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11/05/2018 | FRANCE | N°17MA01111

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 mai 2018, 17MA01111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Saint-Louis la Mer a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 15 avril 2015 par laquelle le maire de la commune de Fleury d'Aude a refusé de libérer les parcelles cadastrées HE 01, HE 02, HE 07, HD 02, HD 03, HD 04, HD 10, HD 11 et HD 12 sises au lieu-dit " Les Cabanes " sur le territoire de cette commune, d'enjoindre à la commune de libérer ces parcelles et de les remettre en état, enfin de condamner la commune à lui verser la somme de 108 000 euros augmentée des i

ntérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1503201 du 7 février 2017, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Saint-Louis la Mer a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 15 avril 2015 par laquelle le maire de la commune de Fleury d'Aude a refusé de libérer les parcelles cadastrées HE 01, HE 02, HE 07, HD 02, HD 03, HD 04, HD 10, HD 11 et HD 12 sises au lieu-dit " Les Cabanes " sur le territoire de cette commune, d'enjoindre à la commune de libérer ces parcelles et de les remettre en état, enfin de condamner la commune à lui verser la somme de 108 000 euros augmentée des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1503201 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision du 15 avril 2015 seulement en tant que la commune a refusé de libérer la parcelle HE 07, a enjoint à la commune, soit de libérer cette parcelle et de la remettre en état, soit d'engager une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement, a condamné la commune à verser à la SCI Saint-Louis la Mer la somme de 46 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière de la parcelle HE 07, assortie des intérêts au taux légal, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2017, La commune de Fleury d'Aude, représentée par la SCP CGCB et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 février 2017 ;

2°) à titre principal de rejeter la demande présentée par la SCI Saint-Louis la Mer devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) à titre subsidiaire de poser une question préjudicielle au juge judiciaire concernant la propriété de la parcelle HE07 ;

4°) en tout état de cause, à titre reconventionnel, de condamner la SCI Saint-Louis la Mer à lui verser la somme de 24 000 euros au titre de la répétition des sommes indument versées en application de la convention d'occupation précaire illégale ;

5°) de mettre à la charge de la SCI Saint-Louis la Mer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est compétente ni pour se prononcer sur des preuves concurrentes tenant à la propriété d'un bien, ni pour connaître des litiges relatifs à l'expulsion d'un bien approprié par une personne publique ;

- le tribunal n'était pas compétent pour se prononcer sur la question de la propriété de la parcelle cadastrée HE 07 ;

- elle est propriétaire de cette parcelle HE 07 ;

- elle a droit au remboursement des redevances d'occupation qu'elle a versées à tort à la SCI Saint-Louis la Mer pour un montant de 24 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 septembre 2017 et le 10 janvier 2018, la SCI Saint-Louis la Mer, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que la commune de Fleury d'Aude lui verse une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions de la commune présentée à titre reconventionnel tendant au remboursement de la somme de 24 000 euros sont irrecevables d'une part en ce qu'elles présentent à juger un litige distinct, d'autre part en ce qu'elles relèvent de la compétence du juge judiciaire ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi de n° 83-663 du 9 janvier 1983 ;

- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Fleury d'Aude, et de Me B..., représentant la SCI Saint-Louis la Mer.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Fleury d'Aude a été enregistrée le 4 mai 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par conventions conclues pour l'année 2008 puis pour la période du 1er janvier 2009 au 30 avril 2010, la SCI Saint-Louis la Mer a consenti à la commune de Fleury d'Aude l'occupation, en contrepartie d'une redevance, l'occupation des parcelles HE 01, HE 02, HE 07, HD 02, HD 03, HD 04, HD 10, HD 11 et HD 12 sises lieu-dit " Les Cabanes " sur le territoire de cette commune. A défaut d'accord sur les conditions de cette mise à disposition, la dernière convention n'a pas été reconduite et aucun loyer n'a plus été versé par la commune. Par lettre du 26 septembre 2012, la SCI Saint-Louis la Mer a adressé à la commune une demande préalable tendant au versement d'une indemnité d'occupation pour la période allant du 1er mai 2010 au 31 août 2012, pour un montant de 50 232 euros. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la commune sur cette demande. Par lettre du 31 mars 2015, la SCI a réitéré cette demande, en actualisant le montant de l'indemnité sollicitée, portée à 102 000 euros pour la période du 1er mai 2010 au 30 avril 2015, et a demandé à la commune d'évacuer les parcelles en cause. Par décision du 15 avril 2015, le maire a rejeté ces demandes. Par jugement du 7 février 2017, le tribunal administratif de Montpellier, saisi par la SCI Saint-Louis la Mer, a partiellement fait droit à ses demandes d'injonction à la libération des lieux et de condamnation pécuniaire en annulant la décision du 15 avril 2015, seulement en tant que la commune a refusé de libérer la parcelle HE 07, en enjoignant à la commune, soit de libérer la parcelle HE 07 et de la remettre en état, soit d'engager une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, et en condamnant la commune à verser à la SCI la somme de 46 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière de la parcelle HE 07. Les premiers juges ont rejeté le surplus de la demande, estimant que la SCI n'établissait pas que la commune occupait effectivement les parcelles HE 01, HE 02, HD 02, HD 03, HD 04, HD 10, HD 11 et HD 12. La commune de Fleury d'Aude relève appel de ce jugement et demande, à titre reconventionnel, de condamner la SCI Saint-Louis la Mer à lui verser la somme de 24 000 euros au titre de la répétition des sommes indument versées en application de la convention d'occupation précaire illégale.

Sur l'étendue du litige :

2. En demandant l'annulation du jugement du 7 février 2017, la commune de Fleury d'Aude doit être regardée comme demandant l'annulation de ce jugement seulement en tant qu'il annule la décision du 15 avril 2015 du maire en tant qu'elle refuse de libérer la parcelle HE 07, qu'il lui enjoint, soit de libérer cette parcelle et de la remettre en état, soit d'engager une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, enfin qu'il la condamne à verser à la SCI Saint-Louis la Mer la somme de 46 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle, assortie des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. D'une part, dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété.

4. D'autre part, lorsque, à l'occasion d'un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la propriété d'un bien, il appartient au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation. Toutefois, eu égard à l'exigence de bonne administration de la justice et aux principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable, il en va autrement s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.

5. Il résulte de l'instruction que par acte notarié du 20 septembre 2007, la SCI Saint-Louis la Mer a acquis auprès de la société Salins du Midi Participations la parcelle cadastrée HE 07 sur le territoire de la commune de Fleury d'Aude. En revanche, la commune ne justifie d'aucun titre de propriété sur cette parcelle. A cet égard, ni l'arrêté préfectoral du 30 décembre 1983 portant délimitation du port de Fleury d'Aude, qui ne qualifie aucunement de dépendances du domaine public maritime les terrains qu'il englobe et qui n'a été pris que " sous réserve des droits des tiers ", ni l'arrêté préfectoral du 1er octobre 1984 opérant, en application de l'article 6 de la loi du 9 janvier 1983, le transfert du port maritime de Fleury d'Aude de l'Etat à la commune, lequel consent seulement, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des énonciations du procès-verbal de " remise du domaine des biens et des droits de l'Etat " du 4 octobre 1984, un transfert de gestion des ouvrages et installations appartenant à l'Etat dans ce périmètre ne sauraient être regardés comme valant titre de propriété de la commune. Celle-ci ne peut davantage se prévaloir, pour soutenir qu'elle est devenue propriétaire de cette parcelle, de la lettre du préfet de l'Aude du 28 avril 2006 qui, s'il fait mention d'un " transfert de domanialité " en réponse à la demande par elle présentée sur le fondement du chapitre X de la loi du 13 août 2004, indique seulement avoir confié l'instruction du dossier à ses services. Au demeurant, l'Etat ne saurait, sur le fondement de ces dispositions, transmettre la propriété de biens ne lui appartenant pas. Il lui est seulement loisible de transférer la propriété des seules dépendances dont il est lui-même propriétaire.

6. Il résulte en outre de la délibération du 12 juillet 1982 du conseil municipal de la commune de Fleury d'Aude concernant le projet d'aménagement de la base nautique au lieu-dit " Les Cabanes " que la " base à terre pour dériveurs et petits quillards " envisagée dans le cadre de la 2ème tranche de travaux était, selon les énonciations de cet acte, située sur des terrains appartenant aux Salins du Midi. La commune avait donc connaissance, avant même qu'elle n'aménage cette " zone technique " de stockage à terre, que la parcelle HE 07 n'était ni sa propriété, ni celle de l'Etat. La commune a, au demeurant, conclu des conventions d'occupation précaire de cette parcelle avec cette société entre 2004 et 2006, avant que cette dernière ne cède son bien à la SCI Saint-Louis la Mer. Il ressort encore des énonciations d'une lettre du 21 octobre 2005 adressée à la société des Salins du Midi par le maire de la commune que celui-ci exprimait le souhait d'acquérir la parcelle en cause " afin de pérenniser sa destination ". Enfin, par lettre du 2 juillet 2012, le maire sollicitait de la SCI Saint-Louis la Mer une " proposition de prix " notamment pour acquérir le terrain supportant les " activités de la zone technique du port " qu'il regardait comme " appartenant " à cette société.

7. Si la commune invoque par ailleurs les dispositions du code civil relatives à la prescription acquisitive trentenaire pour revendiquer la propriété de la parcelle en litige, la signification à la commune, par la société des Salins du Midi, d'une sommation interruptive de prescription en date du 18 mai 2004 concernant cette parcelle a, en tout état de cause, eu pour effet d'interrompre cette prescription que la commune fait débuter à compter de l'édiction de l'arrêté de transfert du 30 décembre 1983 mentionné au point 5. La commune ne saurait par ailleurs utilement se prévaloir des dispositions de l'ancien article 2265 du code civil, aujourd'hui reprises à l'article 2272 de ce code, relatives à l'acquisition de bonne foi et par juste titre d'un immeuble à défaut d'établir avoir acquis par juste titre ladite parcelle..

8. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le moyen tiré de ce que la commune de Fleury d'Aude justifierait de son droit de propriété sur la parcelle HE 07 ne présente pas de caractère sérieux. Ainsi, il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle au juge judiciaire sur ce point. D'autre part, si l'occupation par la commune de Fleury d'Aude de la parcelle de terrain HE 07 appartenant à la SCI Saint-Louis la Mer a porté atteinte au libre exercice de son droit de propriété sur ce bien, elle n'a pas eu pour effet de l'en déposséder définitivement. Il y a lieu, par suite, d'écarter l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée par la commune pour connaître du litige.

Sur la régularité et le bien fondé du jugement attaqué :

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment, d'une part, qu'en l'absence de difficultés sérieuses, les premiers juges n'ont pas méconnu leur office en ne faisant pas droit à l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée devant eux par la commune de Fleury d'Aude. D'autre part, c'est à bon droit qu'ils ont estimé que la SCI Saint-Louis la Mer était propriétaire de la parcelle HE 07, qu'ils ont enjoint à la commune de Fleury d'Aude de libérer les lieux et l'ont condamnée à verser à la SCI Saint-Louis la Mer la somme de 46 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière de la parcelle, assortie des intérêts légaux.

10. Il résulte ainsi de tout ce qui précède, que la commune de Fleury d'Aude n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la commune de Fleury d'Aude :

11. Le présent arrêt écarte l'argumentaire de la commune selon lequel elle serait propriétaire de la parcelle HE 07. Il y a dès lors lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions reconventionnelles présentées par la commune tendant à ce que la SCI Saint-Louis la Mer soit condamnée à lui verser la somme de 24 000 euros au titre de la répétition des sommes qu'elle estime avoir indument versées en exécution de la convention d'occupation qu'elles ont conclue le 12 mars 2010.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la SCI Saint-Louis la Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Fleury d'Aude demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Fleury d'Aude une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Saint-Louis la Mer et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Fleury d'Aude est rejetée.

Article 2 : La commune de Fleury d'Aude versera à la SCI Saint-Louis la Mer une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fleury d'Aude et à la SCI Saint-Louis la Mer.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Maury, premier conseiller,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 mai 2018.

2

N° 17MA01111


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01111
Date de la décision : 11/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL LYSIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-11;17ma01111 ?
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