'avenue Antoine Pinay permet de relier directement ces parcelles au projet du stade du parc des expositions. La commune d'Orange ne démontre pas que la réalisation d'autres liaisons viaires piétonnières ou non entre le bien préempté et le projet d'équipement sportif envisagé serait possible. Au surplus, la commune n'établit pas que ces liaisons permettraient de raccourcir la distance séparant les parcelles préemptées du projet envisagé. Si elle ajoute qu'elle est propriétaire de plusieurs parcelles autour de ce projet, cette circonstance est de nature à démontrer que la collectivité possède des réserves foncières permettant l'aménagement d'accessoires indispensables à proximité immédiate du projet. Ainsi, ce dernier présente un caractère inadéquat compte tenu de sa localisation et ne constitue pas le complément indissociable de l'opération d'aménagement d'équipement sportif envisagée. Il est dès lors dépourvu d'intérêt général comme l'a estimé à bon droit le tribunal.

8. La commune d'Orange ne peut utilement se prévaloir des évolutions du projet par la réalisation d'un parc paysager sur la parcelle cadastrée BK 462, d'un stand de tir, d'un complexe aquatique et de la création d'une zone de baignade en juillet 2017, lesquelles sont postérieures à l'arrêté contesté comme le prouvent, d'ailleurs, les documents qu'elle produit comprenant une carte du " complexe Nogent projet global " du mois de décembre 2016 et un article de la revue municipale " Orange vérités " du mois de juin 2017.

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement sportif est situé en zone 5AUI du plan local d'urbanisme (PLU) en vigueur correspondant à une zone insuffisamment équipée, destinée à accueillir des équipements culturels de loisirs, éducatifs et de détente et en zone inondable. La zone UD dans laquelle se trouvent les parcelles préemptées est une zone urbaine à dominante résidentielle, constituée actuellement d'un habitat individuel diffus ou organisé. Ce PLU rappelle que dans les zones soumises au risque d'inondation, les occupations et utilisation du sol seront autorisées sous réserve d'être compatibles avec la prise en compte du risque. En outre, son règlement précise que sont admises dans la zone 5AUI " les constructions nouvelles et l'extension des constructions existantes, à condition qu'elles soient affectées à un équipement public ou à un établissement recevant du public non destiné à de l'habitation ou à du commerce ". Par ailleurs, il ressort de l'extrait de la carte de zonage réglementaire du plan de prévention des risques d'inondation communal que si les parcelles préemptées sont localisées dans une zone jaune d'aléa faible, le terrain d'assiette du projet d'aménagement sportif comprend aussi une partie dans une telle zone. Ainsi, la commune d'Orange, n'est pas fondée à soutenir que la réalisation des locaux annexes aux équipements sportifs serait impossible dans la zone AU qui est constructible et où elle envisage d'édifier un stade, un complexe aquatique, un stand de tir et un parc paysager. Elle ne démontre pas que l'achat et l'aménagement du bâtiment appartenant à Pôle emploi situé en zone UD permettrait de réaliser l'opération à un moindre coût en se bornant à produire une estimation des travaux pour l'aménagement du stade du parc des expositions qui évalue la construction d'un bâtiment comprenant des vestiaires, une tribune de 300 places et un club House à 2 152 800 euros toutes taxes comprises. Il s'en suit que le motif tiré du classement des parcelles préemptées en zone UD ne permet pas de justifier la préemption en cause.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté contesté du 30 avril 2015.

Sur la requête n° 17MA04915 tendant au sursis à exécution du jugement contesté :

11. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué, enregistrée sous les n° 17MA04915.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SNC Constellation et la SAS Georges Holding, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, versent à la commune d'Orange quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Orange la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SNC Constellation et la SAS Georges Holding et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la direction régionale Pôle emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur est admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17MA04915.

Article 3 : La requête n° 17MA03198 de la commune d'Orange est rejetée.

Article 4 : La commune d'Orange versera à la SNC Constellation et à la SAS Georges Holding une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Orange, à la SNC Constellation, à la SAS Georges Holding et à la direction régionale Pôle emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2018.

2

N° 17MA03198 - 17MA04915


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03198-17MA04915
Date de la décision : 14/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS MARSEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-14;17ma03198.17ma04915 ?
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